Vidéo . Le mouvement de dénonciation des violences sexuelles, Balance Ton Porc et Me Too, va changer et change déjà la façon dont on vit nos sexualités et la façon dont on en parle, par Victoire Tuaillon.
Entretien avec Victoire Tuaillon, journaliste et auteure du podcast “ Les couilles sur la table”.
Les médias abordent-ils la sexualité différemment depuis Me Too ?
La première des choses qui a changé c’est qu’on ne peut plus faire semblant d’ignorer que les violences sexuelles sont un vrai sujet, que c’est une vraie question, que ça concerne énormément de femmes et donc énormément d’hommes. C’est-à-dire que la parole des femmes non seulement s’est libérée mais surtout a été entendue, a été prise au sérieux. Donc on voit des rédactions qui se sont mises à enquêter sur des faits de harcèlement, ce qu’elles n’auraient peut-être pas fait il y a quelques années.
L’autre chose qui a changé, mais c’est un peu plus diffus et ça dépend des publications, c’est que l’on ne peut plus ignorer que les rapports hétérosexuels s’inscrivent dans un rapport de pouvoir plus général, de domination masculine et à part quelques magazines féminins ou réactionnaires, tout le monde prend à peu près cette réalité-là en compte.
Parle-t-on différemment du désir féminin ?
Dans ce que j’ai lu cet été pas tellement. Dans les publications qui ont plutôt des orientations féministes, oui, mais ça fait un moment qu’il y a un changement de discours sur le désir féminin. Je pense au dossier spécial sexe des Inrockuptibles ou au dossier dans Causette par exemple. Après, j’ai acheté Cosmopolitan la semaine dernière et là le discours sur le désir ne change pas du tout, c’est la même chose depuis toujours. Donc là on avait le droit à trois pages de “30 idées hot pour pimenter votre nuit”, évidemment c’est pour une nuit hétérosexuelle et ce ne sont que des trucs pour faire plaisir au partenaire mais il n’est absolument pas question du désir et, à la limite, même pas du plaisir féminin.
Certaines choses n’ont pas changé ?
Ce qui n’a pas changé dans le discours médiatique depuis Me Too, ce sont certains réflexes dans le langage notamment. Je pense à la manière dont a été traitée l’affaire d’agression sexuelle sur le tournage de Koh-Lanta par exemple où certains médias n’ont pas hésité à donner le nom de la victime présumée, n’ont pas hésité à faire des blagues sur le sujet. On vit quand même dans un système qui reste sexiste et il n’y a pas de raison que les médias soient exempts de ça. Ils contribuent à perpétuer cette culture sexiste puisque nous vivons tous dedans.
Qu’est-ce qui pourrait changer à l’avenir ?
C’est plus globalement des représentations, mais ça, ça va prendre beaucoup de temps pour faire évoluer les mentalités. Mais ce n’est pas qu’aux mentalités d’évoluer, c’est aussi à la société dans son ensemble. C’est-à-dire qu’on ne peut pas arriver à l’égalité sexuelle parfaite, s’il n’y a pas l’égalité salariale, l’égalité de pouvoir politique, etc.