Le passé dans le présent

Le présent, ce n’est pas seulement le présent, c’est la trace, l’effet, multiple du passé, de tous les passés. Il y a les traumatismes dont le propre est d’être revécus toujours au présent. Ils ne passent pas, mais on le sait, ils sont omniprésents, et pour de bonnes raisons. Mais il y a des traces plus discrètes moins massives, des objets sur les plages, non explosés, des briques issues d’anciennes bâtisses et aujourd’hui réemployées pour le pire et parfois le meilleur. Il y a la longue, parfois la très longue, durée, toujours là, avec ses ruines et ses mines encore actives, et aussi ses ressources et ses alternatives. 

Le cas du nazisme n’est pas un cas parmi d’autres. Il porte tout cela à l’extrême. Johann Chapoutot, l’explore, sans reculer, le démine, jusqu’à la controverse, qui fait partie du présent et qui permet de l’affronter. Situer le présent dans le temps pour le critiquer, le vivre et même le faire avancer.

L'interrogation première, je pense, pour quiconque entre dans une étude scientifique du nazisme, c'est ce pourquoi qui n'est pas indépassable, mais qui est fondateur, qui est cardinal ? Le nazisme a déchaîné un paroxysme de violence sans comparaison dans l'histoire de l'humanité, par le génocide perpétré contre les Juifs d'Europe, par la guerre qui a fait en tout 60 millions de morts, par des pratiques de violence contre les populations civiles systématiques qui font que vous avez 27 millions de morts en Union soviétique en un peu plus de trois ans.

A propos des milices néo-nazies de Charlottesville aux Etats-Unis 

Je pense que pour eux, le nazisme, c'est la violence, la maîtrise de la rue. Et puis le fait d'évacuer violemment vers les marges tout ce qui est racialement, entre guillemets, différents, et y compris les juifs. Ils n'ont pas l'éducation suffisante, ne serait-ce que voir  "Nuit et brouillard" ou visiter un centre de mise à mort ou encore avoir un cours d'histoire qui tienne à peu près la route, qui leur apprenne concrètement ce que c'est que le nazisme.

Le darwinisme social, par exemple, c'est une invention de l'Occident colonisateur et capitaliste de la seconde moitié du 19e siècle qui est venu naturaliser des hiérarchies sociales et raciales  en leur imposant le sceau de la science et de la nécessité scientifique. Ce darwinisme social a été un muscle puissant du nazisme et il n'a pas disparu après 1945. Nous vivons dans un monde hélas social-darwiniste. 

Extraits musicaux

Premier extrait, choisi par l'invité : "Real love" de David Gray - Album : "A new day at midnight" (2002) - Label : Iht Records.

Second extrait : "One of these mornings" par Moby - Album : "18" (2002) - Label : Mute - BMG Company.

Pour aller plus loin

Page wikipédia de Johann Chapoutot et ses publications (Cairn info).

Page de Johann Chapoutot sur le site de l' Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP)