Malgré les apparences, les États-Unis restent une terre d'immigration

Aujourd’hui, la population d’origine hispanique, latino, constitue encore la première communauté d’origine étrangère aux États-Unis. Mais la population d’origine asiatique est désormais presque aussi nombreuse et c’est elle qui augmente le plus.
Aujourd’hui, la population d’origine hispanique, latino, constitue encore la première communauté d’origine étrangère aux États-Unis. Mais la population d’origine asiatique est désormais presque aussi nombreuse et c’est elle qui augmente le plus.

Malgré les apparences, les États-Unis restent une terre d'immigration

Publicité

Malgré les apparences, les États-Unis restent une terre d'immigration

Par

Le regard de l'autre | Les prises de position souvent spectaculaires de Donald Trump peuvent laisser penser que les États-Unis ont fermé leurs frontières et se sont braqués sur l’immigration. La réalité est beaucoup plus complexe. Les États-Unis restent structurellement une terre d’immigration.

Le démocrate Joe Biden vient d'être élu 46e Président des États-Unis et prendra ses fonctions le 20 janvier. Il arrive au pouvoir avec pour la première fois une femme vice-présidente et d'origine jamaïcaine et indienne : Kamala Harris. Son élection marque un soulagement pour beaucoup de "Dreamers" ou d'immigrants comme ci-dessous. Mais malgré ses déclarations fracassantes, notamment sur son mur (inabouti) voulu avec le Mexique, Donald Trump a finalement en partie suivi la politique de Barack Obama. Il a privilégié une immigration plus diplômée et s'est fait sévèrement retoquer par la Cour suprême au sujet des "Dreamers".

Analyse en six points clés pour " Le regard de l'autre" : géographie, Histoire, économie, droit, psychologie et sociologie.

Publicité

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

La géographie

Les États-Unis sont par nature ouverts sur l’extérieur. Parce qu’ils comptent 12 000 kms de frontières terrestres, avec le Canada au Nord et le Mexique au Sud. Et 22 000 kms de côtes, sur l’Atlantique et le Pacifique, qui sont autant de portes d’entrée mécaniques pour l’immigration.

Si l'on regarde les frontières terrestres, elles constituent un pôle d’attraction naturel pour les populations d’Amérique centrale. C’est le sujet le plus médiatisé : les convois de migrants qui se retrouvent bloqués entre Guatemala, Mexique, et États-Unis. C’est d’Amérique Centrale que vient la plus grande part de l’immigration illégale, mais attention pas de l’immigration en général.

Si on examine les frontières maritimes maintenant, il faut regarder vers l’Ouest, vers l’Asie. C’est là que se situe désormais la zone principale d’origine des migrants et cela est beaucoup moins connu : le plus gros contingent annuel d’immigrants aux États-Unis provient désormais… d’Inde ! L’Inde, devant le Mexique, puis la Chine.

Aujourd’hui, la population d’origine hispanique, latino, constitue encore la première communauté d’origine étrangère aux États-Unis, entre 16 et 19 millions de personnes.

Mais la population d’origine asiatique est désormais presque aussi nombreuse et c’est elle qui s’accroit le plus rapidement.

Au total, la démographie nous livre l’image d’un pays de forte immigration.

Sur une population de 325 millions d’habitants, les États-Unis comptent 45 millions de personnes nées à l’étranger, soit 14% de la population, c’est considérable. Et à ce total il faut ajouter les immigrants en situation illégale, évalués à près de 11 millions.

Chaque année, en moyenne, 1 million de nouveaux immigrants arrivent aux États-Unis.

L'Histoire

Là encore, il faut mettre à la corbeille une idée reçue : le processus d’immigration aux États-Unis n’a jamais été continu et homogène.

Il y a des périodes de forte immigration et de faible immigration. Et nous sommes plutôt dans une période forte.

Il y a d’abord bien sûr la première phase de colonisation par les Européens, Irlandais, Britanniques, Français, Néerlandais à partir essentiellement du XVIIe siècle puis ensuite Allemands, Russes. Avec une très forte vague de 1850 à 1920.

Au début du XXe siècle apparaît ensuite l’idée presque mythologique du "melting pot", ce creuset américain où se mélangeraient toutes les cultures. C’est alors également que débute l’immigration venant du Mexique.

Mais à partir de 1920, la politique migratoire des États-Unis se durcit fortement. Des quotas sont institués, la xénophobie est forte contre les populations d’origine asiatique, la grande dépression économique n’arrange rien. Les chiffres de l’immigration sont en chute libre.

Ils ne vont repartir à la hausse qu’à partir de 1965 pour atteindre un pic en 1991 : plus d’un million 800 000 arrivées en un an. En grande partie venant d’Asie.

