Un consentement démocratique éclairé est-il possible ?

Le consentement démocratique est possible, mais à deux conditions. Il faut compléter la démocratie représentative, de deux manières au moins. Par la participation, et l'on a raison de parler de démocratie participative. Mais cela suffit-il ? Ne faut-il pas aussi construire le débat, éclairer les citoyens, sur les sujets les plus brûlants ? On parle aujourd’hui de démocratie délibérative, qui vise à discuter les raisons de l’adhésion ou du refus politique, comme les médecins éclairent le consentement du patient, avant une décision difficile et construite ensemble. Peut-on comparer la délibération démocratique et le consentement éclairé, surtout en temps de pandémie et de santé publique ? Cela peut-il répondre à la crise de la démocratie, en ces temps d’élections ? On en discute avec Mélanie Heard, spécialiste de la démocratie sanitaire, et Bernard Manin, philosophe de la démocratie représentative qui vient de co-diriger (avec Loïc Blondiaux) un recueil essentiel sur Le tournant délibératif de la démocratie. 

Bernard Manin, philosophe, directeur d'études à l'EHESS et professeur de science politique à New York University, et Mélanie Heard, docteure en science politique, enseignante-chercheuse au Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI).

Il n'y a pas de substitut au suffrage universel car c'est la forme la plus commune de participation égalitaire. Les institutions délibératives, qui ont par ailleurs beaucoup de vertus, ne peuvent pas tenir lieu de l'ensemble des gens qui s'expriment lors d'un vote. Or, c'est une première raison pour laquelle les instances délibératives ne peuvent pas se substituer au mécanisme représentatif. Une seconde raison, tout aussi décisive, est que le système représentatif inclut la responsabilité des élus par rapport à leurs électeurs. Bernard Manin

Toute la question est de savoir quelle connaissance on apporte au patient qui se trouve dans une situation difficile de choix par rapport à sa santé ou au panel délibératif que l'on a sollicité pour trancher un dilemme [...] On suscite des conventions citoyennes, des panels délibératifs sur des sujets qui font dilemme, qui engagent des choix difficiles pour les gouvernants parce que ce sont des choix qui vont mettre en présence des valeurs concurrentes, des biens d'égale valeur. C'est à cet instant-là que l'on a besoin de la délibération citoyenne. Mélanie Heard

Pour en savoir plus 

Sur Bernard Manin
• Sa présentation par le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS)
• Ses publications disponibles sur le site cairn.info 

Un élément important, je crois, c'est l'élévation du niveau d'éducation et d'information des citoyens en général, qui fait que les électeurs ou les membres de la société comprennent mieux les décisions qui sont prises et réclament de pouvoir avoir leur mot à dire. Bernard Manin

Sur Mélanie Heard
• Ses publications disponibles sur le site cairn.info  
• Ses articles disponibles sur la page du Think Tank Terra Nova

La démocratie sanitaire s'appelle maintenant, de plus en plus, la démocratie en santé. Parmi les professionnels de santé, on le sait peu, mais le mot sanitaire, en fait, veut dire hospitalier, synonyme d'hôpital dans une certaine sphère professionnelle. [...] Ce terme représente une curieuse démocratie, effectivement, puisque on n'y vote pas. Et peu de gens savent exactement ce que c'est : une démocratie en santé, c'est vraiment l'élan, né à la fin du 20ème siècle, porté par des états généraux très marquants à la fin des années 90, puis par la loi qu'on appelle la loi Kouchner, en 2002, la loi des droits des malades qui est la loi de création d'une démocratie sanitaire. [...] C'est une démocratie de représentation associative. Mélanie Heard

Référence citée

La convention citoyenne pour le climat : on peut y voir des vidéos des séances de travail (Mélanie Heard).

Extraits musicaux 

Morceau choisi par Bernard Manin

"Notturno" (D897) en mi bémol majeur de Franz Schubert, interprété par le Trio Eggner - 

Morceau choisi par Mélanie Heard

"Ricercari : n°1 en sol mineur" (transcription pour alto) de Domenico Gabrielli et Ivan Fedele, interprété par Christophe Desjardins - Album : "Ricercari & Ritrovari" (2019) - Label : Winter & winter.