Mérite à l’école : l’héritage court toujours

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Mérite à l’école : l’héritage court toujours

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Etre comme un poisson dans l'eau et s'organiser pour que ce soit acceptable, c'est tout l'enjeu de lutte derrière le mérite.
Etre comme un poisson dans l'eau et s'organiser pour que ce soit acceptable, c'est tout l'enjeu de lutte derrière le mérite.
© Getty - China Newsservice

Que récompense ce qu'on appelle un bon diplôme ? Derrière le prestige nichent des luttes pour définir le mérite, et toujours de vastes inégalités devant l'effort qu'il en coûte pour sortir du menu fretin et se frayer une place, comme un poisson dans l'eau au confort des courants dominants.

Au troisième paragraphe d’un rapport sur l’enseignement en France, on pouvait lire en 1947 : 

La bourgeoisie, héréditairement appelée à tenir les postes de direction et de responsabilité, ne saurait plus désormais, seule, y suffire.

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Historique, ce document aux allures de contre-programme, n’est pas le fait de conseillers anonymes qui complotent dans leur coin : il s’agit du “Plan Langevin-Wallon”. En réalité, le fruit du travail d’une commission de vingt-huit membres qui s'y attèleront deux années durant, mais qui fut présidée par les deux grandes personnalités scientifiques auxquelles il doit son nom. Le premier, physicien, est professeur au Collège de France, ou plutôt, l’était, puisqu’à l’achèvement du document, Paul Langevin, proche de Marie Curie, était mort un an plus tôt ; le second est Henri Wallon, psychologue et médecin, et lui aussi du Collège de France (avant d'être radié par Vichy). 

Deux grands pédagogues, deux savants, et deux intellectuels qui ont rejoint les rangs du parti communiste dans le cours de la Seconde Guerre mondiale, en même temps qu’ils se sont rapprochés de la Résistance. Un temps, Wallon est nommé à l’Education nationale par le Gouvernement provisoire. Et c’est justement dans le cadre de la Résistance, d’abord à Alger (capitale de la France libre), puis de retour à Paris, et alors que cohabitent dans le sillage du Général de Gaulle des hommes politiques de différents bords, que le sort de l’esprit de l’enseignement frémit en France. Depuis deux siècles, ce sera même l’un des (rares) moments où l’idée de révolutionner l’accès à l’enseignement pour élargir les chances du plus grand nombre aura eu le plus de consistance - sans jamais tenir du passage à l’acte.

En amont du projet de réforme Langevin - Wallon avait pu poindre en effet, avant même la Libération, l’idée, par exemple, de supprimer les classes préparatoires et donc de bouleverser le recrutement des grandes écoles. Mais aussi, entre autres, la perspective d’une politique de bourses plus ambitieuse, le vœu de revaloriser les filières techniques, ou encore l’augmentation des moyens budgétaires comme nerf de la guerre. Le tout, dans le but d’une ouverture plus massive d’une école pour tous. L’immédiat après-guerre, c’est l’époque où s’invente la Sécurité sociale à la française, l’époque aussi où le suffrage universel s’ouvre aux femmes qui votent enfin. La démocratisation alors n’est pas une formule, mais un horizon de conquête - et le terme prend racine dans la langue politique. Non seulement l’école n’y échappe pas, mais comme tout au long du XIXe siècle, déjà, et à chaque révolution en France, l’idée de refonder la société passait (au moins d’un orteil) par les portes de l’école. Avec toujours l’idée de les ouvrir plus grandes.

Mais “ouvrir”, dans l’histoire politique française, au fond a toujours été un verbe polyphonique, comme on le mesure en lisant le sociologue Paul Pasquali dans Héritocratie, une vaste enquête sur les élites, leur fabrique, leur repères et leurs stratégies sur 150 ans, qui vient de paraître à La Découverte et qui tient du tour de force. Ainsi, la démocratisation scolaire a-t-elle toujours compté, en réalité, autant de seuils dérobés et de portes au secret bien gardé, transmis entre pairs. Et jamais, en la matière, “pairs” n’a guère désigné les élèves d’une même classe d’âge, égaux devant les chemins qui croisent et les carrières qui se profilent - mais plutôt ceux d’un même monde. C’est-à-dire, des initiés. Raconter l’histoire de l’enseignement supérieur en France, c’est révéler celle de leurs grandes écoles, grâce au temps long et à la portée d’une longue vue qui zoomerait sur quelques étapes cruciales tandis que la continuité porte plutôt à la fermeture. 

