Ouragans, cyclones, typhons : des phénomènes renforcés par le changement climatique

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Ouragans, cyclones, typhons : des phénomènes renforcés par le changement climatique

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L'ouragan Florence photographié de l'ISS le 12 septembre 2018 : "Florence est si énorme que nous avons dû utiliser un objectif super grand angle", explique l'astronaute Alexander Gerst
L'ouragan Florence photographié de l'ISS le 12 septembre 2018 : "Florence est si énorme que nous avons dû utiliser un objectif super grand angle", explique l'astronaute Alexander Gerst
- Agence spatiale européenne (ESA)

Entretien. Les phénomènes cycloniques changent de nom selon les régions mais ils apparaissent tous sous les tropiques à la fin de l'été et tendent à se renforcer avec le changement climatique. Eclairage de François Jobard, prévisionniste à Météo France.

Comme chaque année en septembre, l'actualité est marquée par les ouragans, cyclones et autres typhons qui sèment catastrophes et désolation dans les pays touchés. En 2019, la saison cyclonique dans l'Atlantique nord connaît son premier ouragan majeur avec Dorian, l'un des plus puissants jamais mesurés. Classé catégorie 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson, "Dorian a égalé le record de 1935 de l'ouragan le plus puissant de l'Atlantique lorsqu'il a touché terre", explique le Centre national des ouragans américain (NHC) dans son rapport du 2 septembre. Avec des vents moyens estimés à 270 km/h et des pointes pouvant aller à 325 km/h, Dorian illustre parfaitement la violence que peuvent développer ces tourbillons géants, dont la puissance a tendance à se renforcer avec le réchauffement de la planète.

Entretien avec François Jobard, prévisionniste à Météo France, sur les mécanismes qui donnent naissance aux ouragans.

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Quelle est la différence entre ouragan, typhon et cyclone ?

Aucune différence ! C'est un phénomène identique qu'on pourrait définir par un amas de nuages orageux en rotation. Les appellations changent uniquement suivant la zone géographique. Les météorologues parlent de bassins : dans l'Atlantique nord et dans les Antilles, c'est un ouragan, comme Dorian. Dans le bassin de l'océan Indien, notamment l'île de la Réunion, c'est un cyclone. Et pour le bassin Pacifique,  notamment le Pacifique nord ouest (Taiwan, Corée, Japon...), on parle de typhon.

Ces événements ont en commun d'être saisonniers. Dans l'Atlantique nord, la saison culmine au mois de septembre (voir la publication Facebook de l'Observatoire Keraunos ci-dessous avec pas moins de neuf ouragans simultanés dans le monde en septembre 2018). Mais on peut avoir des ouragans entre juillet et novembre, l'essentiel se produisant entre août et octobre. C'est la fin de l'été boréal dans l'hémisphère nord, la période où les eaux sont les plus chaudes. De plus, à cette époque de l'année, des vents venant de l'est alimentent fréquemment l'Atlantique tropical en amas convectifs : des paquets d'orages susceptibles de se transformer en ouragans. 

- Observatoire Keraunos

Comment se déclenche un ouragan ?

Les ingrédients sont assez difficiles à réunir : il faut d'abord des eaux très chaudes, 26 degrés au moins, et sur une grande profondeur, 60 mètres. C'est la raison pour laquelle on ne verra pas d'ouragan en Méditerranée : la température de l'eau aura beau être à 26 degrés en surface, le thermomètre chute ensuite très vite dès que l'on plonge. Deuxième condition : il faut être proche de l'équateur mais pas trop près. La rotation des ouragans est causée en partie par la force de Coriolis, conséquence de la rotation de la Terre ; or, cette force devient nulle au niveau de l'équateur. Troisième condition, il ne faut pas que le vent change de force ou de direction avec l'altitude. Pour l'ouragan Florence (qui avait frappé les côtes américaines en septembre 2018), des cisaillements de vent verticaux ont conduit à une désorganisation du système : il était classé catégorie 4 dans la journée du 12 septembre et a été rétrogradé en catégorie 2 la nuit suivante. 

Si les vents restent constants, on a un système symétrique, sinon, on ne l'a pas. Si le vent est d'ouest en altitude et d'est au sol, cela ne marche pas : "La tête va se séparer des pieds" avec un déphasage et une dissymétrie ; l'ouragan va prendre une forme un peu ovale, comme on a pu l'observer pour Florence. Par ailleurs, il faut bien comprendre qu'il s'agit des mêmes nuages d'orages que l'on rencontre en France métropolitaine mais que ces nuages entrent dans un système tourbillonnaire géant, dont la rotation est alimentée par l'évaporation des océans. Dès que l'ouragan touche terre, cette machine thermique finit par tomber en panne, faute de "carburant".

L'échelle de Saffir-Simpson est l'échelle de classification de l'intensité des cyclones tropicaux, nommés "ouragans".
L'échelle de Saffir-Simpson est l'échelle de classification de l'intensité des cyclones tropicaux, nommés "ouragans".
© Visactu

Peut-on prévoir la puissance des cyclones ?

Les ouragans sont des phénomènes complexes et chaotiques. L'intensité est difficilement prévisible, avec parfois des phases d'intensification rapide et très soudaine, un renforcement très brutal des vents. D'autres fois, on observe au contraire un phénomène qui descend en intensité, assez difficile à prévoir. En 2018, on en a eu l'exemple avec l'ouragan Florence : le 12 septembre, on envisageait qu'il reste un ouragan majeur de catégorie 3 ou 4 et la nuit suivante, il a été rétrogradé en catégorie 2.

