Mort de Robert Hossein, grand acteur, grands succès, grand spectacle
Par Maxime Tellier, Pauline Petit
Acteur, metteur en scène, directeur de théâtre… Robert Hossein accède à la notoriété en jouant dans la série des "Angélique" mais son nom demeure associé aux "méga-productions" qu'il réalise sur scène : il est mort à l'âge de 93 ans ce jeudi.
S'il aimait tant l'univers "un peu fantastique", c'est parce qu'il voulait que le public "soit fasciné par quelque chose, qu'il subisse une espèce d'envoûtement", expliquait-il dans l'émission "A Voix nue", en 1995. Monument du théâtre, le comédien et metteur en scène Robert Hossein, connu pour son rôle du comte de Peyrac dans la série des Angélique, marquise des anges, ainsi que ses méga-productions sur scène, est décédé le 31 décembre, a annoncé son épouse à l'AFP.
Robert Hossein est né en 1927 à Paris dans une famille d'immigrés, qui lui lègue un imaginaire venu d'ailleurs : son père, qui a abandonné les études de médecine pour devenir compositeur, est originaire d'Iran et sa mère, pianiste, est née en Ukraine. Autodidacte, il arrête les études après le certificat d'études primaires et se fait une culture grâce aux cinémas de quartier et aux rencontres dans le Paris d'après-guerre de Saint-Germain-des-Prés.
Je serai reconnaissant toute ma vie envers mes parents de m'avoir au moins inculqué une chose : l'humilité et l'imagination, développer l'imagination. Comme ils n'avaient rien, ils vivaient dans l'imaginaire, embellissant tout, il n'y avait plus de limites. On pouvait évoquer des paradis, des palais, des villes entières sublimes… dans une chambre de bonne où on vivait, rue de Vaugirard, en haut, dans un grenier. Robert Hossein sur France Culture
Dès la fin des années 1940, il est acteur au cinéma (Le Diable Boiteux de Sacha Guitry, Du Rififi chez les hommes de Jules Dassin), puis réalisateur. Les débuts s'annonçaient pourtant difficiles : "On m'avait prédit, à mes débuts d'élève comédien, que j'étais né sous une mauvaise étoile parce que je n'étais ni bleu ni blond, ni jeune premier ni jeune second, avec une voix bizarre, un physique bizarre également", se souvenait-il au micro de France Culture. Son succès, disait le comédien, n'était que le fruit de la fortune :
C'est un itinéraire ahurissant. J'ai eu beaucoup de chance. Je ne base absolument rien sur le talent ou sur les dons. Je base absolument toute ma vie sur la chance ! Robert Hossein, sur France Culture
On se souvient surtout de son rôle dans la série Angélique Marquise des Anges, mais Robert Hossein a beaucoup tourné, dans les films de Roger Vadim, de Henri Verneuil, ou encore de Claude Lelouch, comme Les Uns et les Autres en 1981.
Dans les années 1970, Robert Hossein est l'homme d'une aventure théâtrale : en 1970, il crée à partir de rien le Théâtre populaire de Reims. Il y jette les bases d'un théâtre pour tous avec pour slogan "du théâtre comme vous n'en verrez qu'au cinéma". Son ambition : mettre en scène des classiques et attirer un public le plus large possible avec des effets de plus en plus empruntés au septième art. Il programme ainsi Shakespeare, Lorca, Dostoïevski ou encore Steinbeck, qu'il monte sous forme de tableaux.
De retour à Paris à la fin des années 1970, Robert Hossein se fait connaître en montant des grands spectacles au Palais des sports ou au Palais des congrès, spectacles interactifs, dans lesquels le public intervenait. Dans un premier temps, il adapte des textes classiques (Notre Dame de Paris, Les Misérables, Jules César), puis il passe aux figures historiques sur des textes d'Alain Decaux, l'historien vulgarisateur (Danton et Robespierre, Charles de Gaulle dans Celui qui a dit non, C'était Bonaparte, Jésus était son nom, Jésus et la résurrection...).
Avec ses méga-productions, Robert Hossein totalise une énorme partie de la fréquentation théâtrale hexagonale (entre 300 000 à 700 000 entrées par spectacle). Il confiait cependant dans A voix nue n'avoir jamais eu "les moyens de [ses] ambitions", déplorant être "né pauvre avec une cervelle de riche" :
Dans le [théâtre] subventionné vous vivez avec l'argent qu'on vous donne, vous êtes des nantis et avec le privé vous gérez l'argent des autres et vous n'avez pas droit à l'erreur. Une fois que vous savez ça, c'est un réflexe de Pavlov, vous êtes exactement comme les escargots : vous rentrez immédiatement les cornes, vous êtes toujours à l'affût, à l'écoute et vous tendez la main, vous faites la manche. Robert Hossein
"Je m'adresse d'abord à la sensibilité du public, mon propos est de l'émouvoir, pour ensuite l'amener à réfléchir et non l'inverse. Le chemin que j'emprunte monte du cœur à la tête et non le contraire", affirmait-il en revendiquant "un théâtre au service de l'homme". Outre les grands spectacles, il a joué lui-même dans une trentaine de pièces, et monté des classiques, tels que La Maison de Bernarda Alba et Hernani pour la Comédie-Française ou encore Cyrano de Bergerac et Huis clos pour Marigny, théâtre dont il a été le directeur.