Omar Sy, dans la tête d'un tirailleur sénégalais

L'acteur Omar Sy a joué pour la première fois devant un public lors de la lecture de "Frère d'âme" de D. Diop
L'acteur Omar Sy a joué pour la première fois devant un public lors de la lecture de "Frère d'âme" de D. Diop

Omar Sy dans la tête d'un tirailleur sénégalais

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Omar Sy, dans la tête d'un tirailleur sénégalais

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Touché par "Frère d'âme" le roman de David Diop qui nous plonge dans la barbarie des tranchées, Omar Sy en a fait une lecture à Avignon. Pour sa première fois sur les planches, il nous raconte 14-18 à travers les pensées, rarement mises en avant, d'un tirailleur sénégalais qui sombre dans la folie.

C'est parce qu'il s'agit d'une partie de l'histoire méconnue qu'Omar Sy a décidé de donner une lecture du texte poignant de David Diop, Frère d'âme (Seuil), lors du Festival d'Avignon 2021 ( à écouter sur France Culture mardi 13 juillet à 20h et en ligne ici).  Cette histoire est celle des 200 000 tirailleurs sénégalais qui ont combattu pour la France lors de la Première Guerre mondiale.

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18 min

De la mémoire des tirailleurs sénégalais

Frère d'âme nous plonge dans le vécu des soldats, tirailleurs sénégalais, à travers les pensées du personnage Alfa Ndiaye, qui face à la barbarie et à la mort de son "plus que frère", sombre dans la folie.

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Je me suis beaucoup interrogé, ce texte m'a fait me poser beaucoup de questions. Et je me suis dit que ce serait intéressant de traverser cette histoire-là. Malheureusement je suis trop vieux pour interpréter ces rôles au cinéma donc ma seule façon d'y toucher un petit peu c'est la lecture.* Omar Sy, comédien

Extrait de "Frère d'âme" de David Diop - Lecture d'Omar Sy

14 sec

Dans une tranchée avec les tirailleurs sénégalais
Dans une tranchée avec les tirailleurs sénégalais
© Getty

Le roman de David Diop donne la parole aux soldats étrangers, longtemps oubliés des livres d'histoire et de la mémoire de 14-18, alors qu'au moins 70 000 d'entre eux y ont laissé la vie et plus encore ont été faits prisonniers. Cet texte est une immersion crue et réaliste dans les tranchées, l'écrivain s'est directement inspiré des lettres de poilus.

Ce sont des lettres qui m'ont beaucoup frappé. Ça a créé une grande émotion chez moi et je voulais, en recréant les conditions de la violence, telles qu'elles ont été pendant cette guerre, j'ai voulu reprendre cette violence-là pour être dans l'intensité émotionnelle qui était la mienne au moment où j'écrivais, au moment où j'ai lu ces lettres. David Diop, écrivain

Troupes noires à Amiens, 1914.
Troupes noires à Amiens, 1914.
- Gallica Bnf

Extrait de "Frère d'âme" de David Diop - Lecture d'Omar Sy

31 sec

Ces lettres-là m'ont conduit progressivement à me demander s'il y avait eu des lettres qui avaient été écrites par des tirailleurs sénégalais. Et il y a en a mais ce sont des lettres, en tout cas pour celles que j'ai pu voir, impersonnelles, des lettres administratives. Donc le point de départ c'était d'imaginer une intimité avec la guerre en écrivant une lettre fictive mais ensuite j'ai voulu que le personnage principal ne sache pas parler le français. Donc la solution que j'avais c'était de me donner d'abord, et de donner accès aux lecteurs ensuite à l'intériorité du personnage. Donc avoir une sorte de flux de conscience dont je serai simplement le traducteur. David Diop, écrivain

Un texte qui questionne notre humanité

Lors de la Première Guerre mondiale, l'armée française a joué sur la représentation des Noirs en "sauvages". Un coupe-coupe faisait même partie de leur uniforme réglementaire, pour effrayer l'ennemi. Dans son roman David Diop questionne ce qui fait de nous des humains ou des sauvages, face aux actes les plus effroyables.

Un tirailleur sénégalais brandissant un coupe-coupe lors de la Première Guerre mondiale.
Un tirailleur sénégalais brandissant un coupe-coupe lors de la Première Guerre mondiale.
© Getty

Rongé par la vengeance et la culpabilité, le personnage d'Alfa Ndiaye fait le choix de la barbarie. Il mutile ses ennemis et ramène après chaque bataille le fusil et la main d'un soldat allemand. Il joue à la place de ses camarades "le sauvage exagéré". Jusqu'au moment de bascule où il est perçu différement par les siens, jusqu'à devenir intouchable et sombrer dans la folie.

Extrait de "Frère d'âme" de David Diop - Lecture d'Omar Sy

40 sec

À lire :
Frère d'âme
de David Diop, éditions Seuil (2018)

* Propos recueillis par les éditions du Seuil