Ligue du LOL : "Ils ont construit leur carrière avec un entre-soi masculin qui excluait les femmes"

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Ligue du LOL : "Ils ont construit leur carrière avec un entre-soi masculin qui excluait les femmes"

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"La ligue du LOL" est née sur Facebook mais elle a beaucoup sévi par le biais de Twitter. A l'image : Jean-Michel Blanquer et Brigitte Macron à Dijon en mars 2018 pour une campagne de sensibilisation.
"La ligue du LOL" est née sur Facebook mais elle a beaucoup sévi par le biais de Twitter. A l'image : Jean-Michel Blanquer et Brigitte Macron à Dijon en mars 2018 pour une campagne de sensibilisation.
© AFP - Philippe Desmazes

Entretien. Depuis quelques jours, des victimes de cyberharcèlement, en particulier des femmes, dénoncent la "Ligue du LOL". Un groupe de Facebook composé en grande partie de journalistes. La porte-parole de l'association "Prenons la une", Aude Lorriaux, y voit "une logique qui construit le sexisme".

La "Ligue du LOL" apparaît au grand jour depuis la fin de la semaine dernière, grâce à des messages sur les réseaux sociaux amplifiés par un article de Libération. Ce groupe lancé sur Facebook à la fin des années 2000 par de jeunes journalistes et communicants est accusé par de nombreuses victimes de cyberharcèlement. Son fondateur, le journaliste Vincent Glad, ainsi qu'un autre journaliste de Libération, Alexandre Hervaud, ont été mis à pied à titre conservatoire du quotidien, le temps d'une enquête interne. Le rédacteur en chef des "Inrocks", autre accusé, devrait lui être bientôt licencié.

La porte-parole de " Prenons la une", Aude Lorriaux, réagit à cette affaire. Son association de femmes journalistes est "engagée pour une juste représentation des femmes dans les médias et pour l'égalité professionnelle dans les rédactions".

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Quelles sont vos attentes à "Prenons la une" après la révélation de cette affaire ?

Il est très important d'étudier ce que dit cette affaire de la construction du sexisme et de l'exclusion des femmes dans les carrières, en particulier ici dans le journalisme.  

D'une part, ces attaques ont entraîné une perte de confiance pour certaines journalistes et l'on sait grâce à de nombreuses études que cette perte de confiance joue sur les compétences, sur la capacité à travailler. Il y a aussi eu un préjudice puisque plusieurs femmes se sont elles-mêmes exclues des réseaux sociaux parce qu'elles ne supportaient pas ces attaques. Et on sait que pour devenir journaliste, être sur Twitter, sur Facebook ou autre, est très important. Cela fait partie aujourd'hui du métier. 

Cela me renvoie à ce que Laurence Rossignol racontait pour mon livre sur l'exclusion des femmes en politique. "Les hommes se mettent à table entre eux. Ils font une table pour parler matchs de foot et bagnoles et à ce moment-là, ils prennent des décisions importantes." Dans ce cas, ils ont construit aussi leur carrière comme cela, avec un entre-soi masculin qui excluait les femmes; en formant ce "boys club" dans lequel ils étaient entre eux, ils se soutenaient, en laissant une image de gens cool. C'est très important à comprendre car c'est une logique qui construit le sexisme et l'exclusion des femmes que l'on retrouve dans plein de secteurs.

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Allez-vous contacter les hiérarchies de ces harceleurs ?

Nous n'avons pas d'actions prévues à ce niveau pour l'instant. Nous regardons l'avenir et nous soulignons que les rédactions doivent maintenant prendre en compte le cyber harcèlement. C'est très important. Les femmes sont une cible privilégiée du cyberharcèlement. Vous savez peut-être que deux tiers des journalistes femmes ont été victimes de cyberharcèlement. Dans la moitié des cas, selon une enquête de la Fédération internationale des journalistes, elles ont été victimes d'insultes sexistes. 

Et l'impact des commentaires virtuels est réelles sur les victimes. On doit le rappeler. Cela provoque des angoisses, un stress important, des problèmes de concentration. On mouline cela dans sa tête quand on a eu des menaces de mort, des insultes très fortes. Il est très difficile de s'en abstraire mentalement.

Nous estimons qu'à partir d'un certain stade, le cyberharcèlement doit être reconnu comme un accident du travail. Pour qu'une victime puisse être dégagée de ses responsabilités pendant un temps et puisse se reconstituer et se reposer.

Nous pensons également qu'il faut une meilleure sensibilisation et une meilleure formation à ces situations des équipes de management, des rédacteurs et des ressources humaines.

Il peut être important aussi de pouvoir mandater une personne tierce pour réaliser un travail de veille des attaques et des menaces. Les rédactions pourraient témoigner de leur soutien par des messages sur les réseaux sociaux. 

Les journalistes devraient être formés également à la visibilité de leurs posts sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, on peut par exemple apposer des filtres pour la plupart des commentaires haineux. On peut aussi passer son compte en privé le temps d'une attaque, plutôt que de le supprimer avec le préjudice qui en découle.

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Vous avez été surprise par l'ampleur de cette affaire ?

On ne peut pas dire que j'ai été surprise étant donné l'ampleur déjà dans mon entourage. Je savais qu'il y avait une parole qui avait besoin de sortir à ce sujet car j'avais moi-même discuté depuis des mois voire des années avec des victimes.

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Et que pensez-vous des excuses formulées ?

Je peux vous dire, à titre personnel, que lorsqu'ils disent il n'y a jamais eu dans ce groupe d'obsession anti féministe, cela me paraît un petit peu étrange étant donné qu'il y a énormément de journalistes et de femmes féministes qui ont été touchées. Vu l'ampleur, il est assez difficile de nier des blagues ou des attaques spécifiquement anti féministes. 

Quand on dit aussi "c'était des blagues, on ne voulait pas faire cela, etc.", il faut faire attention que parfois certains tweets de "la ligue du LOL" n'étaient pas ultra virulents mais ils entraînaient derrière eux toute une meute de gens qui harcelaient. 

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A lire en complément :

- « Huffpost » : 3 journalistes licenciés pour avoir insulté des collègues femmes dans un groupe privé    Par Vincent Coquaz, Robin Andraca et Emma Donada, pour CheckNews.fr