De La Brèche de Roland' au Voyage aux Pyrénées, les premiers films des frères Larrieu leur permettent d’apprivoiser l’acteur et d’autres territoires que les leurs, et de frotter leur amateurisme à des équipes techniques chevronnées. Ou comment ne pas se laisser enfermer dans le professionnalisme…
- Jean-Marie Larrieu Cinéaste
- Arnaud Larrieu cinéaste
Dans ce troisième épisode, Arnaud et Jean-Marie Larrieu racontent leur rencontre avec Mathieu Amalric, qui va être leur première « star », et se rappellent le premier plan tourné avec lui pour La Brèche de Roland, un film fondateur pour eux. Auparavant, ils avaient peur des acteurs, vus " comme ceux qui allaient leur voler le paysage ". Mais la rencontre avec Amalric s’est aussi sans doute faite car celui-ci, tout grand comédien qu’il soit, se voyait comme un acteur amateur, avec " une peur d’y aller qui ne lui faisait pas perdre ses moyens, une définition du courage. " D’autant que, le film étant tourné en haute montagne, le matériel était monté à dos d’acteur et de technicien, manière de dire que même s’ils l’aiment beaucoup, " il y a quelque chose de plus grand que le cinéma, en l’occurrence la montagne."
Mathieu Amalric s’étant révélé très physique sur ce tournage, au-delà du cliché du jeune intellectuel parisien qu’il incarnait depuis ses films avec Arnaud Desplechin, il va leur inspirer leur film suivant, Un homme, un vrai, dont le titre original était Un garçon très féminin. Avec une fille très masculine, Hélène Fillières, arrivée dans le film suite au refus de Karin Viard, pour qui le rôle avait été écrit. Ils y interrogent leurs préoccupations du moment, alors qu’ils atteignent la trentaine : les enfants, le rapport au couple, le choix entre installation et aventure. " On peut faire quelque chose de très autobiographique quand un acteur l’incarne et l’emmène ailleurs… " Avec ce paradoxe troublant : ce vrai premier long métrage raconte l’histoire de quelqu’un… qui laisse tomber le cinéma (pour devenir guide de haute montagne, spécialisé dans les coqs de bruyère). La question de l’authentique (et du kitsch !) traverse ainsi toute leur œuvre.
" On ne tourne pas un plan dont on n'a pas le désir "
Un film tourné, là encore, dans des endroits qui dépassent le cinéma, et avec pour la première fois une équipe de film très professionnelle, en premier lieu le chef opérateur Christophe Beaucarne, qui les a aidé à préserver ce temps essentiel pour eux qui consiste à chercher, parfois longtemps, le plan dont ils ont le désir, et qu’ils ne peuvent trouver qu’une fois qu’ils ont les lieux, les acteurs et les lumières, question d’inspiration. Il faut savoir résister au professionnalisme, ne pas s’y laisser enfermer.
Le film suivant, Peindre ou faire l’amour, est pourtant l’acmé de leur professionnalisation, puisqu’y arrive du gros gibier, Sabine Azéma et Daniel Auteuil. Les Larrieu les voient comme des standards de jazz, avec qui rejouer le thème du rapport fidélité/aventures. Mais si l’histoire de cette rencontre amoureuse entre deux couples était très fictive, elle était inspirée de gens qu’ils connaissaient très bien, depuis l’enfance. Une façon de garder leur socle amateur. C’est aussi leur première infidélité aux Pyrénées, puisque le film est tourné dans le Vercors, où les montagnes et les lumières ne sont pas les mêmes. Après deux mois de recherche, tout se résout quand ils trouvent la maison du film, et comprennent que c’était tout ce qui comptait. Ils découvrent alors que quelque chose circule dans tous leurs films, cette inquiétante étrangeté, l’unheimlich théorisée par Sigmund Freud : « ce qui n’appartient pas à la maison, et pourtant y demeure ». Soit l’idée d’amener ces inconnus que sont les acteurs dans des territoires qui sont familiers aux cinéastes, et qu’ils vont leur faire voir autrement par leur regard.
Sabine Azéma va leur inspirer Le Voyage aux Pyrénées, sous-titré Fantaisie pour deux comédiens célèbres, un retour dans leurs territoires familiers. André Dussollier, pressenti pour reconstituer le couple des films de Resnais, fera finalement défaut, et c’est Jean-Pierre Darroussin qu’ils emmèneront dans cette vallée pyrénéenne où la simple annonce de l’arrivée d’Azéma (qui les appelait « mes petits oursons ») suffira à faire revenir un ours qui en était absent depuis des années.
Générique
Une série d’entretiens proposée par Antoine Guillot. Réalisation : Agnès Cathou. Prise de son : Arthur Gerbault. Attachée de production : Daphné Abgrall. Coordination Sandrine Treiner.
Filmographie
Courts métrages
Court voyage, Jean-Marie Larrieu, fiction, 1987
Temps couvert, Arnaud Larrieu, documentaire, 1988
Les Baigneurs, Jean-Marie Larrieu, fiction, 1991
Ce jour-là, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, documentaire, 1992
Bernard ou les apparitions, Arnaud Larrieu, fiction, 1993
Madonna à Lourdes, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction et documentaire, 2001
La Brèche, de Roland Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2001
Les fenêtres sont ouvertes, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, documentaire, 2007
Les Comédiennes, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2007
Longs métrages
Fin d’été, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 1999
Un homme, un vrai Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2003
Peindre ou faire l’amour, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2005
Le Voyage aux Pyrénées, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2008
Les Derniers jours du monde, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2009
L’amour est un crime parfait, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2013
21 nuits avec Pattie, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2015
Tralala, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, fiction, 2021
Bibliographie
Le cinéma d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, entretiens avec Quentin Mével, Independencia Editions 2015
L'équipe
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