" A 15 ans je me suis éveillé à la littérature : un autre monde s'ouvrait à moi"

Forêt de bambou du Parc national de Shunan Zhuhai dans la province du Sichuan en Chine.
Forêt de bambou du Parc national de Shunan Zhuhai dans la province du Sichuan en Chine. ©Getty - CWIS
Forêt de bambou du Parc national de Shunan Zhuhai dans la province du Sichuan en Chine. ©Getty - CWIS
Forêt de bambou du Parc national de Shunan Zhuhai dans la province du Sichuan en Chine. ©Getty - CWIS
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Premier d'une série de cinq entretiens d'"A voix nue" avec François Cheng, poète, romancier et essayiste. Il évoque son enfance et son adolescence en Chine pendant une longue période de guerre, forcé à un rude exode sublimé par la beauté du Sichuan, et enfin ses premières années d'exil en France.

Avec

« Aimer, c’est dire : Tu ne mourras pas ! » écrit François Cheng  dans l’un de ses poèmes (dans l’anthologie A l’orient de tout , Poésie/Gallimard, 2008). Poète, romancier, essayiste, auteur de monographies et de livres d’art, académicien, François Cheng est d’abord un tout jeune Chinois qui arrive à Paris en 1949, après la guerre sino-japonaise. Il est alors âgé de vingt ans et vient en France entreprendre une année d’étude. Mais la Chine ferme ses frontières et l’étudiant devient un exilé. Il se passionne pour la langue française au point d’en faire sa langue d’écrivain et de se choisir le prénom « François ». Homme d’une double culture, il revient sur son parcours, qu’il a toujours repensé à travers sa création littéraire, à la recherche d’une parole de vérité. C’est cette parole qu’il souhaite livrer à l’auditeur, durant les cinq rendez-vous d’A voix nue .

Reconnu aujourd’hui comme une figure majeure de la poésie contemporaine, François Cheng est doté de cette voix si particulière qui « nous transmet un souffle ancien, immortel et absolument personnel, qui s’inspire de l’aventure de la passion et de l’amour » comme l’écrit la poète Silvia Baron Supervielle. Il termine chaque volet de l’émission en lisant un poème.

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François Cheng, né le 30 août 1929, vit une enfance heureuse, mais elle est tôt interrompue par la guerre sino-japonaise, en 1937. Il a alors huit ans, et se réfugie avec sa famille au cœur de la province du Sichuan, dans un des plus beaux paysages du monde. L’enfant découvre alors à la fois le mal et les atrocités dont sont capables les hommes, et la beauté incroyable de la nature. 

Dès cette époque, avant l'âge de dix ans, je suis devenu un être déchiré, hanté à la fois par la beauté du monde et par le mal qui le ronge. Je savais déjà que si je voulais saisir la vérité de la vie, je ne devais jamais oublier de tenir ces deux bouts, de chercher à atteindre une vérité qui rende compte de tout le bien et de tout le mal dont l'humanité est capable.

A travers ses souvenirs, il montre combien ces deux expériences fondatrices nourriront son œuvre ultérieure.

Dans le même temps où j'ai embrassé la littérature je suis devenu un instable, un révolté incapable de m'adapter à la vie normale. [...] Moi-même j'ai fait de nombreuses fugues lors desquelles j'ai connu la faim et toutes sortes de blessures tout en infligeant des blessures aux autres et au premier chef à mes parents. Depuis ce moment je me considère toujours comme un errant, un homme toujours en marche, même maintenant, ou en quête. Etre en quête signifie qu'on ne se laisse pas enfermer dans des cadres pré-établis. Voulant être le témoin de la vie toute entière on est à la recherche de ce que la vie peut offrir de vrai et de beau tout en essayant d'avoir le courage de dévisager ce que la vie peut produire de mal.

L'écrivain raconte le début de son exil en France pendant lequel il a connu la grande pauvreté jusqu'en 1959 et son embauche en tant qu'assistant au Centre de recherches linguistiques chinoises. Il dit alors avoir "épousé avec amour" la France. 

Lecture du quatrain « Nous avons bu tant de rosée… » (in Le livre du vide médian , Gallimard, 2004). Et François Cheng psalmodie en chinois un poème qu’il a appris dans son enfance, « Mon refuge au pied du mont Chung-nan » de Wang Wei (dynastie des Tang repris dans l’anthologie Entre source et nuage, voix de poètes dans la Chine d’hier et d’aujourd’hui,  Albin Michel, 1990).

Par Françoise Siri. Réalisation : Anne Sécheret. Prise de son : Laurent Césard. Attachée d'émission : Claire Poinsignon.

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