"Les Éternels" de Chloé Zhao : "Le film est un gag qui produit tout le contraire de ce qu'il cherche"

Le dernier Marvel vient de sortir. "Les Éternels" réalisé par la multi oscarisée Chloé Zhao était très attendu. Nos critiques, comme beaucoup d'entre nous, y sont allés avec gourmandise. Mais c'est hélas l'indigestion qui les guettait...
Nomadland en 2021, laissait entrevoir l'arrivée d'un souffle nouveau sur cet univers cinématographique pas toujours très inspiré. De gros moyens, une réalisatrice qui porte une esthétique et sa vision vraisemblablement empreinte d'une liberté inédite, un casting de stars... Le moins que l'on puisse dire, c'est que le film s'avère décevant pour nos critiques.
- Alors, de quoi parle le film ?
Dans l'économie narrative des comics Marvel, l_es Éternels_, sont des super héros d'avant Spiderman, les Avengers, Iron Man, Captain America et compagnie... Plus archaïques, ils datent d'avant la création de notre univers et obéissent à un Dieu cruel et juste, comme il se doit. Ils sont disséminés un peu partout sur la Terre. Lorsque les Déviants, des créatures monstrueuses que l’on croyait disparues depuis longtemps, réapparaissent mystérieusement, les Éternels sont à nouveau obligés de se réunir pour défendre l’humanité.
- Les avis de nos critiques
Pour Thierry Chèze, "Marvel cherche à conquérir de nouveaux territoires. Ça dure 2 heures 40 qui semblent durer six ou sept heures"
Pour le rédacteur en chef du magazine Première et critique cinéma pour Ouest France, il est intéressant d'observer la manière dont la toute puissante franchise Marvel cherche dorénavant à se renouveler.
"Ils sont devenus dominants, du coup, qu'est ce qu'on fait de ce pouvoir là ? Ils décident alors de confier la réalisation à Chloé Zhao, oscarisée pour 'Nomadland' et surtout, qui vient d'un cinéma très, très auteur. Marvel cherche ainsi à l'inscrire dans l'époque et donc d'essayer d'inclure un maximum de gens. On a l'héroïne sourde et muette, on a le couple homoparentale. Toutes les cases sont vraiment cochées et à partir de là, c'est un grand crash test à la réalisation. Est-ce que d'un seul coup, on reconnaît la patte de Chloé Zhao dans cette réalisation ? Un plan de cheval ? Peut être dans le grand espace américain ? Le seul qui y était parvenu pour moi, c'était Ryan Coogler. 'Black Panther' est vraiment un film de Ryan Coogler."
"Deuxième grand crash test, et là ça ne pardonne pas : les acteurs"
"Richard Madden qui vient de 'Game of Thrones' en fait 15 tonnes. Angelina Jolie a l'air aussi perdu que nous, il faut dire qu'elle joue une espèce de déesse de la guerre complètement psychotique, qui devient folle. Et puis l'humour qui doit toujours être là dans un film de super héros, se tourne vers... les Indiens. Les blagues sont toujours les mêmes, avec un racisme latent, autour de Bollywood. On ne rit pas légèrement. Moi, j'ai vu Marvel qui cherche à conquérir de nouveaux territoires. Ça dure 2 heures 40 qui semblent durer six ou sept heures. Je suis vraiment passé totalement à côté."

Pour Théo Ribeton, "c'est un gag à quel point le film produit à tout point de vue le contraire de ce qu'il cherche"
Le chef de rubrique culture chez Stylist et critique aux Inrocks émet un avis piquant sur la représentation des minorités sexuelles au sein du film, encore marquée par de vieux modèles traditionnels...
"Sur l'inclusivité des minorités sexuelles je trouve aussi qu'il y a un vrai problème. Effectivement, il y a un super héros homosexuel - c'est très bien - il a un compagnon et un enfant. Mais ils ont un modèle familial qui - si on met l'homosexualité à part - est complètement tradi. Il y a cette humeur générale dans tout le film, qui est que l'humanité est digne d'être sauvée parce que les humains fondent des familles avec un sérieux de Pape, qu'ils vivent dans des petits villages où ils font des danses et de la cuisine avec des mortiers. On est vraiment sur une espèce d'imagerie d'Epinal, de la bonne petite humanité, etc. Et finalement, c'est beaucoup moins vivant et queer qu'un 'Spiderman' de Sam Raimi ou qu'un 'Watchmen'. Ce n'est pas parce qu'il y a un personnage homosexuel que le film peut se targuer d'être du côté de la queerness. Il ne l'est pas du tout."
"On a cette caricature avec des humains déguisés en chewing-gum qui font du Taï-chi dans le vide"
"Il y a ce truc un peu cheap des Power Rangers et en même temps l'Olympe. Ça peut être un peu ludique par moment, mais ce sont des héros qui vont avoir un certain rapport avec des panthéons polythéistes connus. [...] Il y a cette idée de revenir à la source d'inspiration des dieux de l'Olympe mais en la privant de ce qui fait le sel des dieux de l'Olympe qui sont justement très humains, avec une forme de charnel et un comique qui là est plombant comme une messe ; la perversion est totalement absente."
Écouter ou réecouter l'ensemble des critiques échangées à propos de Les Éternels dans le studio de La Grande Table critique :