Sciences sociales dans la pandémie

File d'attente devant le Grand Palais à Paris, en juillet 2020, où se tenait une réception organisée par le Ministère de Santé, accueillant 800 personnes issues du monde médical
File d'attente devant le Grand Palais à Paris, en juillet 2020, où se tenait une réception organisée par le Ministère de Santé, accueillant 800 personnes issues du monde médical ©AFP - © Thomas Lafargue
File d'attente devant le Grand Palais à Paris, en juillet 2020, où se tenait une réception organisée par le Ministère de Santé, accueillant 800 personnes issues du monde médical ©AFP - © Thomas Lafargue
File d'attente devant le Grand Palais à Paris, en juillet 2020, où se tenait une réception organisée par le Ministère de Santé, accueillant 800 personnes issues du monde médical ©AFP - © Thomas Lafargue
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En quoi regarder la pandémie de Covid-19 comme un fait social apporte-t-il un éclairage nécessaire sur la gestion des risques qu'elle recouvre ? "À présent" réfléchit ce soir aux apports des sciences sociales dans le traitement politique, médical et scientifique de la pandémie.

Avec
  • Marie Gaille Directrice de recherche en philosophie au CNRS
  • Daniel Benamouzig Directeur de recherches au CNRS, titulaire de la Chaire Santé de Sciences Po et membre du Comité scientifique sur la gestion de l’épidémie de coronavirus

Il y a des débats sur la pandémie, il y a des débats sur les sciences sociales, mais ce qui ne devrait pas faire débat c’est l’importance des sciences sociales dans la pandémie. Que la pandémie soit un fait social, tout le monde en convient. Mais quel fait social ? Qu’est-ce qu’il révèle et qu’est-ce qu’il change ? Comment le comprendre ? Pourquoi connaître ses aspects sociaux est-il nécessaire et même vital pour répondre aux risques qu’il recouvre ? De quel savoir et de quelle expertise relèvent ces enjeux ? 

Voilà ce que seules les sciences sociales peuvent et doivent nous aider à comprendre, au plus près des autres sciences et de la médecine, de la société et de la politique, mais aussi dans leur indépendance, leur méthode, et leurs propres débats. Et de nombreux projets surgissent en ce moment en France notamment. 

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Avec Marie Gaille, docteur en philosophie, directrice de recherches au CNRS et directrice adjointe à l’INSHS où elle coordonne les projets en SHS sur la pandémie ; 

et Daniel Benamouzig, sociologue, directeur de recherches au CNRS, titulaire de la Chaire Santé de Sciences Po, et membre du Conseil scientifique sur la gestion de l’épidémie de coronavirus.

Le fait épidémique lui-même est par nature un fait social. La diffusion dans l'ensemble de la société ne peut avoir que des conséquences sociales. Et ces choses-là étaient très claires, notamment pour tous les infectiologues qui savent bien qu'une épidémie peut avoir ce type d'effets. Ce sont des choses qui ont été perçues très tôt. C'est une des raisons pour lesquelles les sciences sociales ont été mobilisées quasiment en même temps que d'autres types de savoirs dans ce contexte-là. Daniel Benamouzig

Par rapport à la date du confinement en France, dès le 17 mars 2020, les sciences humaines et sociales (...) ont voulu, de façon extrêmement massive et spontanée, exprimer un désir d'engagement dans la recherche pour éclairer ce qui était en train de se faire. Ce qui était extraordinaire n'était pas le fait de vouloir travailler sur un moment présent, mais la réaction massive de toutes les disciplines des sciences humaines et sociales. Marie Gaille

Pour ce qui est du Conseil scientifique, il y a une espèce de paradoxe parce que la situation apparaît comme tout à fait extraordinaire par bien des aspects, mais en même temps, les modalités de travail qui sont imaginées pour y faire face correspondent à peu près au type d'expertise que l'on met en œuvre dans ce type de contexte. Avec une forme d'interdisciplinarité, de pluralité des profils, avec un fonctionnement collégial, avec autant de choses qui ont été largement expérimentées depuis maintenant une vingtaine ou une trentaine d'années sur les questions d'expertise sanitaire. Daniel Benamouzig

On est dans des temporalités imbriquées où l'effet de quelque chose devient aussi très vite la cause d'autre chose. (Dans le rapport sur l'épidémie de Covid-19, coordonné par Marie Gaille et Philippe Terral, ndlr.) il nous semblait important de rappeler à quel point certains modes de vie sont eux-mêmes générateurs de certains effets. Et ce point a été apporté par des collègues qui travaillent sur les mobilités à travers le monde. Les mobilités de travailleurs, mais pas seulement d'ouvriers modestes, celles de cadres. Les mobilités liées aussi au tourisme, au tourisme de masse et au tourisme de luxe. Marie Gaille

On a cette espèce de précipité épidémiologique qui est assez spectaculaire à observer en temps réel, et que l'on voit sur l'ensemble des dimensions sanitaires de l'épidémie. Ce sont des inégalités de rapport aux risques, à l'exposition aux virus. Des inégalités dans les effets que le virus produit selon qu'on a certaines pathologies ou pas qui sont distribuées socialement – on n'est pas tous égaux face aux pathologies, face aux facteurs de risque, face à l'obésité, par exemple, qui est un facteur de risque important. En matière d’inégalités face aux informations que l'on peut traiter et qui nous permettent de nous protéger. Ce sont des inégalités face à l'accès aux soins selon l'endroit où on habite, etc. Daniel Benamouzig

Je me suis vraiment replongée, par exemple, dans les travaux de Hannah Arendt qui, dans "La Condition de l'homme moderne", distingue les vies qui sont arrimées à la perpétuation du processus vital parce qu'elles sont dans une forme de précarité économique extrêmement forte. Et puis, les vies qui peuvent faire œuvre et qui sont inscrites dans le tissu des relations humaines. Tissu des relations humaines qui a donc été extrêmement mis à mal par cette pandémie. Et j'aurais même envie d'aller au-delà dans ce qui est vital. Peut-être presque d'engager une réflexion sur le rapport au vivant. Marie Gaille

Pour en savoir plus 

Sur Daniel Benamouzig
• La page de présentation du sociologue sur le site de Sciences Po
• La biographie et les publications du sociologue à consulter sur son site
"Covid-19 et expertise sanitaire", entretien avec Daniel Benamouzig du 1er juillet 2020 pour le site La vie des idées

Sur Marie Gaille
• La page de présentation et de publications de la directrice de recherches en philosophie, sur le site du Laboratoire SPHERE du CNRS
• La Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie que Marie Gaille co-préside avec Régis Aubry depuis 2021
L'étude COVIDEHPAD menée depuis mars 2020 sur les questions relatives aux confinements, aux fins de vie et à la mort dans les EHPAD liées à l’épidémie de Covid-19 en France
"Les sciences humaines et sociales face à la première vague de la pandémie de Covid-19 - Enjeux et formes de la recherche", rapport coordonné par Marie Gaille et Philippe Terral, disponible sur le site HAL archives-ouvertes.fr

À présent
56 min
À présent
58 min

Choix musicaux 

Morceau choisi par Marie Gaille : "On n'a rien vu venir" par Les Goguettes (en trio mais à quatre) - Album : Le temps béni de la pandémie (2020)

Site Les Goguettes (en trio mais à quatre)

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Morceau choisi par Daniel Benamouzig : "Le Chat souris" par le groupe Feu ! Chaterton - Album : Le Chat souris (2018)

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