Nigel Farage, le populiste à l'avant-garde du Brexit
Par Rédaction Internationale, Alexandre Berthaud
Les artisans du Brexit. Nigel Farage est le leader du parti europhobe UKIP, prônant l'"indépendance" du Royaume-Uni depuis 2006. Jouant sur la défiance des Britanniques envers l'UE et sur le charisme de son leader, le parti gagne en popularité, jusqu'à pousser David Cameron au référendum sur le Brexit.
- Nigel Farage est le leader de UKIP, parti prônant l'indépendance du Royaume-Uni. Sa montée dans les urnes pousse David Cameron à proposer un référendum sur le Brexit, en 2013.
- En 2014, lors des élections européennes, UKIP arrive en tête : c'est la première fois depuis 1905 qu'un scrutin n'est remporté ni par les conservateurs ni par les travaillistes.
- En 2019, il crée le "Brexit Party", remporte les élections européennes mais retire ses candidats face aux conservateurs lors des élections générales six mois plus tard, pour renforcer le camp des "Brexiters". Une stratégie qui fonctionne, permettant à Boris Johnson d'obtenir la majorité.
Dans la politique britannique, Nigel Farage est l'anti-européen "originel", même s'il était membre du parti conservateur avant l'adhésion du Royaume-Uni au traité de Maastricht en 1993 (le pays est le dernier à ratifier ce texte qui fonde l'Union européenne). Il a ensuite "voué sa vie" au Brexit et il a porté l'ascension du sentiment anti-européen outre-Manche, le tout sans réussir une seule fois à se faire élire à la chambre des Communes. Un combat symbolisé par cette provocation, le 28 juin 2016, au Parlement européen (il y siège depuis 1999). Quatre jours plus tôt, les Britanniques ont voté à 51,9 % pour le "Leave" – quitter l'Union européenne.
N’est-il pas drôle, quand je suis venu ici il y a 17 ans, en disant vouloir mener une campagne pour faire sortir le Royaume-Uni de l’UE, que vous ayez tous ri de moi ? Vous ne riez plus maintenant, n’est-ce pas ?
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Quelques jours plus tard, Farage démissionne de son poste à la tête de UKIP. "Mon ambition politique a été accomplie", lance-t-il. À partir de ce moment-là, malgré les tergiversations et négociations difficiles des quatre années qui suivront, Nigel Farage, UKIP dans son sillage, n'auront plus jamais autant d'importance.
De la gouaille et de l'obstination
De 5,4 % des voix en 1994 aux Européennes, le parti UKIP passe à 32,1 % au même scrutin de 2014 et remporte l'élection. Comment en est-il arrivé là ? Contrairement à de nombreux électeurs de son mouvement, Nigel Farage n'est pas issu d'une famille modeste (son père était agent de change). Il a les moyens de faire et de réussir des études, mais décide de les interrompre pour devenir vendeur de marchandises. A-t-il appliqué ses techniques de commerce à la politique ? Ce qui plaît chez Farage, c'est un certain "bagout", une forme de franc-parler, pas de politiquement correct, que ce soit au niveau des mots (il a reçu en 2010 une amende du Parlement européen pour avoir décrit la Belgique comme un "non-pays") ou des actes (il fume et boit beaucoup).
À Bruxelles, au Parlement européen où il siège à partir de 1999, il s'attaque aux hauts responsables européens, "pas élus démocratiquement", qui ne représentent pas les "peuples". Il ira jusqu'à dire qu'Hermann Von Rompuy a le charisme "d'une serpillère humide". Pendant l'hymne européen, il ne se lève pas. En 2014, après les élections européennes, Le Monde écrit à son propos : "Il a trouvé cette posture hybride, entre l'humour flegmatique que l'on attend d'un gentleman anglais et la familiarité gouailleuse qui l'humanise."