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Quelle est la taille d'un cyclone ?

Ce sont des phénomènes d'une très grande taille géographique. Le diamètre moyen va de 400 à 1 000 km si l'on prend en compte l'ensemble des enroulements nuageux autour du centre. Mais les vents les plus violents sont enregistrés dans un périmètre plus restreint autour de l’œil. En hauteur, un ouragan grimpe jusqu'à 12 km, qui est l'altitude maximale des nuages d'orage (les cumulonimbus).

Comment mesure-t-on les ouragans ?

Il existe plusieurs échelles mais celle de Saffir-Simpson est la plus utilisée, notamment par l'OMM, l'Organisation météorologique mondiale qui en a fait l'échelle de référence. On mesure les vents à 10 m du sol pendant une minute sans tenir compte des rafales. L'ouragan le plus puissant de l'histoire est le super typhon Tip qui s'est abattu dans le Pacifique nord ouest : le 12 octobre 1979, on a mesuré un vent de 305 km/h, sans compter les rafales qui peuvent aller à 50 km/h de plus ; la pression au sol était de 870 hectopascals (hPa), record mondial (la pression standard au niveau de la mer est de 1013 hPa). Par ailleurs, les ouragans ont une longévité de quelques jours à plusieurs semaines. Le record revient au cyclone John dans le Pacifique ouest avec 31 jours en 1994 mais la durée habituelle est plutôt d'une semaine. 

En revanche, les phénomènes venteux les plus violents ne sont pas causés par les ouragans mais par les tornades, des tourbillons très localisés qui se forment sous des nuages d'orage : le record appartient à une tornade EF5 sur l'échelle de Fujita qui a frappé Oklahoma City le 3 mai 1999. Une rafale à 512 km/h a été enregistrée par un radar doppler mobile.

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Les dégâts causés par les ouragans ne se limitent pas aux vents puissants ?

Effectivement, les vents violents peuvent provoquer d'énormes dégâts mais les pluies qui suivent sont parfois plus catastrophiques. Lorsqu'un ouragan arrive au dessus des terres et perd de sa vigueur, il peut pleuvoir pendant des dizaines d'heures, ce qui cause des inondations et potentiellement, beaucoup de victimes. L'ouragan provoque aussi une montée des eaux de mer : c'est un effet mécanique dû aux vents qui poussent la mer vers la côte, on l'appelle la marée de tempête. L'effet de pression joue un rôle également, on estime que le niveau de la mer monte d'1 cm pour chaque hPa en moins... Pour une pression de 950 hPa par rapport à une pression de 1 000, l'eau va monter de 50 cm. Les vagues, parfois énormes, provoquent aussi des dégâts et l'effet maximum est atteint en cas de marée haute, ce qui est arrivé en 2005 avec Katrina à la Nouvelle-Orléans.

Un endroit est très étrange dans un ouragan, c'est l’œil du cyclone...

Paradoxalement, c'est l'endroit le plus calme au cœur de la tempête où le ciel est bleu, sans nuage et le vent quasi nul. Mais cet endroit est tout petit : une trentaine de kilomètres de diamètre. L’œil est d'autant plus défini que le cyclone est puissant ; c'était le cas du cyclone Irma en 2017. Quand il est passé sur le nord des Antilles, les gens qui l'ont vécu ont pu témoigner : d'abord un fracas épouvantable, qui correspondait au mur de l’œil, et puis un calme étonnant pendant quelques minutes avant que l'autre partie du mur n'arrive. Le répit est de courte durée. Le mur étant la partie est la plus dangereuse du point de vue de la force des vents puisqu'on est tout autour du centre dépressionnaire. 

L'oeil du cyclone Florence prise de l'ISS le 12 septembre 2018
L'oeil du cyclone Florence prise de l'ISS le 12 septembre 2018
© Getty - Alexander Gerst

Un ouragan se déplace lentement ?

C'est très variable : en 2017, le cyclone Harvey a causé de terribles inondations car il se déplaçait à 2 km/h dans les terres. En général, un cyclone qui "roule bien" avance plutôt à 50 km/h. Rien de comparable avec les tempêtes qui peuvent débouler l'automne et l'hiver en France métropolitaine. Ces dernières se déplacent parfois à 200 km/h, portées par un rail de vent d'altitude très fort. On ne trouve pas cela sous les tropiques.

Le changement climatique modifie t-il la puissance des ouragans ?

Pas leur fréquence mais leur intensité. Avec le réchauffement, on ne s'attend pas forcément à plus de cyclones, mais ils seront plus puissants à cause des eaux qui seront plus chaudes.

Enfin, comment nomme t-on un ouragan ?

Il existe une liste préétablie de noms chaque année dans l'ordre alphabétique. Avant même la saison cyclonique, on sait déjà comment s'appelleront les ouragans qui apparaîtront : pour l'Atlantique en 2018, le premier s'appelait Alberto, le second Beryl, puis Chris, Debby, Ernesto, Florence, etc. Ces noms étaient exclusivement féminins auparavant mais désormais, on alterne, féminin, puis masculin. 

Lorsqu'un phénomène est détecté, le centre météo le plus proche est chargé de le suivre et de le nommer. Météo France s'occupe de la zone de La Réunion dans l'océan Indien. Donner un nom permet de faciliter la communication. Les noms peuvent revenir d'année en année, sauf pour les événements les plus meurtriers qui sont retirés : Harvey, Irma, Maria ou Nate ont été remplacés par Harold, Idalia, Margot et Nigel par le Centre américain des ouragans (le NHC).

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La Méthode scientifique
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