Matrix : "Si tout le monde s'accorde sur la perception, où est la fausseté de la perception"

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Matrix : "Si tout le monde s'accorde sur la perception, où est la fausseté de la perception"

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Le personnage de Néo (Keanu Reeves) dans Matrix Reloaded.
Le personnage de Néo (Keanu Reeves) dans Matrix Reloaded.
- Warner Bros

Ce 22 décembre, la trilogie "Matrix" deviendra une tétralogie. Avec "Matrix Resurrections", Lana Wachowski va certainement pousser encore un peu plus loin la question de la différence entre réalité et simulation.

La légende veut que Keanu Reeves, l'acteur qui interprète Néo dans la saga Matrix, soit immortel : son premier portrait daterait de 1530. Si l'acteur a peu de chances de pouvoir échapper à la faucheuse, c'est en revanche le cas de son avatar : vraisemblablement mort à la fin de Matrix Revolutions, Néo est de retour pour un quatrième opus, Matrix Resurrections, signé Lana Wachowski.

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Comment Lana Wachowski va-t-elle parvenir à justifier le retour de Néo et Trinity ? Peu d'informations ont filtré sur le scénario de ce quatrième film. Mais il devra, comme ses prédécesseurs, souffrir de la comparaison avec le premier opus de la saga, qui a acquis le statut de monument de la pop culture. Devenu une référence du genre, le premier long métrage, sorti en 1999, mêlait plus ou moins subtilement questions philosophiques et métaphysiques avec des scènes d'action habilement chorégraphiées (d'ailleurs parfois copiées jusqu'à l'overdose, à l'image d'une scène où le personnage de Néo esquive des balles, reproduite à l'excès). 

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Le scénario de la trilogie contait un affrontement entre humains et machines, les premiers devant se libérer du joug des secondes. Dans cet univers fictif, les machines exploitent la race humaine en l'utilisant comme bio-batteries. Mais pour maintenir les humains en vie, il faut maintenir leur esprit en éveil  : les humains, asservis, vivent dans une simulation. Les sœurs Wachowski réalisatrices des trois films, posaient ainsi la question de la différence entre réalité et simulation, comme l'avait justement analysé dès 1999 le réalisateur et critique cinématographique Jean-Baptiste Thoret dans l'émission Séance Tenante : "Les frères Wachoski [devenus les sœurs Wachowski depuis, ndlr] donnent au bout de 10 min la clé centrale du film puisque Keanu Reeves, qui joue le rôle de Néo, ouvre un livre qui s'appelle "Simulacres et simulations" de Jean Baudrillard, qui explore à peu près toutes les théories du film, à savoir quid du réel ? Quid du simulacre ? [...] La frontière, dans le film, ne se situe pas entre le réel et le virtuel, elle se situe entre le réel et le simulacre, ce qui est fondamentalement différent. Esthétiquement il prend complètement en charge cela, puisqu'il fait précisément du simulacre un lieu où la chair existe, il y a une chair du vent, une chair des matières... C'est la première fois qu'on voit un travail fait sur les mouvements, l'air devient palpable. De ce point de vue c'est un film expérimental."

Séance tenante, 26/06/1999

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Invité en septembre 2008 dans Les Nouveaux Chemins de la connaissance, le philosophe David Rabouin, auteur de deux articles dans le livre collectif "Matrix, machine philosophique", au sujet de la trilogie Matrix, poursuivait un peu plus loin cette réflexion et questionnait les motivations et enjeux philosophiques pour les protagonistes du film, de Morpheus à l'Agent Smith, dans une émission que nous vous proposons de réécouter.

Philosophie du cinéma, ou cinéma de la philosophie (Les Nouveaux Chemins de la connaissance, 16/09/2008)

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David Rabouin note la façon dont le cinéma a accordé énormément d'importance à la question de l'illusion et du rêve, à l'image de Total Recall, Existenz, Vanilla Sky, ou encore Dark City, mais souligne que Matrix se débarrasse assez vite de ce paradigme :  "Assez vite on sait que le monde est une illusion et en quelques sorte l'histoire commence un peu après. Nous c'est quelque chose qui nous avait beaucoup intéressé, c'est-à-dire pas nécessairement aller chercher dans Matrix, l'illustration de grandes thèses philosophiques comme le fait que la vie est un songe, vieux thème sceptique. Mais aussi plus concrètement la manière dont se déroulait la narration à partir de cette hypothèse et le fait que Matrix a cette spécificité par rapport à d'autres films où on a des personnages qui rêvent de la réalité, que quelque part on a un dispositif. De ce point de vue, c'est moins la question du rêve et de l'illusion que celui de simulation." 

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Pour lui, la question de l'illusion est évacuée assez vite pour mieux être "déplacée sur une question : comment est-ce qu'on peut arriver à faire croire non pas à une seule personne mais à l'humanité toute entière, qu'ils vivent dans la même simulation. [...] Si tout le monde s'accorde sur la perception, où est la fausseté de la perception. C'est exactement un des problèmes que pose le film et qui est évoqué spécifiquement par le film, avec le personnage de Cypher, qui va faire le choix de retourner dans la Matrice, parce que le goût du steak,  même s'il est faux, et bien peu importe puisque c'est un ensemble de stimulis électriques et qu'ils soient envoyés par une machine ou qu'ils existent directement, ça ne fait pas beaucoup de différence. La question se déplace immédiatement vers une autre question, qui est celle de la liberté. Une des questions derrière Matrix, plus que l'illusion, je crois, c'est celle du choix, de la liberté."

"Le simulacre n'est jamais ce qui cache la vérité – c'est la vérité qui cache qu'il n'y en a pas. Le simulacre est vrai", écrivait ainsi le philosophe Jean Baudrillard dans Simulacres et simulations, le livre aperçu dans une des scènes d'ouverture du premier volet de la trilogie Matrix. Ne reste plus qu'à Lana Wachowski, aux commandes de Matrix 4, à pousser l'illusion un peu plus loin encore.