Michelle Perrot : "Le travail de Françoise Héritier est monumental"

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Michelle Perrot : "Le travail de Françoise Héritier est monumental"

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Michelle Perrot en 2009
Michelle Perrot en 2009
© AFP - ULF ANDERSEN / AURIMAGES

Une grande historienne rend hommage ce 16 novembre à une grande anthropologue, Françoise Héritier, celle qui prit la suite de Claude Lévi-Strauss au Collège de France. Elle décrit une grande chercheuse, qui s'est appliquée à toujours interroger ses découvertes au regard des évolutions du monde.

L'historienne Michelle Perrot, qui a bien connu Françoise Héritier, intervenait au téléphone ce jeudi 16 novembre dans les Matins de France Culture, juste après le billet que Jean Birnbaum consacrait à l'anthropologue, pour rappeler l'importance de ses travaux. En particulier "Masculin / Féminin", son étude en deux volumes.

Elle commence par rappeler qu'elles se sont beaucoup côtoyées au Conseil national du sida, au plus fort de l'épidémie, où l'attention de l'anthropologue sur les prisons a permis que les questions sanitaires relatives aux détenus ne relèvent plus du Ministère de la Justice mais de celui de la Santé. Un "combat de l'ombre pour les Droits de l'homme".

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Par la suite, Michelle Perrot insiste d'ailleurs sur l'intérêt jamais tari de Françoise Héritier pour le changement, alors que sa discipline relève plutôt de ce qui est constant. Et sur son ambition permanente à faire en sorte que ses recherches aient une finalité concrète dans nos vies.

Michelle Perrot rend hommage à Françoise Héritier

7 min

Pour moi, "Masculin / Féminin", c’est l’équivalent du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, l’un de ces textes majeurs dont on s’est servi, dont on se sert aujourd’hui, et dont on se servira pas mal de temps.

Ce qui est remarquable, c’est qu’elle montre en effet l’universalité et la longue durée – non pas l’éternité mais la longue durée, de la domination masculine. Qu’elle montre dans les sociétés qu’elle a étudiées, et dans la pensée philosophique. Elle voulait comprendre comment symboliquement s’était construite cette idée de la différence des sexes, qui fait que homme « plus », femme « moins », la fameuse balance différentielle.

Pour Michelle Perrot, les travaux de Françoise Héritier font de la contraception le changement majeur dans les rapports féminin / masculin : 

Renverser ce qui avait toujours été, c’est-à-dire cette vieille conception selon laquelle la femme est un « vase » comme disait Aristote, et la semence est donnée par l’homme, qui dominait un peu et les conceptions et les pratiques. Voilà que les femmes en étaient devenues maîtresses et ça change tout, évidemment.

Ce qu’elle voulait, c’est que le savoir soit utile. Le savoir, c’était sans concession, c’est un travail scientifique sérieux, mais le changement de la perspective, le changement, de la pensée, l’analyse, doit changer la condition des hommes et des femmes bien entendu. Notamment ces rapports de sexe auxquels elle attachait tant d’importance.