"Il fallait que je sois forte et digne des femmes de ma famille"

Toni Morrison en septembre 2012.
Toni Morrison en septembre 2012. ©AFP - Leonardo Cendamo/Leemage
Toni Morrison en septembre 2012. ©AFP - Leonardo Cendamo/Leemage
Toni Morrison en septembre 2012. ©AFP - Leonardo Cendamo/Leemage
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Deuxième volet de la série d'entretiens "A voix nue" avec Toni Morrison qui relate son entrée en écriture à travers ses deux romans "The Bluest Eye" et "Le chant de Salomon".

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Premiers enseignements et entrée en écriture

Deuxième volet de cette série "A voix nue" datant de 2006 et rediffusée en 2012 en compagnie de l'écrivaine Toni Morrison. Quittant le professorat, Toni Morrison devient éditrice en 1964 et s'attache à publier des grands noms de défenseurs des droits civiques. Son travail auprès d'eux s'apparentait à celui d'une "sage-femme".

Il ne s'agissait pas tant de me recréer une nouvelle identité mais plutôt d'achever ce processus de devenir moi-même. 

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En tant qu'éditrice, elle publie alors les ouvrages d'Angela Davis ou de Mohamed Ali et beaucoup d'écrivains afro-américains émergents :

C'était important que ces leaders laissent une trace, et pour cela, il n'y a pas mieux qu'un livre. J'ai eu le sentiment que c'était à moi de les faire accoucher de leur oeuvre. J'ai joué un rôle de sage-femme auprès d'eux. Toni Morrison 

Il ne s'agissait pas de me recréer une nouvelle identité, mais d'un processus pour que je devienne moi-même. Dans ma famille, les femmes étaient très déterminées et savaient ce qu'elles voulaient. J'avais le sentiment que je devais être à la hauteur. Pour forger cette vie, j'avais l'avantage d'être éduquée. Je n'avais pas le droit de m'effondrer, je devais être forte. Toni Morrison 

En savoir plus : Toni Morrison

Elle se souvient de l'accueil fait à son premier ouvrage, The Bluest Eye (L’œil plus bleu), "le simple fait pour moi d'être publiée, était une énorme surprise" raconte-t-elle. Elle y raconte l'histoire d'une jeune afro-américaine, Pecola, qui grandit à Lorain, dans l'Ohio, pendant les années qui ont suivi la Grande dépression. Elle est souvent raillée pour sa peau sombre par son entourage pour qui la beauté est synonyme de blancheur au point de développer un complexe d'infériorité et de souhaiter avoir les yeux bleus. À l'époque, la réception de l'ouvrage est assez froide : 

Ce qui rendait le contexte difficile, c'est que la mode en terme de littérature noire, était à la polémique. Toni Morrison 

Au sujet de l'assassinat de Martin Luther King, "j'ai été totalement dévastée" explique-t-elle tout en ajoutant que "l'Amérique est un pays violent et l'a toujours été".

Dans "L’œil le plus bleu", j'ai essayé de décrire le viol à travers les yeux d'une femme, pour restituer la parole de cette femme qui se fait violer. Le violeur n'arrive pas à regarder sa victime. Toni Morrison

Dans Le chant de Salomon, elle explique avoir voulu "mettre en scène l'ambivalence de ce mythe" de l'Africain qui parvient à voler. "Je n'adhère pas du tout à ce mythe qui tient l'homme noir pour l'essence même de l'irresponsabilité" affirme-t-elle.

Le mythe recèle une signification, un sens qui est porteur d'une vérité intemporelle. Toni Morrison

Rediffusion de l'émission du 14/11/2006. 

Par Clémence Boulouque. Avec la collaboration de Claire Poinsignon et Gilles Davidas.

En savoir plus : Les mots pour le dire
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