Un burlesque contrarié : épisode 2/5 du podcast Jean-Marc Rochette, l’harmonie du chaos

Edmond le cochon
Edmond le cochon - © Jean-Marc Rochette / Cornélius
Edmond le cochon - © Jean-Marc Rochette / Cornélius
Edmond le cochon - © Jean-Marc Rochette / Cornélius
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Dans ce deuxième épisode, Jean-Marc Rochette raconte ses débuts dans la bande dessinée underground, le succès de son infréquentable "Edmond le cochon", mais aussi ses déconvenues, malgré des collaborations fructueuses avec René Pétillon et Martin Veyron.

Avec

Enfant, pour tromper l’ennui et sa solitude de fils unique, Jean-Marc Rochette est un dessinateur forcené. Il découvre alors la bande dessinée, d’abord les Tintin que sa mère lui offrait quand il devait aller chez le dentiste, puis Astérix, dont la vitalité du dessin d’Albert Uderzo est pour lui une révélation. Plus tard, ce sera la découverte dans les pages d’Actuel de l’underground américain : les Crumb, Corben et autres Gilbert Shelton, et un certain Francis Masse. Il démarre, avec difficulté, à faire de la bande dessinée, quand il apprend avec stupéfaction que ledit Francis Masse habite Grenoble, pas loin de chez lui ! Le rencontrant, il réalise qu’il est à peine plus âgé que lui, et que la bande dessinée est un métier dont on peut vivre. Il commence à collaborer à des fanzines grenoblois, Le Canard Sauvage et Zéno, dont un numéro tombe dans les mains du directeur d’Actuel, Jean-François Bizot. Ce dernier lui commande des pages pour son journal, et c’est ainsi que débute la carrière de dessinateur de Jean-Marc Rochette.

Après un voyage très décevant aux Etats-Unis, et alors qu’à 21 ans, il perd l’aide qu’il percevait en tant que pupille de la Nation suite au décès de son père pendant la guerre d’Algérie, il s’inspire de sa « scoumoune » pour inventer son premier personnage d’envergure, qui paraît dans L’Echo des Savanes : Edmond le cochon. Un personnage horrible, physiquement et moralement, prêt à tout pour s’en sortir, qui reflète son état d’esprit de l’époque. N’ayant aucune confiance dans son écriture, souffrant de dyslexie, il propose à l’auteur de bande dessinée Martin Veyron de s’associer à lui pour le scénario. Et ce personnage « à mi-chemin du punk et de l’underground rencontre immédiatement son public », à tel point que de nombreux cochons seront baptisés Edmond en son honneur.

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Le sens du burlesque

Avec Napoléon & Bonaparte, seul, puis avec René Pétillon et son incroyable sens du gag dans la série des Louis et Dico à la conquête du monde, Jean-Marc Rochette entreprend une exploration drolatique de la folie, avant de retrouver Martin Veyron pour conter dans Cour royale les aventures d’un perruquier à la cour de Louis XIV, un de ses meilleurs livres à son sens, mais sans doute celui qui a le moins bien marché. Il développe dans tous ces livres un trait humoristique qui lui est devenu une seconde nature, à regarder le découpage de ses albums les plus réalistes. Rochette se voit ainsi comme un « burlesque contrarié », tant cette partie de son travail n’a jamais marché auprès du public, contrairement à la série des Transperceneige, beaucoup plus réaliste dans le traitement. Et puis, par souci de ne pas se répéter, de ne pas se reposer comme d’autres dessinateurs toute une vie sur les mêmes personnages, il avoue aussi une tendance « à se saborder, plus ou moins inconsciemment », comme avec Requiem blanc, « un livre qui ne pouvait pas marcher », dans lequel il cassait tout pour repartir à zéro. Ce qui lui vaudra quelques traversées du désert, à force de ne pas être identifiable. « Je pense que j’ai une logique, dit-il, mais elle est un peu tordue… »

Générique

Une série d’entretiens proposée par Antoine Guillot. Réalisation : Benjamin Hû. Prise de son : Virginie Lorda. Chargée de programmes : Daphné Abgrall. Coordination : Florian Delorme.

Bibliographie

Le Transperceneige, scénario de Jacques Lob, Casterman 1984

Requiem blanc, scénario Benjamin Legrand, Casterman 1987

Napoléon et Bonaparte, Casterman 2000

La Traversée, scénario de Benjamin Legrand, Casterman 2000

Louis et Dico à la conquête du monde, scénario René Petillon, 3 volumes, Dargaud 2002-2006

Cour royale, scénario Martin Veyron, Albin Michel 2005

Edmond le cochon, scénario Martin Veyron 1980-1993, intégrale en deux tomes parus aux éditions Cornélius 2003-2010

Histoires du Transperceneige, textes de Nicolas Finet, Casterman 2013

Transperceneige, l’intégrale en trois tomes, Casterman, 2014

Terminus, scénario d'Olivier Bocquet, Casterman 2015

Ailefroide: altitude 3954, co-scénarisé avec Olivier Bocquet, Casterman 2018

Transperceneige – Extinctions (intégrale) co-scénarisé avec Matz, 2 volumes, Casterman 2019-2020

Le Loup, Casterman 2019

Vertiges, éditions Daniel Maghen 2019

Manifeste pour peindre le bleu du ciel, entretiens avec Fabrice Gabriel, Guérin éditions Paulsen, 2020

Bestiaire des Alpes, Éditions Les Étages 2021

La Dernière Reine, Casterman 2022