Les marbres du Parthénon, un trésor disputé depuis des décennies

Un touriste photographiant un métope de la frise du Parthénon
Un touriste photographiant un métope de la frise du Parthénon

Les marbres du Parthénon, un trésor disputé depuis des décennies

Publicité

Les marbres du Parthénon, un trésor disputé depuis des décennies

Par

Les marbres du Parthénon ont été acquis par les Britanniques au début du XIXe siècle dans des conditions nébuleuses. Présentées au British Museum, ces frises sont convoitées par le gouvernement grec qui aimerait les voir revenir à Athènes.

Le Parthénon est l’un des trésors du patrimoine de l’humanité et un monument emblématique de la civilisation grecque. Pourtant… il en manque une partie importante, qui se trouve au British Museum, à Londres. Au XIXe siècle, un diplomate anglais a arraché les frises de marbre du bâtiment pour les ramener avec lui, dans des conditions douteuses. La Grèce exige leur restitution depuis des décennies.

Édifié sur ordre de Périclès il y a 2 500 ans, le Parthénon célèbre la puissance d’Athènes et la gloire de sa déesse protectrice, Athéna, après une victoire sur les Perses. En plus d’abriter une statue de la déesse de 12 mètres de haut, aujourd’hui disparue, le temple raconte l’histoire mythique de la cité, sur des frises en marbre peintes, une à l’intérieur de 160 mètres de long et une deuxième, encore plus impressionnante, à l’extérieur.

Publicité

"Il y avait à l'extérieur, sous le niveau des frontons, tout autour du bâtiment, ce qu’on appelle une frise dorique, elle n'est pas continue elle est scandée, raconte l'archéologue François Queyrel*. Ce sont des petits tableaux sculptés en bas-relief qui représentent des personnages. Ces panneaux, on les appelle des métopes. Tout cela, c’est visible immédiatement de l’extérieur."*

Un récit mythique des origines de la cité

Sur ces fresques, on pouvait voir des scènes de combat entre les Athéniens et les Amazones, des affrontements avec des centaures, avec des géants et des représentations de la guerre de Troie. Le Parthénon connaît une vie mouvementée : sous l'empire byzantin, il devient une église. Si le bâtiment est préservé, certaines représentations jugées païennes, notamment des créatures, sont mutilées. L’édifice devient ensuite une mosquée, après la conquête ottomane en 1456.

Les Nouvelles de l'éco
4 min

En 1687, alors que les Vénitiens assiègent une partie de la ville, un boulet de canon vient faire sauter les stocks de poudre entreposés dans le temple, créant une forte explosion qui endommage les frises. Mais le grand rapt se produit en 1801. Lord Elgin, diplomate britannique en poste à Athènes, féru de culture hellénique, offre des pots-de-vin aux Ottomans pour pénétrer sur le site.

Sous prétexte de préservation des frises, l’aristocrate étudie les figures et réalise des moulages. Mais il ne compte pas s’arrêter là. Lord Elgin négocie un accord avec les Turcs pour pouvoir extraire les frises ainsi que des statues, qu’il scie et emballe pour les ramener en Angleterre, dans sa collection personnelle. Le Britannique bénéficie d’un contexte géopolitique favorable, puisqu’au même moment, les Français sont en guerre contre les Ottomans, avec l’expédition de Bonaparte en Égypte.

Une extraction difficile

L’extraction est réalisée sans précaution, certains marbres sont brisés, une partie de la cargaison est perdue lors du voyage, un bateau coule même lors de la traversée. Lord Byron, l’un des plus célèbres poètes de l’époque écrit : “Aveugles sont les yeux qui ne versent pas de larmes en voyant tes objets sacrés pillés par de profanes mains anglaises”.

Le Journal de l'histoire
4 min

En 1816, le diplomate ruiné vend les frises au British Museum. Le gouvernement britannique, prévoyant, met en place une commission parlementaire qui valide la légalité de l’acquisition de ces œuvres. En 1963, une loi est même votée pour interdire de vendre ou de céder les collections du musée. Mais les Grecs, devenus indépendants en 1830, n’oublient pas leurs frises pour autant.

En 1982, la ministre de la Culture Melina Mercouri, fait une demande officielle à un sommet de l’Unesco pour le retour des marbres, expliquant que “Le Parthénon appartient à tout le monde, mais en priorité aux Grecs.” Ce bras de fer prend un tournant diplomatique, constituant un véritable enjeu politique et électoraliste pour les Grecs.

Le gouvernement britannique défend la légalité de l’acquisition, tandis que les Grecs objectent que l’accord a été négocié avec l’occupant ottoman et non avec eux. François Queyrel explique : "Les arguments ont évolué, dans un premier temps, les Britanniques ont dit que la Grèce n’avait pas les moyens de présenter correctement ces fragments étant donné qu’il n 'y avait pas de musée assez grand pour les accueillir."

Le Billet culturel
4 min

Un musée aménagé… mais sans succès

Mais en 2009, Athènes inaugure un nouveau musée en contrebas de l’Acropole, suffisamment grand et aménagé pour accueillir les marbres. "Pour la muséographie, pour l’agrément, l’avantage est du côté d’Athènes car la muséographie est moderne, c’est un bâtiment qui a été créé spécialement, justifie l'archéologue. Au British Museum, on est dans une salle un peu triste de ce point de vue-là."

Le British Museum défend une vocation “universelle”. "Il se présente comme un musée de toutes les civilisations, analyse François Queyrel. Le musée d’Athènes était présenté selon cet argument comme un musée local. C’est peut-être une présentation un peu autosuffisante parce que chacun peut dire qu’il a vocation à l’universalité."

Le Royaume-Uni, qui détient dans ses musées de nombreuses pièces aujourd’hui contestées, craint d’ouvrir une brèche en accordant la restitution des marbres grecs. Des compromis ont été envisagés par les Britanniques, comme un prêt limité dans le temps, ou un échange d'œuvres. En 2021, un sondage montrait que 55% des Britanniques étaient favorables à ce retour.