

Serge Rezvani se raconte dans "A voix nue". Dans ce premier entretien, il évoque son enfance dans des pensionnats pour Russes blancs, sa passion pour la peinture dans le Paris des années 40 vécue comme une aventure fraternelle et mystique, puis la découverte de l'écriture grâce aux chansons.
- Serge Rezvani écrivain, auteur et compositeur de chansons, peintre
Arrivé en France depuis Téhéran à l'âge de un an avec une mère ne parlant que russe et qui est tombée gravement malade, il est placé dans un pensionnat quand il avait 7 ans. De cet événement traumatique, il dit qu'en quelques mois, il a perdu sa "langue russe pour ne parler que le français" rendant impossible la communication avec sa mère morte deux après. "Je me suis accroché au français" reconnaît-il, par contre il dit ne revendiquer "rien de la France". Il se sent plus d'attache envers la Russie qu'envers l'Iran où il n'est jamais retourné. Il évoque la figure "extraordinaire" de son père tout à la fois magicien, homme de théâtre et danseur. De sa mère, il dit qu'elle était "une amazone", "extravagante". Il ne regrette pas ne ne pas avoir eu de famille unie autour de lui, "j'ai eu de la chance de n'avoir ni mère, ni père, ni famille", affirme-t-il. Et c'est ainsi qu'à quinze ans, il s'est échappé de son pensionnat russe de la banlieue pour venir à Paris, dans le quartier de Montparnasse où il s'est "formé tout seul". Il a toujours voulu être peintre et il a découvert les cours de la Grande Chaumière. C'était une époque dit-il où "les peintres ne cherchaient pas à gagner de l'argent", "on croyait découvrir le nouveau monde", "c'était une autre manière de penser, c'était la guerre". Ils se sentaient comme des "découvreurs".
Toute la jeune génération on s'est retrouvé tout nu, à découvrir la peinture abstraite. On exposait à la Galerie Maeght, on était vraiment des jeunes découvreurs de quelque chose qui avait été découvert bien avant, c'était un moment très beau, très riche et assez mystique. La peinture était quelque chose de très différent de ce qu'elle est devenue aujourd'hui. On n'était pas dans l'événementiel, on était dans quelque chose de plus religieux dans le sens de quelque chose qui venait d'ailleurs, qui n'était pas lié au social, il n'y avait pas d'iconoclastie non plus.
Publicité
"Je voulais être peintre, c'était ma seule obsession, confie-t-il, c'était essentiel, je n'ai fait que ça". Il se souvient que le Louvre était vide, la culture n'était pas "exploitée" comme maintenant mais amenait à la rêverie. Installé ensuite dans le midi de la France, il s'est rendu compte qu'il avait besoin de poésie autour de lui pour s'adonner à la peinture. Il s'est mis alors à écrire, d'abord des chansons qui furent "un pont", "le chemin" pour "entrer en écriture". Il peint encore un peu mais coupé du marché de l'art qui ne lui convient pas.
Il refuse d'être catalogué dans une pratique artistique. Ce qui l'intéresse c'est la création, pas la réalisation et encore moins la réussite. Sa réussite c'est "la curiosité et la surprise". Toute sa vie a été une "quête" de ce qu'il ne sait pas de lui-même et de la vie. Il ne veut pas se répéter dans sa création, ni "produire toujours la même chose" : "Je n'ai pas envie d'être fixé", conclut-il.
Par Blandine Masson. Réalisation : Anne-Pascale Desvignes.
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation