Souvent une maladie grave devient une maladie chronique. Dans le cas de l’Union Européenne, nous sommes les témoins d’un processus inverse. Le rapprochement des pays de notre continent a toujours souffert d’une « déficience » démocratique, un peu inévitable étant donné l’absence de « peuple européen ». La crise de la monnaie unique dont nous souffrons actuellement a nettement amplifié cette maladie.
« Les citoyens ordinaires ont l’impression qu’ils participent aux élections, élisent leurs représentants, mais ensuite que ce sont d’autres personnes qui décident de tout », soupire l’eurodéputé vert Gerald Hafner. Sur la tribune du seul organisme de l’Union élu directement par les européens – le Parlement Européen, le socialiste Roberto Gualtieri, affirme : la crise économique actuelle, qui a pour conséquence la montée d’une force populiste et nationaliste dans plusieurs pays de l’Union, est aussi une crise politique, « une crise résultant des contradictions croissantes entre la dimension nationale de la politique et la nature européenne des problèmes ».
Que faire donc ? Que faire sans changer les traités existants ? Que faire dans les mois restants avant les élections européennes de 2014 pour empêcher la victoire des forces hostiles a l’idée même de l’intégration européenne ?
« Personnaliser et dramatiser la campagne – voici ce que capte l’opinion publique », répond l’eurodéputé libéral-démocrate Andrew Duff. José Manuel Barroso, lors de son dernier discours sur l’état de l’Union, à appelé les partis politiques européens à présenter *leurs * candidats pour le poste qu’il laissera probablement vacant l’année prochaine. Le Parlement de Strasbourg a adopté l’année dernière une résolution allant dans le même sens. Plus que ca ! Autant de membres de la prochaine Commission européenne que possible devraient être choisis parmi les députés nouvellement élus de manière à veiller à ce que les électeurs aient davantage leur mot à dire, recommande le Parlement. Il nous faut de l’espace public européen, « la représentation directe apporte un élément essentiel de légitimité aux actions de l’UE », confirme le commissaire Algirdas Semeta.
L'article 17 du traité qui nous unit, le plus récent, celui de Lisbonne, permet de le faire. Il dit que « en tenant compte des élections au Parlement européen , et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen… propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission ». On pourrait donc mettre un terme a une pratique qui prévalait jusqu'à présent - discussions en coulisse entre les dirigeants des États membres pour choisir le président de la Commission.
Pour les partisans de l’intégration de plus en plus étroite entre les pays européens ce sera une formidable avancée. Pour Gerald Hafner, par exemple, il ne faut jamais oublier que «l’Europe - c’est la démocratie. Nous essayons de construire l’une des démocraties les plus fortes au monde. Le pouvoir émane du peuple – c’est l’essence même de la démocratie. Plus le lien avec le peuple est fort, meilleure est la démocratie ». Pour le membre de Parti Populaire Européen Carlo Cassini, cette personnalisation des élections fera en sorte que la campagne se fasse vraiment sur les sujets européens et ne soit pas un règlement de comptes entre les partis au niveau national, comme cela été souvent le cas jusqu’à présent. Tres bien...
Les seuls voix discordantes qu’on entend à Strasbourg émanent du camp, encore minoritaire, des nationalistes et sceptiques par rapport a l’idée de « l’Union de plus en plus étroite ». Le conservateur britannique Ashley Fox, par exemple, note qu’on ne doit pas restreindre le droit des pays membres à choisir leurs représentants, les commissaires, mais, surtout, il pose une question : « Si les partis de centre-droits ont, en 2014, la majorité au Conseil Européen, est- ce que vous croyez vraiment que le Conseil va nommer (à la présidence de la Commission) un socialiste Martin Schulz (qui a été le premier a officialisé sa candidature pour la présidence de la Commission) simplement par ce que les Socialistes ont gagné les élections européennes ? »
Une très bonne question, je trouve. De la réponse à cette question dépendra la guérison de la maladie dont nous souffrons depuis si longtemps.