Palmarès de la culture : Edouard Louis, développement personnel et Simon & Garfunkel
Par Nicolas Gastineau, Frédéric MartelLe dernier roman d'Edouard Louis, "Combats et métamorphoses d'une femme", démarre très bien dans les ventes. En Essais-Doc, les livres de développement personnel se succèdent et se ressemblent. En musique, Paul Simon cède ses droits à Sony.
Bienvenue dans le Box Office, le rendez-vous hebdomadaire de l’émission Soft Power. On y épluche chaque semaine les tendances de la culture et les plus gros succès du moment. En partenariat avec l’institut d’études GfK pour les livres et les jeux vidéos et CBO Box Office pour le cinéma.
Littérature. Sans surprise, le nouveau livre d’Edouard Louis, Combats et métamorphoses d'une femme, apparaît déjà dans le top 10 des meilleures ventes depuis mercredi. Entre le roman et le récit (comme à son habitude), Édouard Louis raconte la vie de sa mère, c’est-à-dire la libération d’une femme. Ce court livre est touchant, parfois bouleversant, mais il a aussi sa face sombre : un misérabilisme exagéré ; la difficulté de comprendre les bonheurs simples de vies non urbaines et familiales quand on a fait profession d’intellectuel global ; et surtout une prétention par les jeux de citations, les sauts de ligne ou l’absence de points à la fin de ses phrases. Monique Wittig n’a pas grand-chose à faire ici, pas plus que Roland Barthes. En décrivant, parfois à son corps défendant, son reniement de ses origines populaires, Edouard Louis atteint paradoxalement l’universel. Et c’est ce qui le rend libre et lui permet d’écrire ce livre contre la littérature. Et nous pensons très fort à Une femme de l’écrivaine Annie Ernaux.
Le classement des meilleures ventes de la semaine en littérature, par l'institut GfK.
Les best-selleuses
Et justement, cette semaine dans les meilleurs ventes d’Essais, il ne faut pas dire best-sellers… mais "best-selleuses". Car dans le top 10 des ventes, il y a 9 femmes. À la première place, c’est encore le néo-journal intime de développement personnel, Burn After Writing, de Sharon Jones, dont on parlait la semaine dernière, qui a presque doublé son chiffre de ventes depuis. Il sème donc largement l’excellent essai de Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts, à la 2ème place, et le non moins réussi L’inconnu de la poste, de Florence Aubenas, à la 3ème place.
Le classement des meilleures ventes de la semaine en essais-documents, par l'institut GfK
Eckhart Tolle et le pouvoir du moment présent
L’autre tendance qu'illustre ce tableau, c’est le fourmillement des ouvrages de développement personnel : "être soi-même", "être hypersensible", "se libérer", "identifier ses blessures intérieurs", etc. En découvrant un titre, on a l’impression de les avoir déjà tous lus. Parmi-eux, il y a à la 25ème place Le pouvoir du moment présent, écrit par Eckhart Tolle. Oui, comme Maître Eckhart, le philosophe dominicain du Moyen-Âge – il paraît même que c’est un hommage. Eckhart Tolle donc, a le storytelling du parfait petit guide spirituel : étudiant à Cambridge, il était malheureux, très malheureux, ne supportait pas même sa propre compagnie. Puis, à 28 ans, il eut une épiphanie, son égo s’est "dissout", le laissant pur esprit, vagabond joyeux dans les rues de Londres. Il ajoute : "le lendemain matin, je me suis réveillé et tout était si paisible. La paix était là car il n’y avait pas d’ego. Juste la sensation d’une présence, un état d'être." Ce jour-là, rassurez-vous, l’égo d’Eckhart Tolle s’est peut-être dissout, mais pas ses droits d’auteurs, car le livre tiré de cette expérience, Le pouvoir du moment présent, s’est vendu par millions. Mais derrière l’épiphanie d’Eckhart, il y a surtout la vision d'une femme : la présentatrice américaine Oprah Winfrey. C’est elle, avec son magazine O ou son émission, par son empire d’influence, qui avait parlé du jeune Eckhart au début des années 2000. Et 21 ans après, le succès est encore là.
Les 100, Madame Claude et Sky Rojo
On met en sommeil la rubrique Cinéma en attendant la réouverture des salles. Parlons donc à la place du streaming, son plus ou moins digne remplaçant. Sur Netflix, le numéro 1 en France ce dimanche, c’est la série américaine Les 100. Une série qui date de 2014, mais ré-explose grâce à Netflix. Les 100, c’est un monde post-apocalyptique où les survivants de l’humanité se sont réfugiés sur une arche, dans l’espace, car la Terre était devenue inhabitable. Sauf que les dirigeants de l’arche en question décident d’envoyer 100 délinquants juvéniles en mission de reconnaissance, sur la Terre abandonnée. C’est divertissant et même addictif, puisqu’à la fin de chaque épisode il y a un spoiler du suivant. Mais ce n’est pas bon pour autant : les acteurs sont tous des mannequins adolescents et leurs dilemmes sont caricaturaux. Alors que l’humanité est au bord de l'extinction, on a l’impression que les 100 se téléportent directement des beaux quartiers de New York jusque dans une dystopie. Quand on veut penser le futur, il faut faire l’effort d’imaginer des humains différents, ce que la série ne prend pas au sérieux. Les 100, c’est un peu comme si Disney Channel avait voulu faire du Mad Max… avec les acteurs d’High School Musical. Vient ensuite Madame Claude, une série française originale, qui raconte la vie de la mère maquerelle qui a emportée avec elle les secrets de ses michetons et de ses Jésus. On admirera la différence de traitement entre Madame Claude et Sky Rojo, sur un sujet proche, la prostitution intellectualisée par les français, et almodovarisée par les espagnols.
"Monster Hunter Rise" : le million-seller japonais démarre en trombe en France
En jeux-vidéo, cette semaine, la première place revient à Monster Hunter Rise, éditée par les japonais de Capcom, qui fait un départ en trombe sur le marché français. Au Japon, chiffre remarquable, il a déjà dépassé le million de titres vendus en seulement une semaine.
Le classement des meilleures ventes de la semaine en jeux-vidéo, par l'institut GfK
The Sound of Spotify
En musique, une transaction : Paul Simon, le chanteur de Simon & Garfunkel, a cédé tout son catalogue musical à Sony Publishing. Il faudra vous y habituer, Bob Dylan et Neil Young l’ont déjà fait, ce n’est que le début. La cause du phénomène, c'est le streaming musical. Sur les plateformes comme Spotify, les gens ne se lassent pas des vieux classiques et peuvent les réécouter aisément, ce qui décuple la valeur des droits d’auteur des interprétations et plus encore des musiques et paroles, gérées par les éditeurs. Conclusion : des sources de revenus fiables et stables, à l'épreuve du temps. The Long Tail, comme aurait dit Madame Claude : c’est la théorie de la longue traîne. Et ça, les majors adorent. Donc, Paul Simon 79 ans, qui veut profiter de sa retraite, a tout vendu à Sony Publishing. Profitons-en à notre tour pour écouter un de ses plus beaux morceaux de poésie. Une chanson courte, intime, trop peu connue – presque un secret que l’on chuchote. April Come She Will – et en plus, c’est de saison.
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CETTE CHRONIQUE EST À REECOUTER DANS LE PODCAST DE L'EMISSION DU 04/04
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