Montée en puissance
En 2005, au Parlement européen, Tony Blair lance à Farage : "Vous ne représentez pas les intérêts de votre pays". En 2006, David Cameron désigne comme "racistes" les électeurs UKIP. Sept ans plus tard, après une forte progression de ce parti aux élections locales, le désormais Premier ministre chante un air bien différent. Pour éviter la fuite des électeurs traditionnellement conservateurs, David Cameron promet d'organiser un référendum concernant le Brexit, activant pour de bon l'engrenage qui aboutira à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Comme en France, l'extrême-droite devient une des forces majeures du pays. "Extrême-droite" est un terme qu'il réfute, mais Nigel Farrage n'hésite pas à manier les peurs pour arriver au Brexit. Sur une affiche de campagne, on voit une cohorte de réfugiés syriens prendre la direction de la Croatie. En rouge, en lettres capitales, sont écrits deux mots : "Breaking Point" ("point de rupture"). À ce moment-là, l'immigration est devenue un sujet majeur au Royaume-Uni.
Mais ses excès inquiètent même les partisans du Brexit. Le Royaume-Uni, avant son référendum, organise en effet une campagne officielle avec deux camps "pour" et "contre". Pour représenter le camp des "pro" Brexit, la commission électorale choisit le groupe "Vote Leave", représenté notamment par Boris Johnson, devant le "Grassroots Out" de Nigel Farage. Peu importe, Nigel Farage fait campagne de son côté, et parade lorsque les britanniques, à 51,9 %, votent "Leave". Il évoque un "Independance Day", demande un jour férié : sa "mission" est accomplie, ou presque. Il démissionne de son poste de leader de UKIP dans la foulée, "je veux reprendre ma vie", déclare-t-il.
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Intelligence tactique
Malgré sa démission il reste dans les parages et jouera une nouvelle fois une partition décisive, en 2019. Alors que les négociations s'enlisent, il crée le "Brexit Party" avant les élections européennes, accusant UKIP d'avoir viré à l'extrême-droite. Une nouvelle fois, les électeurs sont au rendez-vous, le "Brexit Party" devient le fossoyeur de UKIP, une nouvelle force politique en Grande-Bretagne, poussant Theresa May, incapable de trouver un accord, vers la sortie (les conservateurs remportent 4 sièges, contre 29 au Brexit Party). Seulement six mois plus tard, des élections générales ont lieu : les conservateurs de Boris Johnson doivent l'emporter – largement si possible – pour légitimer son "plan" de sortie de l'UE. Farage met alors de côté son égo et joue "tactique" : les candidats du parti du Brexit ne se présentent que face aux travaillistes. Le coup fonctionne et "BoJo" obtient ses sièges.
La sortie de l'UE est longue mais arrive, finalement, et Nigel Farage prononce un ultime discours, le 29 janvier 2020 au Parlement européen. Son micro sera d'abord coupé, car lui et ses camarades du Brexity Party agitent des drapeaux du Royaume-Uni, ce qui est contraire aux règles de l'Assemblée. Son discours, prononcé par la suite, résume en cinq minutes sa pensée politique :
Au Brexit Party, on aime l'Europe, mais on déteste l'Union européenne [...]. Si on veut de l'amitié, des échanges commerciaux réciproques, on n'a pas besoin de la Commission européenne, de la Cour de Justice...
Nigel Farage dit espérer que le Brexit fasse des petits. Il a dernièrement critiqué l'accord final, notamment les "concessions" des Britanniques sur la pêche ("Boris a trahi nos pêcheurs", écrit-il). Et même s'il écrit "la guerre est finie", Nigel Farage n'a visiblement pas l'intention de se mettre en retrait de la vie politique. Sa chaîne YouTube vient de passer le cap des 200 000 abonnés, il s'y affiche très régulièrement pour évoquer la politique sanitaire (fermeture des pubs), écologique, migratoire, mais aussi donne des conseils financiers. Il n'a pas indiqué ce que deviendrait le Brexit Party ni comment il comptait poursuivre la politique.