Au-delà de celle de l’enseignement supérieur, l’histoire de toute la société est façonnée par l’histoire de la place de ces initiés, et la manière qu’ils ont eue de la consolider, toujours. Et seulement alors, se dessinant toujours à côté, et plutôt en creux, celle de tous les autres : le tout venant, le droit commun, c’est-à-dire tous ceux qui, à la faveur de deux grandes poussées démographiques depuis la Seconde Guerre mondiale, viendront donner un contour collectif à l’ouverture scolaire, et à la démocratisation - sans jamais réellement l’incarner, l’habiter. Eux sont ce que les élites ne sont pas, et occupent les places qui ne sont pas déjà prises, souvent à la force de l’héritage. Parce que, précisément, il y aura toujours une différence, et que derrière les portes cochères de l'institution scolaire qui s’éventeront parfois par à-coups, il sera toujours des couloirs feutrés foulés avec plus ou moins de naturel, d’effort, de volonté et d’aide - et parfois un peu de chance aussi.

A ceux qui n’en sont pas, la quête des codes et de la signalétique dans ce labyrinthe. Pour beaucoup, une course d’obstacles qui essouffle, une fois même la porte de l’école publique franchie et alors qu’on est parfois le premier des siens à se trouver là. Et que souvent, il y a de la fierté à y être. Mais y être et en être ne dit pas la même chose. Ca n’implique pas non plus la même trajectoire, alors que d’autres avancent avec le vent dominant dans le dos, connaissent leur chemin et souvent même des raccourcis. Ces itinéraires foncièrement différents ne sont pas seulement la chair de témoignages grinçants ou le ferment incantatoire de slogans politiques démagogiques : cette géographie des chances qui ne sont pas équivalentes s’ancre aussi dans des statistiques, des discours que des acteurs ont prononcés, et encore bien des décisions politiques, qui souvent ont pris le relais de mobilisations qui germinent dans les rangs des élites. Où l'on mesure à travers les archives que, très concrètement et souvent crûment, il s'est agi de ne pas perdre sa place. Ceux-là sont en réalité un petit nombre, mais parce que justement ils sont à cette place-là et aussi parce qu’ils ont appris à la conserver en même temps qu’ils s’y sont coulés, ils disposent de leviers qui se sont révélés utiles, tout au long de l’histoire, à dresser des barricades le long des frontières qui divisent l’espace social.

"Vous êtes ici"... et après

Ce que montre une socio-histoire au temps long, c’est précisément que l’affaire ne tient pas du complot, ou de la voracité d’une poignée d’esprits jaloux de leur privilèges qui auraient su s’entendre entre eux pour fomenter un sacré coup pour la postérité. Cette histoire-là est plutôt une histoire de France comme une histoire politique : l’ensemble de ces luttes pour maintenir un status quo fait système, et c’est parce qu’il y eût d’abord des privilèges et des charges confiées à certains, sous l’Ancien régime, puis parce qu’on a conçu à la Révolution l’idée que certains seraient plus dignes que d’autres pour occuper certains offices, que les choses furent ce qu'elles sont. Ensuite, est venue se consolider la tradition d’une noblesse d’Etat. Que ni le XIXe siècle, ni le XXe siècle ne viendront bouleverser, même si aujourd’hui les élites transitent aussi par l’entreprise privée, et avant elle, des écoles de commerce qui lestent le monde des grandes écoles de leurs repères et de leurs façons de faire. Dans cette histoire ainsi résumée au pas de course, affleure déjà le clair-obscur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui édicte que tous les hommes sont égaux, mais aussi, à son article 6, que l’accès aux charges publiques est déterminé par le talent de chacun. Or le talent n’est pas une essence, et l’excellence est bien le résultat d’une construction : elle repose sur des critères, des préférences ou des priorités, un classement, et au fond, des jugements. C’est dans cette entreprise de construction que niche le mérite. Comme le talent ou l’excellence, lui non plus n’existe pas en soi. Et lui aussi est polyphonique, comme le montre à son tour Annabelle Allouch dans le petit livre Mérite, chez Anamosa, un autre titre à paraître au même moment, qui montre l’actualité qu’il y a à déconstruire le mythe de la méritocratie à la française.

