L’enfance normande : épisode 1/5 du podcast Alain Corbin, historien du monde sensible

Alain Corbin
Alain Corbin ©Getty - Louis MONIER
Alain Corbin ©Getty - Louis MONIER
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Né en 1936 dans le bocage normand, Alain Corbin grandit auprès d’un père médecin de campagne qui reçoit ses patients à domicile. Cette fréquentation indirecte des paysans aiguise la curiosité du futur historien dix-neuvièmiste pour l’histoire des sens, les odeurs, de la jouissance, du silence.

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Si Alain Corbin a écrit Le Miasme et la jonquille, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot, Les Cloches de la Terre, L’Harmonie des plaisirs, La Douceur de l'ombre - L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours ou encore, Une histoire du silence, c’est en grande partie parce qu’il a grandi dans le bocage normand, à Lonlay-l’Abbaye, auprès d’un père médecin de campagne qui consultait à domicile, dimanche compris. A cette époque, le médecin de campagne jouait également le rôle de pharmacien et pratiquait de petites interventions chirurgicales tant l’hôpital était loin. Si bien que le jeune Alain Corbin s’imprègne d’un paysage sonore, acquiert un savoir du corps et du patois des paysans qu’il utilisera dans ses travaux. Cette enfance explique aussi que Corbin se soit intéressé « au territorial davantage qu’au social », comme il le dit lui-même.  

Ce père, sévère, silencieux sur son passé, était mulâtre. Il est né à la Guadeloupe et il est arrivé en métropole en 1920 pour y faire des études de médecine. S’il s’installe dans l’Orne, en 1938, c’est parce que son épouse en était originaire. Selon Alain Corbin, ni son père ni la famille n’ont souffert de racisme en habitant Lonlay-l’Abbaye. L’atmosphère catholique et pieuse dans laquelle les parents élèvent leurs deux fils, ainsi que les patients paysans du père imprègnent les enfants des mœurs de la France dite « profonde ». Au moment de l’exode, le père craint que, comme en 1914, le front se stabilise, et préfère fuir la zone occupée. La famille part vers les Landes, mais elle rentre peu de temps après en Normandie. Le père lisait La Croix, admirait les grands écrivains français du XIXè siècle et ne parlait jamais de politique. Pendant la guerre, il ne dit pas un mot sur Pétain, ni en bien, ni en mal. La présence allemande au village était pourtant très sensible, d’autant plus que des soldats allemands s’étaient installés dans la maison de la famille maternelle de l’historien, dans laquelle il passait toutes ses vacances. « Sois sage, c’est la guerre », ordonnait son père à Alain Corbin, lequel a fait de cette expression le titre d’un livre sur ses souvenirs d’enfance.  

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Par Virginie Bloch-Lainé, réalisation, Massimo Bellini, prise de son, Yann Fressy.

Bibliographie

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