Frankétienne (2/5) : "Je ne suis pas dans la linéarité. Je suis dans un tourbillon. C'est ça la vie." : épisode 2/5 du podcast Frankétienne, ou l'immense cathédrale

Frankétienne à Saint Malo en 2004.
Frankétienne à Saint Malo en 2004. ©AFP - Ulf Andersen / Aurimages
Frankétienne à Saint Malo en 2004. ©AFP - Ulf Andersen / Aurimages
Frankétienne à Saint Malo en 2004. ©AFP - Ulf Andersen / Aurimages
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Suite des "A voix nue" avec le poète Frankétienne qui se souvient de son premier contact à huit ans avec la langue française et son entrée en littérature grâce au dictionnaire qu'il apprend par cœur. Il se définit fondamentalement comme un poète.

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Dans ce deuxième entretien, Frankétienne poursuit ses souvenirs d'enfance. A cinq ans, il entre au petit séminaire Saint-Martial, une école jésuite : "Je ne retrouvais pas mon climat, ma température du Bel-Air, l'ambiance, le paysage familier des bruits, des enfants turbulents et des enfants à teinte foncée." A la simple question de la bonne sœur qui lui demande en français son nom, lui le petit enfant qui ne connaissait que le créole, il a eu l'impression de recevoir "comme une gifle, une pierre, un coup de bâton". De ce malaise, il dit que c'est "l'acte fondateur et de toute [sa] carrière d'écrivain". "Il faudra qu'un jour je règle tous mes comptes avec cette langue étrangère", se dit-il alors de façon plus ou moins consciente.

A l'âge de 8 ans, j'ai pris la décision d'étudier le dictionnaire Larousse par cœur, avec toutes les définitions. Je crois que ça a été une période pathétique, tragique, mais exaltante aussi dans ma vie, parce que je prenais du plaisir à apprendre les mots avec leur définition. J'étais à la fois dans le champ lexical et sémantique. Dès ce moment là, j'ai eu des rapports spécifiques avec la langue française qui sont des rapports concrets. Et là, je crois que c'est un avantage par rapport à ceux-là qui déjà parlaient français ou même par rapport à un écrivain français qui manie cette langue, qui possède cette langue de manière native. Moi, j'ai abordé cette langue avec une sorte de fougue, avec une sorte d'exaltation, de jubilation du combattant. 

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Étudiant brillant, doué en mathématiques et en physique, Frankétienne a malencontreusement raté l'examen d'entrée en médecine pour dix minutes de retard. Il s'est alors tourné vers une école américaine de mécanique. Il possède donc des connaissances dans de nombreux domaines et il s'en félicite.

Je suis dans la vision holistique de la totalité. Je déteste la fragmentation. J'aime tout faire en même temps. Je ne peux pas imaginer que l'on soit dans une sorte de solitude coupée des autres. Je suis à la fois ici et ailleurs. Je suis dans la totalité dans tout ce que je fais et c'est pourquoi, même dans mon écriture, il y a ce brassage, ce métissage, ce mélange, cet imbroglio, ce méli-mélo d'anecdotes, de textes, de mots enchevêtrés. C'est toute ma vie. Je suis un être de contradictions et de mélanges, et même d'un grand désordre à la limite de l'anarchie.  

Après avoir publié ses premiers textes poétiques dans les années 1963-1964, Frankétienne publie en 1968 son premier roman Mûr à crever sans abandonner pour autant l'écriture poétique : " La poésie demeure le ciment essentiel qui relie toutes les parties, tous les fragments, tous les éléments de mes textes." Et d'insister pour conclure l'entretien : "Fondamentalement, je suis un poète."

Une série d'entretiens proposée par Delphine Japhet.  Réalisation : Luc-Jean Reynaud. Prise de son : Pierre Quintard. Attachée  d'émission : Claire Poinsignon