Lumière sur Robert Biedroń

Robert Biedron, candidat "La Nouvelle Gauche" aux élections présidentielles polonaises, oct. 2019
Robert Biedron, candidat "La Nouvelle Gauche" aux élections présidentielles polonaises, oct. 2019 - AFP
Robert Biedron, candidat "La Nouvelle Gauche" aux élections présidentielles polonaises, oct. 2019 - AFP
Robert Biedron, candidat "La Nouvelle Gauche" aux élections présidentielles polonaises, oct. 2019 - AFP
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En Pologne, la candidature de Robert Biedroń à la présidentielle tient à la fois de l’exploit et de l’anomalie politique. Explications.

“Je suis un rêveur, je suis né dans un coin très traditionnel et conservateur de la Pologne. Je suis gay et athée, et ça n’a pas été simple pour moi”. 

C’est ainsi que se résume Robert Biedroń, le candidat de l’union des gauches aux élections présidentielles polonaises qui auront lieu le 10 mai prochain. Et Robert Biedroń est partout dans les médias. 

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En octobre, il faisait la Une de tous les journaux du pays après avoir sauvé un homme et son fils d’une voiture en feu à quelques jours des législatives (On peut le voir sur les photos, héros modeste, poser l’air tranquille entre deux pompiers).

En décembre, il dirigeait un assaut parlementaire à Bruxelles pour faire condamner par l’Union Européenne les 80 communes polonaises qui ont créé des “zones libres”, je cite, “de l’idéologie LGBT”. Quelques mois plus tôt, le député européen s’était frontalement opposé au journal conservateur Gazeta Polska, qui avait distribué gratuitement des autocollants “zone franche LGBT”, montrant le drapeau arc-en-ciel barré en noir par une croix entourée d’un cercle... Dans un pays où plus de 40% de la population pense que l’homosexualité ne devrait pas être tolérée, la candidature de Robert Biedroń à la présidentielle tient en soi de l’exploit et de l’anomalie politique.

Le sticker "LGBT freezone" distribué par Gazeta Polska en juillet 2019.
Le sticker "LGBT freezone" distribué par Gazeta Polska en juillet 2019.

Mais Robert Biedroń n’est pas seulement un des premiers élus à être ouvertement homosexuel dans un pays très conservateur. D’abord député, Biedroń est élu maire en 2014 d’une ville moyenne qu’il utilise à la fois comme laboratoire et comme tremplin politique pour la scène nationale. Réduction de son salaire, renoncement à sa voiture de fonction pour lui préférer le vélo, réorganisation de la politique de logement de la ville, Robert Biedroń multiplie les actes de frugalité politique. Et il s’installe toutes les semaines sur un canapé rouge itinérant pour échanger en tête à tête avec les habitants de sa ville. Démagogie agaçante pour ses concurrents, révolution démocratique pour ses partisans. 

Alors Robert Biedroń a-t-il des chances de vaincre le PIS au pouvoir et de sauver la gauche polonaise ? 

Rien n’est moins sûr. Le parti ultra-conservateur au pouvoir Droit et Justice, dirigé par Jaroslaw Kaczynski, est extrêmement populaire. Dans les derniers sondages, Biedroń oscille entre la troisième et la quatrième position. Bien loin derrière les 43% d’intentions du candidat et actuel président, Andresj Duda. Très loin aussi des 23% de la candidate du parti de centre droit libéral.

Pour quel candidat voteriez vous aux elections présidnetielles ? Etude réalisée entre le 6 et le 8 février 2020.
Pour quel candidat voteriez vous aux elections présidnetielles ? Etude réalisée entre le 6 et le 8 février 2020.
- Statista.com

Il semble alors que le candidat de l’union des gauches ait opté pour une stratégie d’opposition symétrique, quitte à faire trembler les fondations de la maison Pologne. Quand le président inaugure une nouvelle mine de charbon, Robert Biedroń propose la fin du charbon pour la transition écologique. Alors que la plupart des candidats soulignent leur foi catholique et leur bonne relation avec l’Eglise, Biedroń a dénoncé la semaine dernière l’enseignement du catéchisme dans les écoles publiques. Il a même déclaré vouloir mettre fin à l’exonération fiscale de l’Eglise Catholique et dénoncé la “civilisation du mépris”. Presque un blasphème dans un pays lié au Vatican par un Concordat et où, le blasphème, justement, est interdit par la loi. 

Alors Robert Biedroń a-t-il des chances de vaincre le PiS et de sauver la gauche polonaise ? (puisque c’était ma question). Vaincre le PiS, certainement pas, sauver la gauche polonaise, c’est peut-être déjà fait.

par Mattéo Caranta.

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