La situation se durcit à nouveau sous Barack Obama, avec une augmentation des expulsions d’immigrés illégaux.

Donald Trump, si on fait abstraction de ses rodomontades, s’est plutôt inscrit finalement dans la lignée d’Obama.

L'économie

C’est sur ce plan que Donald Trump marque sa particularité. Pour lui, l’économie est au centre.

En fait, le milliardaire ne cherche pas à faire baisser l’immigration, parce que la quasi-totalité des études démontrent que les immigrants créent de la richesse, de la recette fiscale et du dynamisme démographique aux États-Unis.

Le pays a besoin d’immigrants, aussi bien pour des petits boulots que pour des emplois qualifiés : les Etats-Unis importent beaucoup d’ingénieurs. Et les grandes entreprises américaines sont favorables à des règlementations plus libérales sur l’immigration.

Donc Trump ne veut pas changer le volume, mais la nature de l’immigration.

Depuis trente ans, et un accord au Congrès obtenu sous la présidence Reagan, le cadre général de la politique migratoire américaine favorise le regroupement familial : à peu près les 2/3 des entrées sur le sol des États-Unis.

Trump propose de changer de cap. De rendre le regroupement familial plus difficile. Et de favoriser d’abord le mérite, avec un système de points : autrement dit les candidats à l’immigration qui possèdent des compétences utiles pour l’économie américaine. Des diplômés, des cerveaux, de la valeur ajoutée. Objectif : que les diplômés représentent 60% des immigrés. Et au passage, le président américain supprimerait la célèbre loterie qui, chaque année, attribue "une carte verte" d’immigrants à 50 000 personnes tirées au sort.

Mais toute cette réforme n’a pas été adoptée pour l’instant. Ce qui nous conduit au droit.

Journal de 22h
15 min

Le droit

La question juridique se concentre sur deux dossiers :

- Le regroupement familial, puisqu’on vient de le dire, ce système est donc au centre de la politique migratoire américaine depuis trente ans.

- le statut spécifique de ceux que l’on surnomme les "Dreamers" : ils sont arrivés illégalement aux Etats-Unis, avec leurs parents, alors qu’ils étaient mineurs. Aujourd’hui, ils sont majeurs, 25 ans de moyenne d’âge. Ils sont officiellement près de 800 000, officieusement 3 fois plus.

Et là-dessus, il y a aussi une spécificité Trump : il a cherché à supprimer ce statut, qui empêche leur expulsion depuis Obama en 2012. Mais il a échoué. Au début de l’été 2020, la Cour Suprême a validé leur statut en considérant que l’administration Trump avait pris sur le sujet une position, je cite, "arbitraire et capricieuse".

Ces Dreamers peuvent donc rester sur le sol américain et conserver leur numéro de Sécurité sociale.

Joe Biden, lui, promet un nouveau statut pour la totalité des 11 millions d’immigrés en situation illégale, dont les Dreamers.

Revue de presse internationale
4 min
Les Nouvelles de l'éco
3 min

Psychologie et sociologie

Sur ce plan, les attentats du 11 septembre 2001 sont un tournant.

Depuis vingt ans, les États-Unis se voient un peu comme une forteresse assiégée. Et le sentiment d’une menace extérieure s’est accru.

Les attentats ont poussé le président Bush, alors au pouvoir, à abandonner un vaste programme de régularisation de migrants qui était alors sur la table. Les contrôles aux frontières sont alors accrus, tout comme les pouvoirs de la justice pour expulser toute personne soupçonnée de terrorisme. Conséquence concrète : pas vraiment une baisse de l’immigration, mais plus de répression, plus de contrôle sur les ressortissants étrangers en provenance du monde arabo musulman, plus de violence à la frontière avec le Mexique, pour empêcher les illégaux de rentrer.

Donald Trump s’inscrit dans cette tradition de discours nationaliste.

Cela se traduit surtout par un refrain sans cesse ressassé sur la construction du "Mur" avec le Mexique, sur près de 1 600 kms. C’est la promesse.

En réalité, il n’y a que 450 kms de construits, et la plupart construits avant Trump, sous les présidences Obama, Bush et Clinton.

Ce discours sur le Mur relève donc plus du symbole, de l’argument électoral, que de la réalité. Dans les faits, cela n’a pas tellement changé.

En résumé, ces quatre années écoulées de présidence Trump, n’ont finalement pas constitué une rupture dans la politique d’immigration des États-Unis. Il y a eu beaucoup de discours sur la rupture. Mais peu d’actes.

Malgré les menaces terroristes, malgré la situation économique, l’immigration reste perçue comme un atout par de nombreux Américains, Et surtout, elle continue.

Avec la collaboration d'Éric Chaverou

> Découvrez tous les précédents "Regard de l'autre"