Paul Ricœur : "Les Allemands étaient dans les livres, pas ceux qui nous faisaient la guerre"

Ce deuxième épisode enregistré alors que Paul Ricœur a quatre-vingts ans commence avec son arrestation en 1940. Officier de réserve, il reste prisonnier de guerre pendant cinq ans et consacre toutes ses journées à la lecture de philosophes allemands : Karl Jaspers, Martin Heidegger, Edmund Husserl.

En captivité, Paul Ricœur côtoie beaucoup de résistants, lui qui n’a pas eu le temps d’être confronté au gouvernement de Vichy et à la guerre. Rétrospectivement, le philosophe estime qu'avoir hérité du pays ennemi une vision empreinte de la découverte de cette philosophie l'a protégé d'une prise de conscience des horreurs de la guerre. Avec le recul d'un demi-siècle, Paul Ricœur confie regretter ses hésitations d’alors entre pacifisme et patriotisme. Il dénonce au passage le manque d'engagement des intellectuels français pendant la Seconde guerre mondiale.

Paul Ricœur raconte son admiration pour le philosophe Maurice Merleau-Ponty (dont vous pourrez également découvrir cette semaine les entretiens rediffusés dans "A voix nue") qui guidera jusqu’au choix de son sujet de thèse : "Le volontaire et l’involontaire". A contrario, Paul Ricœur évoque les points qui l’ont éloigné de Jean-Paul Sartre.

Lecture

"A voix Nue" avec Paul Ricoeur (2/5) le 14/09/1993

26 min

AU MICRO

Ma fascination pour la philosophie allemande me vient de la rencontre à peu près simultanée de Husserl, quand j’étais encore étudiant, et, d’autre part, de Karl Jaspers. Je dois dire que j’ai entrevu Karl Jaspers dans les années 1935-1940, puis que je fréquenté alors assidûment comme prisonnier de guerre. Mon expérience de prisonnier de guerre est très importante : de 1940 à 1945, j’étais officier de réserve et donc dans un camp de prisonniers où je n’étais pas soumis au travail. Cinq années de lecture […] J’ai lu intégralement l’œuvre de Karl Jaspers- du moins celle qui était publiée jusque-là- , dont le grand livre, qui s’appelait Philosophie , en trois volumes. Et avec mon ami Mikel Dufresne, nous avons traversé cette œuvre qui a été d’une grande importance aussi je dirai, avec la pensée allemande, mais aussi dans notre rapport avec l’Allemagne et les Allemands.

• "A voix nue"avec Paul Ricœur 2/5
• 1ère diffusion le 14/09/1993 sur France Culture
• Production : Katarina Von Bulow 
• Réalisation : Annie Flavell
• Archive Ina - Radio France
• Indexation web : Véronique Vecten, de la Documentation de Radio France

A découvrir : l'intégralité de la série "A voix nue" avec Paul Ricœur en 1993