Grand admirateur de François Mitterrand, ancien trotskiste, Jean-Luc Mélenchon a rendu hommage à Fidel Castro et Hugo Chavez sous la statue de Simon Bolivar, à Paris. Tour d’horizon de ses figures inspiratrices.
De François Mitterrand à François Delapierre, le parcours idéologique de Jean-Luc Mélenchon s'est forgé à travers leur influence. Sans oublier une courte mais importante formation trotskiste. Enfin, Sophia Chikirou, sa communicante en chef, et Antoine Léaument, son homme du numérique, ont récemment su propulser le candidat de "la France insoumise" au rang de star du web et d'hologramme politique, aussi capable d'accepter de parler à "Une ambition intime" ou à Gala à propos de quinoa.
Mitterrand, "Le Vieux"
C’est par ce qualificatif affectueux que Jean-Luc Mélenchon évoque l’ancien président de la République, comme il l’expliquait sur le Divan de Marc-Olivier Fogiel, en février 2015, sur France 3.
"C'était plutôt mon grand-père que mon père", confie-t-il amusé. "D'abord, un peu d'humilité : qui j'étais moi ? Je viens d'en bas, moi ! Je rencontre le président de mon pays, qui me fait l'honneur, l'amitié, de me recevoir, de m'associer à quelques uns de ses complots ! En fait, c'est moi qui m'impliquais dans ses complots. Peut-être ne m'a-t-il rien demandé, mais bon..." Et d'ajouter :
"Le Vieux", c'est parce que j'ai été trotskiste pendant trois ans*. Ce sont des années très importantes de ma formation intellectuelle. Et Léon Trotski, on l'appelait "le Vieux". Je ne sais pas pourquoi. Ensuite, moi, à 25 ans, on m'appelait "le Vieux". Et on s'est mis à appeler François Mitterrand ainsi parce que les autres l'appelaient "Tonton", et nous, nous trouvions cela un peu vulgaire.
*Jean-Luc Mélenchon, alias "Santerre" (le général de brigade de la Révolution française), a fait partie de l'Organisation communiste internationaliste (OCI), un courant trotskiste d'obédience lambertiste. Tout comme Lionel Jospin ou Jean-Christophe Cambadélis.
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Dans « Le Choix de l’insoumission », ouvrage d'entretiens de 2016 dans lequel il expose sa vision idéologique, le tribun souligne :
Ce que m’ont appris les marxistes et les trotskistes, c’est à mettre de l’ordre dans mes idées avec la méthode du matérialisme philosophique. Et aussi à me méfier des sauveurs suprêmes. Raison pour laquelle je n’ai jamais cru que je le sois et n’ai jamais été candidat à ce rôle.
Le licencié en philosophie également passé par l'UNEF est entré au PS en 1977. Devenu le plus jeune sénateur de France en 1986, à 35 ans, Jean-Luc Mélenchon a par la suite nourri une relation au cœur du premier cercle de François Mitterrand. "Je l'admirais beaucoup. Il était d'une extrême courtoisie, d'une très grande douceur."
Dans « Le Choix de l’insoumission », co écrit avec le journaliste à Marianne Marc Endeweld, il dit de François Mitterrand : "Le Vieux ne s’est pas trompé. Il était rivé au courant porteur de la gauche à l’époque. L’union pour le Programme commun, sans compromis". Il salue sa capacité à "résister à Chirac", plutôt que d’accabler son mentor pour le 'tournant de la rigueur' de 1983.
A propos de la campagne de 1981, il raconte : "Au départ, c’est une petite cohorte qui a tout porté sur son dos et qui a réussi à passer par un chemin de crête avant de déboucher sur la vallée".
Je m'en tiens à la leçon que m'a donné peu de temps avant qu'il ne disparaisse celui dont j'avoue avec FIERTÉ qu'il était un maître à penser pour moi : le président Mitterrand. Il me dit : ne cédez jamais ! Marchez votre chemin ! Je marche, Monsieur !
