

Avant les travaux d’Alain Corbin, les historiens s’intéressaient à l’histoire de la sexualité principalement sous des angles quantitatif et démographique. Il a donné un coup d’envoi à un nouveau courant historique, en étudiant l’histoire des représentations et de l’imaginaire des émotions.
Alain Corbin (historien, spécialiste de l'histoire des sens).
Avant les travaux d’Alain Corbin, les historiens s’intéressaient à l’histoire de la sexualité principalement sous des angles quantitatif et démographique. Corbin a donné un coup d’envoi à un nouveau courant historique, en étudiant l’histoire des représentations et de l’imaginaire – des émotions, des sentiments, des sensibilités.
Dans Les Filles de noce, Alain Corbin écrit : « Il est temps pour l’historien du contemporain d’entrer dans la chambre du couple sans être accompagné d’un officier d’état civil.». Ce livre n’est pas une histoire des prostituées, mais du désir des hommes pour les « filles de joie. », pour la sexualité vénale. Ce que souhaite Alain Corbin, c’est écrire « une histoire du désir, du plaisir et de la misère sexuelle.» A la même époque, il travaille sur le genre et sur la masculinité en particulier. Selon Alain Corbin, au XIX e siècle, le poids pèse davantage sur les épaules des hommes que sur celles des femmes à cause de la conscription, de la nécessité pour eux de faire vivre une famille, et des guerres. Ces idées, dont il discute avec son amie Michelle Perrot, vont à rebours du discours tenu sur le quotidien des femmes à cette époque-là.
Le livre le plus célèbre d’Alain Corbin est peut-être Le Miasme et la jonquille (1982), dont le romancier Patrick Süskind s’est inspiré dans Le Parfum. Une fois encore, Corbin y fait un pas de côté : il ne s’agit pas d’une histoire des parfums, mais d’une étude de la réception et de l’appréciation des messages sensoriels. Le livre a pour sous-titre : l’odorat et l’imaginaire social. Comment Alain Corbin est-il passé d’un travail sur la sexualité vénale à une étude sur l’odorat ? Au XIXè, la désignation péjorative de l’autre s’accompagne toujours ou presque de références olfactives. Or les prostituées les premières étaient victimes de cet imaginaire dépréciateur, puisqu’elles étaient associées à la pourriture, à la dégénérescence.
Par Virginie Bloch-Lainé, réalisation, Massimo Bellini, prise de son, Yann Fressy.
Bibliographie
- Historien du sensible, entretiens d’Alain Corbin avec Gilles Heuré, La Découverte, 2000.
- Alain Corbin, une histoire des sens, préface de Pascal Ory, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2016, anthologie regroupant Le Miasme et la jonquille, Le Village des cannibales, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot.
- Alain Corbin, un tour de France des émotions, revue Critique n°865-866, 2019.
- Alain Corbin, Sois sage, c’est la guerre, Flammarion, 2014.
- Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798-1876, Flammarion, 1998.
- Alain Corbin, Les Conférences de Morterolles, Flammarion, 2011.
Pour aller plus loin
- L’histoire entre rêve et plaisir, entretien avec Alain Corbin, par Ivan Jablonka , le 8 novembre 2013, La vie des idées
- Portrait d’Alain Corbin en collectionneur par Judith Lyon-Caen, Critique 2019/6-7 (n° 865-866)
- Ne rien refuser d’entendre, entretien avec Alain Corbin, 3 avril 2006, Vacarme 35
- Un historien du bocage sur le sentier de la Terre, Alain Corbin, entretien réalisé pour la revue Pierre Birnbaum, Dominique Kalifa et Philippe Roger, Critique 2019/6-7 (n° 865-866)