Mineurs isolés étrangers : un campement dans Paris pour rendre visibles des jeunes vulnérables
Par Aurélie KiefferReportage. Ils disent avoir 15, 16, 17 ans, mais leur minorité n’a pas été reconnue à leur arrivée en France. Quelque 70 jeunes campent square Jules Ferry, dans le 11e arrondissement de Paris, dans l'espoir d'être pris en charge en attendant la reconnaissance de leur minorité. Cinq associations se mobilisent.
Ce n’est pas un campement tout à fait ordinaire. Square Jules Ferry, près de la place de la République à Paris, quelque 70 jeunes ont aligné des tentes avec le secours de cinq associations. Comme tant d’autres, ils ont fui les difficultés de leur pays et effectué un long périple avant d’arriver en région parisienne. Mais s’ils ont bien entre 15 et 17 ans, comme ils l’affirment, ils devraient être pris en charge par l’Aide sociale à l’Enfance. Alors que font-ils là ?
Le reportage d'Aurélie Kieffer dans le square Jules Ferry, à Paris
1 min
Dans l'attente de la décision du juge
A leur arrivée en France, Harouna, Boubacar, Ayoub et les autres n’ont pas été immédiatement reconnus mineurs. A cause d’un doute sur leurs papiers, parce qu’ils ont l’air plus âgés, ou parce que leur discours semblait trop structuré. Pour tenter de prouver leur minorité, ils ont déposé un recours auprès du juge pour enfants. Mais en attendant l’issue de ce recours, ils alternent entre la rue et les hébergements d’urgence. Les plus chanceux sont soutenus par des associations ou des collectifs citoyens engagés auprès des mineurs isolés étrangers. Ils peuvent trouver des habits de leur âge, être accueillis par des hébergeurs solidaires, suivre des cours de français et de maths, jouer au foot…
Malgré ce soutien, le stress grandit au fil des mois sans réponse. Plus le temps passe, plus l’espoir de faire des études et d’apprendre un métier s’amenuise, et plus les jeunes se demandent s’ils ne sont pas en train de gâcher leur vie.
Salahou-Dine, 17 ans : "Je ne sais pas comment ça va se terminer. Je m'inquiète."
1 min
Les associations, elles aussi, s’impatientent. Elles ne veulent pas se substituer éternellement aux pouvoirs publics. D’où cet appel à la mobilisation lancé par le Comede (Comité pour la santé des exilé.e.s), Médecins Sans Frontières, les Midis du MIE, la TIMMY et Utopia 56.
En attirant l’attention sur ce campement, elles veulent rendre visibles ces jeunes en situation précaire, et rappeler à l’Etat et aux conseils départementaux leur devoir de protection des plus vulnérables.
Des politiques très différentes d'un département à l'autre
Chaque département a mis en place une procédure d’accueil des personnes se présentant comme mineurs isolés étrangers. Dans les Yvelines, un premier entretien avec un travailleur social permet d’écarter rapidement ceux qui sont "à l’évidence adulte", explique Sandra Laventureux, directrice Enfance et Jeunesse du conseil départemental.
Sandra Laventureux : « Se présentent chez nous un certain nombre de personnes qui sont manifestement adultes »
1 min
Les autres sont mis à l’abri à l’hôtel le temps de produire une évaluation affinée, dans les quinze jours. Si l’évaluation confirme la minorité, ils sont pris en charge par la protection de l’enfance, sinon ils sont renvoyés vers les dispositifs sociaux pour adultes.
Paris estime faire déjà plus que sa part en proposant à l’Etat de cofinancer un centre d’hébergement adapté pour jeunes majeurs ou en recours. Et pendant le confinement, aucun jeune n’a été laissé à la rue, affirme Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée de la solidarité et de la protection de l'enfance.
Dominique Versini : « Paris va au-delà de ses responsabilités »
1 min
"Que l'Etat assume ses missions", insiste l'ancienne Secrétaire d'Etat puis Défenseure des enfants. Car selon les dernières recommandations ministérielle du 11 mai 2020 (page 24 : "Réorientation des jeunes évalués majeurs vers les dispositifs de droit commun"), les jeunes évalués majeurs ou en recours relèvent bien d’un hébergement par l’Etat.