C'est à la tribune, en 1997, que Jean-Luc Mélenchon clame ainsi son lien. Des images d'archives tirées du très récent documentaire de Gérard Miller et Anaïs Feuillette " Jean-Luc Mélenchon, l'homme qui avançait à contre-courant". Le journaliste Christophe Barbier y précise :
Mitterrand en avait fait un de ses exécuteurs testamentaires médiatiques ou publics, pour transmettre la flamme. Et malgré tous nos différends, toutes nos disputes, les injures que j'ai reçues, je n'ai rien perdu de mon affection personnelle pour un homme politique qui peut avoir une telle piété, filiale, pour Mitterrand et pour celui qui l'a fait en politique. Zéro traîtrise, zéro insulte au passé chez Mélenchon !
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Jean-Luc Mélenchon espère maintenant que la "vague dégagiste" le portera jusqu'à l'Elysée... même s'il n'a pas réussi, comme l’avait fait son modèle, à unir la gauche dès le premier tour.
Castro et Chavez, ses symboles révolutionnaires
A la mort de Fidel Castro, Jean-Luc Mélenchon lui rend hommage sous la statue de Simon Bolivar, à Paris. Il déclare alors :
C'est dans l'exemple de nos héros que nous puisons sans cesse les leçons et l'énergie dont nous avons besoin pour continuer à ouvrir le chemin qu'en leur temps, en leur place, ils ont d'abord dégagé.
Il défend la mémoire de l'ancien révolutionnaire, fustigeant ce qu'il qualifie de "caricatures". Même s'il reconnaît qu'il a commis des "erreurs".
Déjà, début mars 2013, au pied de cette même statue de Bolivar, celui qui était alors coprésident du Parti de Gauche apparaissait très ému par la disparition d'un autre "Commandante" : Hugo Chavez. Il salue la mémoire du dirigeant vénézuélien très contesté. Alors qu'au siège de son parti, il organise une conférence de presse et déclare notamment :
Chavez a été la pointe avancée d'un processus large dans l’Amérique latine qui a ouvert un nouveau cycle pour notre siècle, celui de la victoire des révolutions citoyennes. (…) Ce qu'est Chavez ne meurt jamais. C'est l'idéal inépuisable de l'espérance humaniste, de la révolution. Il n'a pas seulement fait progresser la condition humaine des Vénézuéliens, il a fait progresser d'une manière considérable la démocratie.
A noter que le point 62 du chapitre consacré aux relations internationales du programme de la France insoumise propose d'"Instaurer une politique de développement avec l'Amérique latine et les Caraïbes en adhérant à l'Alba". Rejoindre donc l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique née en 2004 justement de la volonté de Fidel Castro et Hugo Chavez.
François Delapierre, son alter ego
Il était le bras droit de Jean-Luc Mélenchon. François Delapierre est décédé en 2015, à l'âge de 44 ans. "A sa mort, je me suis retrouvé intellectuellement seul. Nous avions un échange idéologique, stratégique, tactique", a raconté ce samedi l'homme de "La France insoumise" dans "On n'est pas couché". Directeur de sa campagne en 2012, diplômé de Science Po, et titulaire d'un DEA de sociologie du travail, ce fin théoricien politique était toujours dans les pas de Jean-Luc Mélenchon. François Delapierre maniait les mots et les concepts dans son sillage.
"Ils réfléchissaient en miroir", selon son épouse Charlotte Girard, l'une des figures incontournables lors des prises de paroles des grands meetings de Jean-Luc Mélenchon. Maîtresse de Conférences de droit public, à l'Université de Paris Ouest Nanterre - La Défense, elle est spécialiste de droit constitutionnel et de théorie du droit.
Elle a pris la parole le 18 mars dernier lors de la grande marche pour une VIe République, cinq ans après le grand discours place de la Bastille pour une VIe République, moment phare qui avait propulsé la dynamique du candidat. Ce moment clé, c'est François Delapierre qui l'avait imaginé. Pragmatique, c'est également lui qui avait donné le feu vert pour la sortie du PS en 2008, et la création du Parti de Gauche.
