Néobanque Helios : pas un seul euro n'ira financer les industries polluantes, promet-elle
Par Annabelle GrelierDemain l'éco. Où va l’argent qui est sur votre compte ? Avec les dépôts de ses clients, Helios propose de financer la transition écologique. Plus éthique, plus verte, cette néobanque espère bousculer les banques traditionnelles et promet à ses clients davantage de transparence. Son slogan : dépolluons la banque.
Elle n’est pas seule sur le marché des néobanques, loin s’en faut. Depuis quelques années, une déferlante d’offres inonde le marché bancaire français et européen. Mais si jusque-là il s’agissait surtout pour la Fintech de proposer des banques mobiles et digitales plus adaptées aux pratiques et aux besoins des jeunes, aujourd’hui, une nouvelle tendance émerge inspirée de la finance éthique ; la néobanque devient verte et responsable.
"Qui sait où va l’argent qu’il dépose sur son compte courant ?" s’interroge Maeva Courtois, co-fondatrice d’Helios.
Bien sûr, il ne dort pas sagement dans des coffres forts mais la plupart des gens n’ont pas la moindre idée des placements que les banques réalisent grâce à leurs dépôts,
s’insurge la jeune directrice générale, qui avant d’être à la tête d’Hélios a passé quelques années dans les salles de marché et a travaillé au pôle de Finance durable chez Exane, une société de gestion. Avec son associée Julia Menayas, qui vient de la BPI, elles sont toutes deux bien placées pour savoir que la finance se transforme mais bien trop lentement à leur goût. Des objectifs à des horizons de vingt à trente ans pour décarboner l'économie, ce n’est pas assez ambitieux et puis surtout les utilisations de ces fonds sont bien trop opaques pour ces jeunes banquières qui veulent réinventer la relation des citoyens avec les banques. Pour retrouver une relation de confiance très abîmée depuis la crise de 2008, il est nécessaire d’apporter de la transparence, sont-elles persuadées.
Le reportage d'Annabelle Grelier diffusé dans le journal de 18h d'Aurélie Kieffer
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Co-construire la banque de ses rêves
Là où les banques traditionnelles sont critiquées pour être opaques et financer les industries polluantes et les énergies fossiles comme le pétrole et le charbon, Helios promet d’être transparente sur les placements des dépôts de ses clients. Mieux, elle invite les épargnants à co- construire la banque de leur rêve.
Crée en mars dernier en plein confinement, Helios compte aujourd’hui une dizaine de salariés entre Paris et Nantes affairés à chercher des produits financiers éthiques, à sélectionner des projets écologiques et des entreprises socialement responsables, autant de placements vertueux qu’ils vont pouvoir garantir à leurs clients.
En ouvrant un compte courant chez Helios, nos clients pourront désormais savoir depuis l’application ce que finance leur argent. Nous faisons la promesse qu’aucun euro n’ira à des entreprises qui sont impliquées dans les énergies fossiles ou qui menacent la biodiversité et encore moins dans le commerce du tabac et des armes, assure Julia Menayas.
Avec Andrei Tanascu, le directeur technique, Maeva Courtois et Julia Menayas, les trois fondateurs d’Helios ont décidé d’inscrire les statuts de leur banque dans la famille des entreprises à mission. Gage de la rigueur de leur engagement, deux ONG feront partie de leur comité d’évaluation : Reclaim Finance, à travers sa dirigeante Lucie Pinson, et Alexandre Poidatz d’Oxfam France.
Même si elle n’est pas construite sur un modèle de banque coopérative, ses fondateurs souhaitent donner une voix à chaque client pour qu’il puisse influencer le développement de leur banque. Une communauté a été créée sur les réseaux sociaux, l’Heliosphère et déjà 12 000 futurs clients se sont inscrits ou ont envoyé des marques d’intérêts, allant de la demande de la création de compte joint, à des produits d’épargne ou encore la possibilité de devenir sociétaire.
Un défi réglementaire
La France est considérée comme un pays hostile à l’innovation bancaire. L’attribution d’agrément bancaire se fait au compte-goutte, une à deux par décennie, des licences gardées jalousement par un certain lobby des banques traditionnelles qui entretiennent des liens étroits avec Bercy et l’Inspection des Finances. Difficile pour les nouveaux entrants de se frayer un chemin. Sans licence, les néobanques sont obligées de passer par des sociétés technologiques financières qui leur fournissent des services bancaires clés en main, des sociétés pour la plupart détenues par les grandes banques, Société Générale, Crédit Agricole ou encore BNP Paribas. Pour garantir son indépendance Helios est allée chercher un partenaire hors de l’hexagone. Elle s’est adossée à l’allemande Solarisbank, dotée d’une licence bancaire bénéficiant du fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) qui assure les dépôts à hauteur de 100 000 euros. Un partenaire qui leur permet de garder la main sur les placements.
Côté technologique, Hélios s’aligne sur les néobanques les plus en vogue du moment en assurant que 8 minutes suffisent pour ouvrir un compte courant à partir de son smartphone. La date du lancement a été fixée au 1er février prochain. Pas de levée de fonds pour se lancer mais un abonnement à 6 euros par mois. Munis d'une carte bancaire, les nouveaux clients pourront accéder à tous les services classiques comme les retraits et les virements en illimité dans la zone SEPA (Espace unique de paiement en euros).
L'offre des banques en ligne aujourd'hui en France
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Une banque pour millennials ?
La démarche de cette banque mobile semble adaptée à la demande et les besoins des jeunes. Pour autant, Florian Le Bon, le directeur de la relation client chez Helios estime que si cette nouvelle offre a été pensée par des trentenaires elle s’adresse à un public beaucoup plus large comme les familles ou encore les grands parents soucieux pour l’avenir de leur petits enfants à l’image de Marcelle, une de leurs premières clientes, raconte-t-il, qui n’a pas de smartphone mais qui a tout de même réussi à rejoindre leur banque.
Helios n’est pas l’affaire d’une génération, elle touche toutes celles et ceux qui veulent certes pouvoir disposer facilement de leur argent mais aussi lutter contre le réchauffement climatique, qui veulent aider à faire émerger de nouvelles entreprises plus respectueuses des droits sociaux et de l’environnement.
Florian Le Bon, directeur de la relation client de la société
L’enjeu pour Helios est de faire bouger les lignes. Il s’agit de faire changer les pratiques de la banque de détails et de réseaux mais pour réellement disrupter les acteurs traditionnels, et pouvoir à leur tour fournir aux consommateurs les nouveaux services de crédit et d'épargne qu'ils attendent, ses fondateurs savent qu’il faut atteindre une taille critique d’un nombre de clients et de fonds propres soit environ 30 millions d’euros qui leur permettrait d’espérer obtenir une licence bancaire en nom propre.
Le défi est grand et peu de néobanques indépendantes parviennent à s’installer durablement dans le paysage bancaire français mais Hélios ne manque pas d’audace, l'époque est porteuse pour cette jeune pousse qui promet de financer l'économie de demain. Rien de moins !