Les élections européennes sont-elles garanties sans "fake news"
Par Laura DulieuA l'approche des élections européennes, les Etats, institutions européennes, médias et plateformes numériques peinent à enrayer la propagation de fausses nouvelles.
Elles font désormais partie intégrante de la plupart des élections dans le monde. Les “fake news” occupent de plus en plus de place dans les campagnes électorales, au point d’influencer le résultat du scrutin. Les élections européennes n’y échappent pas, malgré des initiatives qui émergent de toutes part pour lutter contre la propagation de ces fausses nouvelles.
Les campagnes électorales victimes de "fake news"
L’élection présidentielle américaine en a particulièrement fait les frais en 2016. Qu’elles soient diffusées sur les réseaux sociaux ou carrément dites par le candidat Trump lui-même, elles ont pris une place considérable pendant la campagne. Parmi les plus tenaces, on retrouve l’état de santé d’Hillary Clinton, propagée notamment par la chaîne Fox News ou la sphère d’extrême droite.
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
Autre rumeur persistante de cette campagne, l’authenticité du certificat de naissance de Barack Obama, relayée entre autres par Russia Today et Donald Trump lui-même, qui affirmait que l’ancien président n’était pas né aux Etats-Unis ; ou encore le supposé soutien du Pape à Donald Trump. Après sa défaite, Hillary Clinton affirmera en 2017 que “les fake news peuvent avoir des conséquences mondiales”, en appelant “les dirigeants des secteurs public et privé à s’engager pour protéger la démocratie et des vies innocentes”.
Autre scrutin envahi par les fausses informations : le référendum sur le Brexit, en 2016. Le tabloïd The Sun affirmait par exemple que la reine Elizabeth II était favorable au Brexit. Les partisans du Brexit ont aussi été accusés de diffuser de fausses informations en faveur de la sortie de l’Union européenne, comme le fait que le Brexit rapporterait 350 millions de livres par semaine au système de santé britannique, le NHS. Série documentaire sur la fabrication des fake news, La Fabrique du mensonge consacre son premier épisode au Brexit.
Enfin, la campagne présidentielle non plus n’a pas échappé aux rumeurs infondées. Parmi elles, la rumeur relayée par Marine Le Pen insinuant qu’Emmanuel Macron possédait un compte aux Bahamas, ou encore la fausse Rolex de Jean-Luc Mélenchon.
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
Les médias dans la bataille
Concernant les élections européennes, elles ont aussi droit à leur lot de fausses nouvelles. En témoignent les articles fréquents de beaucoup de médias à propos d’idées reçues ou carrément de fausses informations sur l’Europe. Régulièrement, les "Décodeurs" du journal Le Monde démontent des rumeurs, tout comme l'équipe de "Check News" à Libération, entre autres. Du côté des institutions, on essaye aussi de rétablir les faits comme on peut. Il y a quelques semaines, la Commission européenne a relancé "les Décodeurs de l'Europe" pour combattre des dizaines d'idées reçues. Le Parlement européen tente aussi de répondre aux fausses rumeurs. Mais ces initiatives semblent bien vaines.
Beaucoup de ces intox viennent "directement de Russie" selon la directrice de la rédaction française du média européen Euractiv Aline Robert : "Il faut garder à l'esprit que le ministère de la défense russe investit 300 millions d'euros par an dans ces questions d'information, avec Sputnik ou Russia Today."
Mais les politiques ont aussi une large part de responsabilité, notamment en France. Selon Aline Robert, "on a un niveau de désinformation venant souvent des percées extrémistes qui atteint un ridicule et une bêtise assez rares, comme par exemple une députée européenne sortante du RN qui explique qu'Erasmus + veut dire 'Erasmus + de migrants' : des choses complètement fausses mais qui sont dites ou écrites et donc vont infuser dans la population."
On a des absurdités qui sont répétées et qui finissent par prendre. C'est la manipulation de l'information, brouiller le message, à la fin il n'y a plus de vérité.
Aline Robert
Contre cela, la France a promulgué fin 2018 la loi contre la manipulation des informations en période électorale. Cette loi instaure notamment un devoir de coopération des plus grosses plateforme en ligne (plus de 5 millions de visiteurs uniques par mois) dans la lutte contre les fake news, et donne la capacité au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel de les accompagner dans la mise en place d'actions concrètes en période électorale. Elle n'a jusqu'à présent pas été utilisée.
Les géants du Net sous pression
Sévèrement pointés du doigt en la matière, les géants du Net sont aussi sous pression à l'approche du scrutin européen. Fin janvier, la Commission européenne demandait à Facebook, Google et Twitter d'"intensifier leurs efforts" contre la désinformation en ligne. En 2018, ces plateformes avaient signé un "Code de conduite", non contraignant. Mais la Commission veut "aller plus vite et plus loin", même si elle reconnaît que "c_ertains progrès ont été réalisés, notamment en ce qui concerne la suppression des faux comptes et la limitation de la visibilité des sites qui promeuvent la désinformation". _
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
Si les mesures prises par ces plateformes sont insuffisantes, la Commission agite la menace de "sanctions réglementaires". Finalement, lors du bilan mensuel d'avril dressé à propos du comportement des géants du Net en la matière, la Commission a exprimé sa "satisfaction" : "les trois plateformes ont toutes les trois commencé à signaler le caractère politique des publicités qu’elles affichent". Mais l'institution maintient la pression : "il sera cependant nécessaire de poursuivre les améliorations techniques et de partager les méthodes et les séries de données relatives aux faux comptes afin de permettre aux experts, aux vérificateurs de faits et aux chercheurs de réaliser une évaluation indépendante". Sont visés en particulier Google et Twitter, dont les progrès en matière de transparence des publicités engagées laissent à désirer.
Google veut labelliser les contenus bénéficiant de financement public
Google a annoncé cette semaine le lancement de label pour les vidéos Youtube provenant de médias qui bénéficient de fonds publics. Il s'agirait d'indiquer sous une vidéo si le média est financé en totalité ou en partie par un Etat. Selon Gilles Babinet, le représentant français du numérique à la Commission européenne, ce seul critère pour obtenir le label pose problème : "Je ne suis pas à l'aise avec le fait qu'on dise que dans l'ensemble des pays de l'UE, ce sont les médias 'officiels' qui vont faire foi. Autant en France les médias financés par les fonds publics parmi lesquels il y a plein de journaux d'opposition, ça fonctionne, autant en Hongrie je considère que ça ne fonctionne pas."
Du côté de Facebook, le réseau social est notamment accusé d'avoir laissé des entreprises russes financer en masse des campagnes de publicité pour influencer le vote américain en 2016. Fin janvier, le géant avait annoncer lancer de "nouveaux outils" pour lutter contre les "interférences" dans les élections européennes, et ainsi "rendre la publicité publique plus transparente". Gilles Babinet attend toujours : "Ça n'a pas été fait. Je trouve très inquiétant qu'à quelques semaines des élections européennes, on en soit toujours là." Le réseau social a néanmoins fermé un grand nombre de faux comptes début 2019, et affirme avoir démantelé huit réseaux à "comportement coordonnée non authentique", originaires de Macédoine, du Kosovo et de Russie.
Selon Aline Robert, les initiatives des institutions européennes font pâle figure face aux fake news instrumentalisées grâce aux géants du numériques. "Déjà que les questions européennes sont compliquées, si on commence à dire n’importe quoi c’est encore plus compliqué pour les citoyens de s’y retrouver. On est assez désarmés."