Le peuple : épisode 3/5 du podcast Pierre Rosanvallon

Pierre Rosanvallon au Collège de France
Pierre Rosanvallon au Collège de France - Patrick Imbert / Collège de France
Pierre Rosanvallon au Collège de France - Patrick Imbert / Collège de France
Pierre Rosanvallon au Collège de France - Patrick Imbert / Collège de France
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Focus sur la notion de peuple, qui se trouve depuis toujours au cœur du travail de Pierre Rosanvallon.

Avec
  • Pierre Rosanvallon historien, professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France

D'aucuns disent que la classe ouvrière a disparu, ou qu'elle est en enfer. Toujours est-il que le peuple constitue un objet d'études qui occupe Pierre Rosanvallon depuis le tout début de ses travaux.

Pourtant, l'historien est né dans un milieu bourgeois, à Blois, en 1948. Il ressent très vite une contradiction entre ce milieu social et l'air du temps, qui était celui des luttes et des conflits de classes. Il cherche à aller au contact du peuple, à travers diverses expériences comme son service militaire, qui le replonge dans la diversité des classes sociales, son passage à la CFDT, qui constitue des années d'apprentissage de la réalité sociale, ou encore son stage ouvrier. Pourtant, dans La République du centre (1988), il écrit avec Jacques Julliard que "Les ouvriers nous sont désormais inconnus". Il commente dans cette émission :

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Ce n'est pas simplement une question de contact perdu, c'est que la réalité sociale à ce moment-là commençait à évoluer. À la fin des années 1980, le travail industriel classique commence à décliner, notamment avec la robotisation massive des chaînes. Commence alors à émerger une transformation sociale dont on n'a pas pris conscience tout de suite.

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Mais l'historien ne s'est jamais découragé pour autant :

Le pessimiste est celui qui bougonne dans son coin et ne fait plus rien. La preuve que je ne suis pas pessimiste, c'est que j'essaie de lancer des initiatives, c'est que j'essaie de continuer à écrire des livres. Je pense qu'il y a toujours des éléments de ressources disponibles, et que ces ressources peuvent jouer un rôle dans l'histoire si des personnes se mobilisent.

C'est cet intérêt constant pour le peuple qui a poussé Pierre Rosanvallon à choisir de faire une histoire des particuliers, plutôt que des grandes personnalités :

Il faut partir de vies individuelles pour donner un sens lisible à de nouvelles formes de conditions sociales, car les conditions sociales sont définies à la fois par des choses qui sont communes, et par le fait que chacun essaie de composer avec sa condition sociale, essaie de l’améliorer, de s'en sortir, de se battre contre ce qu'elle lui impose. C'est à la fois le récit de ces éléments communs et de cette confrontation à cette condition.

Mais quelle est donc la place et le rôle de l'intellectuel, face au peuple ? Est-ce de mobiliser l'opinion publique ?

Je ne vois pas du tout le travail de l'intellectuel comme celui qui mobilise son capital de réputation pour soutenir quelque chose. Je le vois comme celui qui donne des outils, de l'intelligibilité, des moyens dont d'autres peuvent eux-mêmes se servir. Ce qui signifie que intellectuel doit sortir du monde académique et universitaire.

Par Martin Quenehen. Réalisation : Charlotte Roux. Prise de son : Benjamin Chauvin. Attachée d'émission : Claire Poinsignon. Coordination : Sandrine Treiner.