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Le mot lui-même date de 1958, sous la plume d’un sociologue britannique, Michael Young. Pourtant, une grosse décennie après la sortie de la Seconde Guerre mondiale, il embarquait déjà avec lui un malentendu : forgé dans un récit dystopique, il saisissait quelque chose qui n’existait pas. Les statistiques l’étayent en effet rigoureusement : tous comptes faits, à cette époque-là, la devise “Liberté, égalité, fraternité” au fronton des écoles primaires (moins visible sur les établissements du secondaire, qui justement tardèrent davantage à accueillir des fils d’employés, et plus encore des fils d’ouvriers) signifiait toujours plutôt “Vous êtes ici”  qu’un “Vous êtes attendu là” propre à bouleverser la donne. Entre les deux, le poids d’un point de départ, qui détermine la fluidité avec laquelle les uns et les autres se frayent un chemin, et limite considérablement le poids du talent, ou du “mérite”

Les chercheurs en sciences sociales montrent que l’idée d’une société méritocratique s’est installée dès le XIXe siècle. François Dubet a longtemps parlé du mérite comme d’une “fiction nécessaire”. Aujourd’hui, Paul Pasquali, qui relativise considérablement l’ouverture réelle des grandes écoles, démontre combien c’est la définition même du mérite qui fait l’objet de luttes depuis plus de 150 ans. Pour que les positions des mieux lotis soient de l’ordre du justifiable. Qu’elles soient légitimes, quitte à ce que souvent ceux qui en décident soient à la fois les joueurs et les arbitres. Pour, surtout, que rien ne change. Ainsi les périodes où les boursiers du mérite auront été les plus nombreuses sont des périodes où l’on découvre que ces bourses n’allaient pas à des enfants d’ouvriers, mais à des fils de fonctionnaires, d’employés, voire à la petite bourgeoisie - et de cache-sexe, le mérite s’était bien vite fait écran de fumée. 

Résistances et feu au lac

Annabelle Allouch a déterré une archive dactylographiée qui illustre parfaitement combien les contours du mérite, même dans un concours extrêmement sélectif comme celui de l’Institut d’études politiques de Paris, et justement parce qu’il est très sélectif, est avant tout travaillé par ces arbitrages-là, et les préférences de quelques-uns, universitaires, anciens élèves et/ou ministre. Pour qui il s’est toujours agi de savoir flécher qui était digne d’en être - ou pas. Et par exemple, en ce jour de décembre 1945, il s’était agi avant tout de barrer la voie de l’ENA aux femmes, perçues comme extraterritoriales vis-à-vis des frontières de cet entre-soi. "Il n'y a aucun doute. Il faut arrêter les femmes au concours de l'ENA", prononce Michel Debré tandis que la secrétaire tape à la machine les échanges décomplexés. Mais Paul Pasquali démontre quant à lui qu’en 1983, quand le ministre Anicet Le Pors cherchera à créer une troisième voie d’accès vers cette même Ecole nationale d’administration, des réseaux qui ramifiaient en bien des lieux de pouvoir se mobiliseront pour y faire obstacle. Sitôt la droite revenue au pouvoir, en 1986, la réforme qui portait l’ouverture sociale comme ferment sera balayée. Mais la chose n’avait rien d’une tornade soudaine : cinq ans plus tôt, déjà, un vent de réforme dans le statut des grandes écoles avait été torpillé par une amicale des anciens élèves de Polytechnique : dans l’élaboration du Programme commun pour la candidature de François Mitterrand, l’idée avait refleuri de fusionner les grandes écoles et les universités. La campagne électorale venue, la mesure ne figurait plus parmi les 110 propositions du candidat socialiste.

