Chacun de ses 10 longs métrages est un chef-d'œuvre. Pour la première fois, ils sont restaurés et présentés en copie neuve au cinéma. Dans ces films - "A nos amours", "L'Enfance nue", "Van Gogh"... vous y verrez quelques unes des plus belles scènes du cinéma français, accouchées dans la douleur.
Sur les 10 films que Maurice Pialat réalise en 27 ans, tous sont des chefs-d’œuvre ; fait rarissime dans une filmographie : aucun n'est raté. Honoré aux Césars ou à Cannes, il y est pourtant hué, et ses succès populaires renforcent encore sa radicalité féroce, son perfectionnisme enragé, dans une quête d'authenticité qui laisse au cinéma français quelques unes de ses plus belles scènes.
L’activité cinématographique va quand même dans le sens d’un certain abêtissement. On fait des choses trop schématiques. On n’est pas assez exigeant au cinéma. Maurice Pialat, 1987
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Une vie avant le cinéma
Maurice Pialat a 44 ans quand sort son 1er long métrage, et déjà toute une vie derrière lui.
Né en 1925 en Auvergne, et délaissé à Montreuil par ses parents ruinés, il quitte l’école en troisième, enchaîne les petits boulots, apprend la peinture aux Arts-Déco, et dit découvrir sa vocation devant La Bête humaine de Renoir.
Trop "timide" selon lui pour s’imposer comme réalisateur dans une Nouvelle Vague qu’il finira par détester, il se fait acteur chez Jean Rouch, Jean Eustache et Claude Chabrol, tourne des films institutionnels, des courts métrages, et enfin, réalise son 1er long métrage consacré à un enfant de l'assistance publique, résultat d'une longue immersion et documentation : L'Enfance nue, en 1968, qui obtient le Prix Jean-Vigo.
Accoucher dans la douleur
Dans des scènes fascinantes qui semblent improvisées, Pialat dirige au long de sa carrière les plus grands acteurs, avant de se fâcher à mort avec la moitié d’entre eux, et de découvrir Sandrine Bonnaire, par petite annonce. Pour lui, faire jouer des amateurs, comme les jeunes de Passe ton bac d'abord en 1979, ou sa concierge dans Van Gogh en 1991, c’est prendre un risque salutaire.
Colérique, manipulateur, il vire techniciens ou acteurs en plein tournage. Mais il met ce climat d’insécurité au service d’une quête obstinée de vérité, pour capter l’intimité des êtres, le miracle de la grâce, accouchée dans la douleur.
Chaque plan est un combat pour détruire le conformisme, chaque dialogue est ainsi débanalisé, rendu comme essentiel. Ses films sans artifices, à l’os, sont tournés dans la rue, dans la nature, autour de grandes tablées, avec du son direct, sur le fil.
Une autobiographie indirecte
La colère est son moteur, c’est toujours sa propre souffrance qu’il sublime, sans complaisance envers ses personnages de macho, de parent, d’amoureuse... Il ne cesse d'évoquer sa vie au fil de sa filmographie : son enfance douloureuse dans L'Enfance nue, son divorce dans Nous ne vieillirons pas ensemble, la mort de ses parents - de sa mère dans La Gueule ouverte, de son père dans Le Garçu, et sa propre paternité, à nouveau dans Le Garçu.
Perpétuel insatisfait, il vomit tout le monde à commencer par lui-même, dénigrant un succès qu’il appelle pourtant de ses vœux. Se vivant comme un cinéaste maudit alors qu’il est couvert d’honneur, entaillant le consensus, toujours. D’ailleurs après Bernanos, les romanciers qu’il veut encore adapter au cinéma sont Céline et Houellebecq. Malade, il meurt en 2003, entouré de sa famille de cinéma.
Les 10 longs métrages de Maurice Pialat :
1968 : L'Enfance nue
1972 : Nous ne vieillirons pas ensemble
1974 : La Gueule ouverte
1978 : Passe ton bac d'abord
1980 : Loulou
1983 : À nos amours
1985 : Police
1987 : Sous le soleil de Satan
1991 : Van Gogh
1995 : Le Garçu
La rétrospective :
Cycle 1 à partir du 7 juillet : L'Enfance nue • Nous ne vieillirons pas ensemble La Gueule ouverte • Passe ton bac d'abord • Loulou
Cycle 2 à partir du 4 août : À nos amours • Police Sous le soleil de Satan • Le Garçu
Pour les 30 ans de Van Gogh : ressortie du film restauré à l'automne 2021.
Rétrospective Maurice Pialat au festival de La Rochelle 2021.
Le texte de Serge Kaganski sur la rétrospective au festival de La Rochelle.
Présentation de la rétrospective sur le site de Capricci.