Pierre Alechinsky : "Une courbe où tout d'un coup mon pinceau se sent bien"

1998. Deuxième volet d'une série de cinq entretiens avec Pierre Alechinsky dans "A voix nue" qui évoque ses techniques de dessin et l’apport de la calligraphie.
Au micro de Jean Daive dans ce deuxième entretien de la série "A voix nue", Pierre Alechinsky explique la présence dans sa peinture d'une ouverture, comme si l'on pouvait "entrer et sortir" de ses dessins.
Cette possibilité de pouvoir entrer et sortir d'un dessin est paraît-il une qualité chinoise qui était donc totalement instinctive chez moi puisqu'à 17 ans, sans rien savoir, j'avais fait quelque chose dans cet esprit-là. Mais mon professeur de dessin passait jeter un œil par-dessus l'épaule de chaque élève et m'avait dit : "Ici, pas de ça... pas de pinceau, un crayon bien taillé et une ligne d'une seule venue." J'ai obéi évidemment comme un jeune élève et j'ai perdu sûrement dix ans de ma vie... pour retrouver tout d'un coup cette ouverture.
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Pierre Alechinsky dans "A voix nue" 2/5, le 15/09/1998.
24 min
Pierre Alechinsky évoque la courbe dans ses dessins qui peut lui faire penser au serpent ou aussi pour le cas d'"une certaine courbe exacte qui [le] satisfait et qui correspond à la courbe du dos d'une femme". "C'est assez mystérieux, poursuit-il, d'être en accord avec soi-même, ça dure quelques secondes mais c'est très agréable."
Il raconte avec délectation l'histoire tumultueuse du tableau gigantesque "Stalingrad" d'Asger Jorn qui s'est joué de la méconnaissance des marchands d'art et a préféré "badigeonner le tableau d'une bouillasse épouvantable" plutôt que de le repeindre dans le sens souhaité par les acheteurs éventuels.

La calligraphie a également beaucoup compté pour Pierre Alechinsky. Au Japon, il s'est intéressé "au maniement du pinceau venant de l'écriture et allant vers la peinture".
Comme on vous a bêtement appris à écrire à l'école avec le coude posé, vous dessinez avec l'avant-bras parallèle à la table et posé ou alors il n'y a plus qu'un mouvement du poignet, sinon que des trois doigts de la main, ça c'est du dessin de paralytique. La position idéale, c'est une position physique où on surplombe la feuille et où le dessin vient d'où on ne sait où, de tout le corps, ça ne veut pas dire que tout le corps gesticule, mais ça vient de tout vous-même, de l'entièreté (comme on dit en Belgique) de vous-même. C'est un très joli mot l'entièreté.
- "A voix nue" 2/5
- Première diffusion le 15/09/1998
- Producteur : Jean Daive
- Réalisation : Nicole Salerne
- Indexation web : Odile Dereuddre, de la Documentation de Radio France