Un juif d’Afrique du Nord : épisode • 1/5 du podcast Benjamin Stora, voyage au bout de l’Algérie...

La famille Zaoui en 1938 à Constantine
La famille Zaoui en 1938 à Constantine - © Archives privées Benjamin Stora
La famille Zaoui en 1938 à Constantine - © Archives privées Benjamin Stora
La famille Zaoui en 1938 à Constantine - © Archives privées Benjamin Stora
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Il s’appelait Elie Stora et elle, Marthe Zaoui. Il venait de Constantine et elle des Aurès. Ils se sont aimés, mariés et de cette union est née une fille puis un fils 6 ans après, le 2 décembre 1950, Benjamin, un petit Juif d’Afrique du Nord.

Avec
  • Benjamin Stora Historien, auteur du rapport public "Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie" commandé en juillet 2020 par le président de la République

Elie Stora était vendeur de semoule tandis que Marthe Zaoui, elle, travaillait dans la bijouterie familiale. Une bijouterie d’artistes connus dans toute l’Algérie. Deux familles juives présentent sur cette terre depuis près de 2 000 ans, respectables et respectées dans lesquelles on parlait un peu le français mais surtout l’arabe tandis qu’on priait en hébreu au rythme du calendriers des fêtes religieuses. 

Lorsque les Français arrivent les Juifs vivent avec les Musulmans depuis 13 siècles donc il y a une forme de syncrétisme dans la pratique religieuse, dans la pratique culinaire et dans la langue généralisée de la langue arabe.

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Et si depuis le décret Crémieux de 1870, les Juifs étaient devenus plus français que les Musulmans, chez les Stora-Zaoui on est toujours restés fidèles aux vielles amitiés et aux coutumes que les deux communautés n’ont cessé de partager. Une proximité sans doute étouffante pour les femmes dans cette société peu encline à la modernité et tournée vers les traditions.

On croit que les Juifs d'Algérie sont tous devenus en même temps et instantanément français en une nuit en 1870. Et bien non, il y a des juifs d'Algérie qui avaient opté pour la citoyenneté, la nationalité française et c'est le cas de la famille Stora d'Alger (la famille de mon père) qui a opté très tôt pour la nationalité française avant le décret Crémieux par un sénatus-consulte en 1865.

Benjamin et Rina Zaoui, les grands parents de Benjamin Stora (1905)
Benjamin et Rina Zaoui, les grands parents de Benjamin Stora (1905)
- Archives privées © Benjamin Stora

Puis il y a eu Vichy et l’institutionnalisation de la haine des Juifs avec son lot de conséquences sur la communauté et la famille Stora-Zaoui qui se retrouve ruinée du jour au lendemain. 

L'antisémitisme des européens est très virulent dans les années 30-40 en Algérie. (...) 

Heureusement qu'il y eu le débarquement anglo-américain de novembre 42 car ça se rapprochait quand même. Les Juifs d'Algérie avaient bien conscience que le coup n'était pas passé loin pour eux, surtout quand les récits ont commencé à arriver. Il y a avait cette grande peur d'avoir échappé à cette grande catastrophe, et c'est ce qui a expliqué aussi dans les années 45, 48, 50, qu'une fraction de la jeunesse juive de Constantine s'est dirigée vers le communisme et une autre fraction est allée vers le sionisme. L'immense majorité de la communauté juive telle que moi je l'ai vécu, était très attachée à la France mais ces deux options minoritaires existaient.

Puis la Libération. La douceur de vivre méditerranéenne très communautaire a repris ses droits jusqu’à la Toussaint Rouge qui marque le début d’un bouleversement qui va toucher toutes les familles de cette Algérie encore française et bientôt, toutes les familles de Métropole.

Une série d'entretiens produite par Alain Lewkowicz, réalisée par Delphine Lemer. Prise de son : Benjamin Perru. Attachée de production : Daphné Abgrall. Coordination : Sandrine Treiner.

Pour aller plus loin

Publications, articles sur le site de Benjamin Stora

Les clés retrouvées Une enfance juive à Constantine (Ed. Flammarion, collection Champs, 2016).

Les trois exils, Juifs d’Algérie (Ed. Stock, 2006).

Bibliographie sélective 

  • France-Algérie, les passions douloureuses (Albin Michel, 2021).
  • Penser les frontières. Régis Debray et Benjamin Stora avec Alexis Lacroix (Ed. Bayard, 2021).
  • Une mémoire algérienne (Ed. Robert Laffont, 2020).
  • Retours d'Histoire - L'Algérie après Bouteflika (Ed. Bayard, 2020).
  • Juifs, musulmans : chronique d'une rupture (Ed. L'Esprit du temps, 2018).
  • Les mémoires dangereuses : de l'Algérie coloniale à la France d'aujourd'hui - Le transfert d'une mémoire : de l'Algérie française au racisme anti-arabe. Benjamin Stora, avec Alexis Jenni (Ed. Albin Michel, 2015).
  • Les guerres sans fin (Ed Stock, 2008).
  • Messali Hadj (Ed Le Sycomore, 1982, Hachette, 2004).
  • Imaginaires de guerre (Ed La Découverte, 1997, poche, 2004).
  • La dernière génération d’octobre (Ed. Stock,2003).
  • Le transfert d’une mémoire (La Découverte, 1999).
  • Appelés en guerre d’Algérie (Gallimard, 1997).
  • Ferhat Abbas de Benjamin Stora et Zakia Daoud (Denoël, 1994, , Ed Casbah, Alger, 1998).
  • Thèse d’Etat de Benjamin Stora, en 1991 à l’université Paris –Créteil publiée sous le titre Les Algériens en France. Une histoire politique. 1922-1962 (Ed Hachette, poche, 2008).
  • Dictionnaire des livres de la guerre d’Algérie (Ed L’Harmattan, 1995).
  • La gangrène et l’oubli (Ed La Découverte, 1991, poche, 2004).

Documentaires

Algérie, notre histoire de Benjamin Stora et Jean-Michel Meurice, ARTE, (2012).

Guerre d'Algérie : la déchirure 1954 -1962 de Benjamin Stora et Gabriel Le Bomin Nilaya productions (2012).

L’indépendance aux deux visages de Benjamin Stora et Jean-Michel Meurice, La 5, (2002).

Les années algériennes de Benjamin Stora, Philippe Alfonsi, Bernard Favre et Patrick Pesnot. Coproduction : Ina/France 2 - Nouvel Observateur (1991).
 

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