

Au centre de la vie de l'historien, intellectuel, penseur qu'est Pierre Rosanvallon, se trouve le livre.
- Pierre Rosanvallon historien, professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France
Auteur d'une vingtaine d'ouvrages où s'articulent sa triple vocation historienne, politique et sociologique, Pierre Rosanvallon est aussi éditeur et directeur de collections, mais également et avant tout un lecteur pantagruélique.
Quels récits lui ont ouvert les champs qu'il a tout au long de sa vie défrichés ?
Dans l'enfance, il n'y avait pas beaucoup de livres chez moi. Il y avait deux maigres étagères avec quelques dictionnaires, une série de livres sur la Résistance, et quelques livres sur la région du Val de Loire. Ça n'était pas vraiment une bibliothèque dans laquelle je pouvais plonger et trouver des choses - si ce n'est, caché quelque part, un dictionnaire médical qui, comme pour beaucoup de jeunes à cette époque, était un moyen de faire un apprentissage de la sexualité et de découvrir tout un ensemble de choses dont on ne parlait qu'à mi-voix à la maison. Au fond, les livres je n'ai commencé à en acheter que parce qu'il y avait un de mes oncles qui était un féru d'histoires et de romans, et qui lisait un livre par jour. C'est la personne qui m'a marqué. Et quand j'étais adolescent, c'était le moment où démarrait le livre de poche.
C'est donc surtout pendant ses études supérieures que Pierre Rosanvallon commence à lire des textes historiques ou politiques :
J'ai commencé les lectures sérieuses seulement en classe prépa. [...] C'est avec "La Démocratie en Amérique" de Tocqueville, qui était au programme, que pour la première fois je me suis confronté à une réflexion politique articulée.
C'était une époque où c'était très commun d'organiser des groupes de lecture entre amis. Moi, par exemple, avec un groupe de cinq ou six personnes, j'ai fait pendant un an la lecture du "Capital" de Marx. Une autre année, avec des amis philosophes, on avait lu Hegel, "La Phénoménologie de l'Esprit". Dès le début, j'ai compris qu'il fallait aller vers les classiques pour véritablement faire un travail de fond.
L'historien se confie ici sur ses habitudes de lecture :
Il y a dans la lecture des rythmes différents. Il y a le rythme de la lecture lente, approfondie, où on réfléchit sur la formation des concepts, où on essaie de suivre un raisonnement. Et il y a la lecture où on picore, où on pêche à la ligne, où on est un peu à la découverte.
Quand on lit beaucoup de livres, on fréquente aussi les libraires d’occasion, les brocantes... Et en fréquentant les brocantes j'ai appris énormément de choses. Par exemple, j'ai découvert qu'il y avait des petits fascicules des années 1830, toute une presse populaire dont je n'avais encore jamais vu la trace dans les livres savants. Ou on découvre dans des lots de papiers des premières photographies politiques. J'ai essayé de toujours garder cette curiosité ouverte.
Mais il détaille aussi son profil d'éditeur :
Je n'ai jamais eu une vocation d'éditeur parce que j'avais envie de faire de l'édition. Je suis devenu éditeur parce que je ne trouvais pas en librairie des livres que j'aurais aimé trouver. C'est tout simplement ça.
Il y a une dimension de politique de l'offre. La démocratie, c'est aussi la démopédie. C'est un effort collectif vers une société capable de délibérer, de discuter, de ne pas confondre ce qui doit faire l’objet de confrontations dures et de choix tranchants. [...] Je crois que c'est un rôle de l'édition, comme de la presse, que de proposer des éléments d'information, de conceptualisation, qui rendent le débat démocratique plus vivant et plus argumenté.
Par Martin Quenehen. Réalisation : Charlotte Roux. Prise de son : Loïc Duros. Attachée d'émission : Claire Poinsignon. Coordination : Sandrine Treiner.
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