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Dans cette vidéo mise en ligne sur le compte Youtube de Jean-Luc Mélenchon, celui-ci déclare notamment face au cercueil de "mon camarade" :
La République, le socialisme, l'écologie politique, n'ont jamais été pour lui seulement des grands mots qui aboliraient l'exigence d'en préciser sans cesse le contenu et les stratégies de mises en oeuvre. En attestent nos recherches pour aboutir la théorie de la révolution citoyenne, dont nous avons entrepris plusieurs prototypes dans les dix dernières années. En attestent nos enquêtes sur la stratégie de la Constituante comme mode opératoire de la révolution citoyenne.
Sophia Chikirou, sa communicante en chef
Cette ancienne militante socialiste, ex porte-parole de Laurent Fabius, a su changer l'image du Jean-Luc Mélenchon 2017. "L'hologramme, c'est moi.", reconnaît dans Le Point celle qui était déjà aux côtés du député européen en 2012.
Après avoir observé Podemos et intégré l'équipe de campagne du démocrate Bernie Sanders, elle est revenue conseiller celui qui lui fait pleine confiance. De cette expérience américaine, elle a retenu l'influence des réseaux sociaux ou le mode de récolte de dons, mais aussi l'importance d'avoir du fond dans son discours. Diplômée en communication politique, Sophia Chikirou a également réussi à convaincre celui qui n'est pas toujours ami ami avec les journalistes de se laisser filmer, chez lui, par le magazine Gala. Et pour confier son "astuce minceur" à base de quinoa ! Même force de persuasion pour aboutir à l'entretien avec Karine Le Marchand dans "Une ambition intime". Interview toujours proposée en replay sur le blog du candidat, même s'il y dit "appartenir à une culture où ne parle pas de soi, cela ne se fait pas". Critiquée par certains politiques et journalistes pour son côté "people", l'émission révèle toutefois au grand public que le livre de référence de Jean-Luc Mélenchon est "'Histoire de la révolution française", d'Adolphe Thiers. Son "premier coup de foudre politique". Et qu'être un homme en colère : "je le suis de temps à autre, mais c'est une stratégie politique aussi à un moment donné. Cela porte un nom, c'est étudié. Il me font toujours rigoler les gens qui me... Ils ne comprennent pas le truc. Mais ça va, cela me donne une main d'avance. Tant qu'ils ne comprennent pas le truc."
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Antoine Léaument, l'éminence grise d'internet
C'est lui qui peaufine le personnage web de Jean-Luc Mélenchon. Fin 2013, il prend en main ses comptes Facebook et Twitter. Aujourd'hui, il s'occupe aussi de l'enregistrement sur Youtube de "La Revue de la semaine", qui est passée de 20 000 abonnés en août à plus de 264 000 début avril. Interviewé par Les Inrocks, il explique toutefois : "C’est une idée de lui. Il voulait avoir une expression vidéo régulière sur des sujets d’actu pas trop vus à la télé, des choses qui l’intéressent ou qu’il a faites.”
Antoine Léaument repère aussi sur la toile des éléments qui peuvent servir le candidat, notamment les détournements humoristiques des internautes. C'est le cas de la chanson " Le problème, c'est celui de ceux qui se gavent", de Khaled Freak.
Il cite aussi cette vidéo des meilleures réparties de Jean-Luc Mélenchon pendant le premier débat. Il y est représenté avec une chaîne en or et un chapeau de rappeur.
Par son influence, Antoine Léaument a inscrit le candidat de 65 ans dans un mélange de culture geek et politique, pour faire passer son programme avec de nouveaux codes et élargir sa base. C'est par son intermédiaire que Jean-Luc Mélenchon a instauré un dialogue avec les internautes du forum 18-25 ans de Jeuxvideo.com, le premier site européen de jeux vidéos et l'un des plus consultés sur la toile française avec cinq millions de visiteurs uniques par mois. Une autre manière de faire de la communication politique.
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Pourquoi le choix de Youtube ? Réponse à 24 minutes 15 sec, dans cette vidéo
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