Les défis s'accumulent dans la seizième économie mondiale. Alors que les manifestations massives ont fait reculer le gouvernement de Joko Widodo en octobre, de nouvelles figures émergent.
Il y a un mot en Indonésien qui veut dire chaos, désordre, confusion, bruit. C’est "Kekacauan".
Et il pourrait résumer la situation de cet automne dans la seizième économie du monde.
Depuis cet été, des feux de forêt enflamment l’île de Sumatra. Les immenses fumées noires intoxiquent la Malaisie et même les Philippines : on frôle le conflit diplomatique. Le mois dernier, un ministre a été victime d’un attentat revendiqué par "Daech", suivi d’un autre, à la bombe, devant un commissariat cette semaine. Les conservateurs s’insurgent devant l'interdiction du niqab dans les ministères, et les papous se révoltent contre le racisme.
Cerise sur le "kekacauan", il y eu jeudi un tremblement de terre de magnitude 7.6 aux larges des côtes, et on a craint le Tsunami. Un tremblement de terre qui fait écho à ceux que connaissent les rues de monde depuis plusieurs mois, car c’est la politique intérieur qui fait trembler le gouvernement du président Joko Widodo.
Et les étudiants sont en premières lignes.
Parmi eux, Manik Marganamahendra suit un cursus en santé publique à Jakarta et s’est toujours engagé à l’école, mais c’est la nature de son engagement qui a changé ses derniers mois. D’abord très actif au sein des scouts en primaire et au lycée, partie prenante de l’équipe patriotique du levé de drapeau du matin, Manik apparaît la plupart du temps en gilet jaune, la couleur de son université.
Et de fidèle élève-patriote, il est devenu une icône anti-système en Indonésie.
Il s’est d’abord révélé dans son université alors que le gouvernement souhaitait transformer le code pénal, prévoyant par exemple de condamner les rapports sexuels extra-conjugaux et les couples hors mariage.
Puis en septembre dernier le gouvernement du président Joko Widodo a déclaré vouloir réduire les budget de la lutte anti-corruption, et suspendre les écoutes téléphoniques, qui ont permis des centaines de condamnations ces dernières années.
Un projet de loi qui a mis le feu aux poudres.
En quelques jours, les rues se sont remplies d’étudiants, et les syndicats de travailleurs les ont rejoints, organisant les plus grandes manifestations depuis celles qui avaient conduit à la chute du dictateur Soeharto en 1998.
Si les travailleurs demandent de meilleures conditions de travail, les étudiants insistent sur la corruption. Ils exigent aussi la condamnation des entreprises forestières et des producteurs d’huile de palme, qu’ils jugent responsables des incendies qui ravagent les forêts. Mais dans les manifestations, on voit aussi des revendications pour faire voter une loi contre les violences conjugales.
Bref, tout se mélange, et ces manifestants qui se rallient sous le slogan de “réformes corrompues” prennent Hong Kong en exemple.
Au milieu de tout ça, Manik appelle à la convergence des luttes. Il le clame haut et fort dans les hauts-parleurs et devant les caméras tandis que sa notoriété grandit.
Le jeune homme pose désormais pour des magazines, et la vidéo où l’on voit Manik et d’autres représentants d’étudiants traiter les parlementaires de « corrompus » a été vue des millions de fois et a fait le buzz sur internet.
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Pour le gouvernement de Joko Widodo la partie n’est pas évidente, malgré sa popularité.
Fraîchement réélu et disposant d’une confortable majorité à la chambre, il doit faire face à la montée des conservateurs religieux dans le plus grand pays musulman du monde. Le gouvernement a donc reculé en reportant ses réformes sur la question de mœurs, mais maintient ses baisses de budget dans la lutte anti-corruption.
La semaine dernière, alors qu’on s’attendait à une manifestation massive pour “marquer le coup" le jour de la fête nationale, ils étaient moins nombreux à se rendre dans les rues. Un espoir d'accalmie dans le Kekacauan du gouvernement, mais pour Manik Marganamahendra, qui fait sa “révolution 4.0” avec ces centaines de milliers de followers Instagram, les étudiants n’ont pas fini de faire trembler la terre d’Indonésie.
par Mattéo Caranta.
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