Ainsi, non seulement n’y a-t-il jamais eu d’âge d’or méritocratique. Mais toute l’histoire longue dévoile à la fois de brèves tentatives de modifier le jeu (souvent à la faveur de crises ou de révolution)... et, toujours, une réaction de ceux qui occupent les postes de pouvoir afin de ne pas en bouleverser la règle. La lecture de Héritocratie éclaire ainsi combien cette lutte, qui est d’abord une lutte pour des places à conserver et à continuer de transmettre, est faite du désir de distinguer le bon grain de l’ivraie, le gratin du tout-venant, et autant de poissons racés conscients de leur singularité qui frayent dans le confort d’un courant porteur, à la différence de vulgaires alevins qui débouleraient en banc, telle une foule massive aux contours plus grossiers, et aux stratégies beaucoup plus floues. La sélection aux concours, ou encore celle, financière, que constitue une scolarité payante et coûteuse, sont là pour justifier l’édification d’une frontière entre les deux. Mais aussi à masquer que la rareté des places est aussi organisée - il s’agit bien de choix. Longtemps, ce fut par exemple celui de réserver les premières bourses républicaines du mérite aux fils de fonctionnaires ou de considérer la bonne conduite de la famille ; ou encore, de maintenir l’enseignement secondaire payant à partir de la sixième. Aujourd’hui, les moyens alloués à l’enseignement secondaire, ou l’organisation du cursus qui implique par exemple pour de nombreux candidats aux concours un détour onéreux par des prépas d’été, peuvent être regardés à la même loupe. Il s’agit de produire de la différence.

En écrivant noir sur blanc que les enfants de la bourgeoisie sont  “héréditairement appelés à tenir les postes de direction et de responsabilité” le rapport Langevin-Wallon permet d’attraper combien l’idée, au fond, s’était naturalisée. Un ordre des choses qui irait de soi avait consolidé. Ce rapport qui posait explicitement l’idée d’un même enseignement unique pour tous, de six ans jusqu’au baccalauréat, la suppression des classes préparatoires, et même la banalisation des grandes écoles à l’exception des écoles normales supérieures, restera lettre morte dans un tiroir ministériel. Une référence pour la gauche depuis soixante-dix ans à l'évidence, mais une référence muette, en somme, car évidée de son effet le plus égalitaire : entre-temps, le vent émancipateur de la Résistance avait commencé à tourner. Entre-temps, surtout, la Guerre froide avait redistribué les cartes, bouleversé les équilibres et aussi réduit la voilure en matière de démocratisation. Les communistes avaient disparu du gouvernement Ramadier, le chamboule-tout avait été repoussé sine die, et finalement le grand casting social ne s'en était pas trouvé tant bouleversé : dans le grand récit, le boursier s'était peut-être hissé à la magie de son mérite, mais dans les faits, l’heureux élu était toujours plutôt l’héritier qu’un franc-tireur sorti de nulle part. Historique, ce rapport est cependant très utile pour au moins deux choses : 

  • il nous rappelle de quoi ont pu se tramer les velléités de démocratisation à l'une des rares périodes du XXe siècle où il a pu être (brièvement) question d’ouverture sociale
  • puisqu’il fut enterré, il est un marqueur efficace de ce qui n’a guère bougé - tout juste trembloté sur ses bords extérieurs : l’entre-soi.

Soupçon d'effraction 

Ce document de 1947 est finalement une trace qui matérialise combien l’idée avait pu s’enraciner, bien en amont, que certaines fonctions incombaient plutôt à certains - et pas à d’autres. Depuis lors, l’accès à l’enseignement supérieur s’est massivement élargi alors que, dans la Somme par exemple, entre 1883 et 1914, les fils d’ouvriers, de domestiques ou d’agriculteurs entraient à peine au lycée et ne comptaient que pour 8 % des boursiers (5 % pour les filles). A la même époque, un fils d’ouvriers avait 171 fois moins de chances qu’un fils d’instituteur de devenir boursier d’un collège ou lycée dans ce département. Chez les filles d’ouvriers, c’était encore 392 fois moins. 

Un demi-siècle plus tard, et une fois le plan Langevin-Wallon enterré, l’entonnoir s’est redessiné dans sa partie supérieure, mais pas tellement là où le casting se rétrécit : entre 1950 et 1956, on compte deux fois plus de classes de sixième, et cinq fois plus d’enfants de paysans et d’ouvriers au collège entre le Front populaire et la Libération. Mais les frontières sociales, elles, ne s'estompaient guère : si la part des enfants d’ouvriers et celle des enfants de paysans en sixième fut multipliée par cinq entre le Front populaire et la Libération, ce bond s’arrête encore souvent aux études longues en dépit du nombre de bourses multiplié par deux. Si vos parents ou grands-parents ont fait des études universitaires dans l’immédiat après-guerre, ils appartiennent à une véritable minorité : à l’époque, 5 % seulement d’une génération accédait à l’enseignement supérieur. 

C’est d’eux que parle le Plan Langevin-Wallon en nommant une hérédité. Car ceux qui resteront longtemps comme “les boursiers”, c’est-à-dire un tout petit nombre, triés sur le volet et parvenus à traverser l’espace social en sautant les frontières, n’ont jamais modifié la donne à grande échelle. Le terme “parvenu” n’est-il pas d’ailleurs fondamentalement lesté d’un sillage négatif, en français ? Car être de ceux qui sont là alors qu’ils n’en sont pas, et donc devraient leur place au fait d’avoir été considérés comme suffisamment méritants, sera souvent accompagné d’un petit soupçon d'effraction. C’est de ces considérations-là que se trament aussi les débats, récurrents, sur la baisse de niveau qui menace, et autant de polémiques sur un diplôme qui perdrait de sa valeur parce qu’il s’ouvrirait à d’autres modes de sélection destinés à contrebalancer l’héritage par volontarisme politique. Et c’est de l’effet de ce regard-là, braqué de haut en bas, que nous parlent tous les récits recueillis par les chercheurs qui travaillent aujourd’hui sur le mérite et ses affres. Comme cinglaient, déjà, les témoignages de grands boursiers entrés comme par aberration statistique dans la postérité, qui s’appelaient Jean Guéhenno, Louis Guilloux ou encore Alain. En 1910, le philosophe publiait ce Propos qui résonne, toujours vert et piquant, un siècle plus tard, à l'heure où Parcoursup grave dans le marbre le principe du classement dès la seconde, et généralise la sélection :

Et nous nous croyons bons démocrates parce que nous choisissons sans avoir égard à la naissance, ni à la richesse. [...] Nous choisissons quelques génies et un certain nombre de talents supérieurs ; nous les décrassons, nous les estampillons, nous les marions confortablement, et nous faisons d’eux une aristocratie d’esprit qui s’allie à l’autre, et gouverne tyranniquement au nom de l’égalité, admirable égalité, qui donne tout à ceux qui ont déjà beaucoup ! Selon mon idée, il faudrait agir tout à fait autrement. Instruire le peuple tout entier ; se plier à la myopie, à la lourdeur d’esprit, aiguillonner la paresse, éveiller à tout prix ceux qui dorment, et montrer plus de joie pour un petit paysan un peu débarbouillé, que pour un élégant mathématicien qui s’élève d’un vol sûr jusqu’aux sommets de l’École polytechnique. D’après cela, tout l’effort des pouvoirs publics devrait s’employer à éclairer les masses par le dessous et par le dedans, au lieu de faire briller quelques pics superbes, quelques rois nés du peuple, et qui donnent un air de justice à l’inégalité.

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