A l'occasion de la 7ème édition du Festival international de films sur la musique FAME, le compositeur et producteur Bertrand Burgalat revient au micro de Marie Sorbier sur les différentes manières de porter la musique à l'écran.
- Bertrand Burgalat Producteur, musicien, compositeur et programmateur musical
La septième édition du Festival international de film sur la musique FAM, organisé par la Gaîté Lyrique, se déroulera exclusivement en ligne du 18 au 25 février 2021. Au programme, de nombreux films en exclusivité française et mondiale, ainsi qu'une compétition de documentaires musicaux. L'occasion de revenir sur une question inhérente à la rencontre du 7ème art et de la musique : comment peut-on filmer la musique ? Réponses et réflexions au micro de Marie Sorbier avec le compositeur et producteur Bertrand Burgalat.
Filmer la musique
Qu'un réalisateur appose, ou impose, des images sur une musique, voilà un geste qui peut être perçu comme intrusif. De la même manière que lorsqu'un roman est adapté au cinéma, les lecteurs peuvent être en désaccord avec le casting choisi pour représenter les personnages de l'intrigue. Comment alors ne pas violenter les représentations du public lorsqu'on filme la musique ?
D'ordinaire, estime Bertrand Burgalat, ce sont les cinéastes qui se demandent si la musique va dénaturer ou non les images et leur propos. A l'inverse, se questionner sur la pertinence des images par rapport au son, c'est l'enjeu même de la fabrication d'un clip musical. Dans ce cas-là, un écueil fréquent est d'illustrer et de souligner les propos de la musique avec trop d'insistance, réduisant l'utilité des images à de la redondance.
Une autre manière de filmer la musique est de la filmer à mesure qu'elle se fait (aussi bien sur scène qu'en studio d'enregistrement). Plus facile à dire qu'à faire. Certains cinéastes sont devenus maîtres dans cette pratique particulière, comme François Reichenbach ou avant lui Jérôme Laperrousaz, capable de rendre avec grande fluidité ce qu'est le travail musical en studio.
Jérôme Laperrousaz donne l'impression que tout est préparé parce qu'il anticipait beaucoup les plans qu'il allait filmer. Et ce avec des moyens beaucoup moins importants que ceux qui existent aujourd'hui.
Bertrand Burgalat
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Cependant, de grands noms du cinéma comme Jean-Luc Godard sont passés, selon Bertrand Burgalat, à côté du sujet. Le réalisateur de la Nouvelle Vague est en effet l'auteur d'un film de 1968 intitulé 1 plus 1 ou Sympathy for the Devil : quelques caméras posées dans le studio où les Rolling Stones enregistrèrent un de leur morceaux légendaires_, Sympathy for the Devil_.
Même si j'adore ce que Godard a pu apporter au son dans son propre domaine, notamment en ne synchronisant pas le son et les images dans son premier film, 1 plus 1 est un ratage total : il manque complètement le moment où le morceau Sympathy for the Devil bascule, le déclic où la rythmique a changé. Bien souvent, le moment le plus intéressant est justement celui qui n'est pas filmé.
Bertrand Burgalat
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Une des difficultés et un des intérêts propres à filmer la musique est que l'intrigue est une intrigue comme une autre. Et ça n'a rien à voir avec la notoriété des protagonistes.
Bertrand Burgalat
A titre d'exemples de films musicaux ayant rencontré un fort retentissement, Bertrand Burgalat cite Searching for Sugar Man (documentaire partant à la trace du chanteur Sixto Rodriguez, alors encore très méconnu) et Dig! (documentaire sur les groupes de rock The Dandy Warhols et The Brian Jonestown Massacre, et la rivalité de leurs leaders).
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Beaucoup d'émissions musicales à la télévision sont obsédées par la notoriété des artistes, alors que ce n'est pas à ça que tient une bonne audience. La narration de la musique est différente, la célébrité du sujet ne garantit pas du tout l'intérêt du résultat.
Bertrand Burgalat
Le film documentaire Metallica: Some Kind of Monster, quant à lui, doit son intérêt à son aspect imprévisible. L'idée de départ était de réaliser le making-off de l'enregistrement d'un album du groupe de métal, sans savoir que cette entreprise allait se passer de manière catastrophique. Metallica mis trois ans à finaliser cet enregistrement, et un psychanalyste avait été mis à disposition de chaque membre du groupe... En résulte une aventure particulièrement amusante, bien que complètement à l'insu du groupe lui-même.
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La possibilité de saisir de telles images renvoie au rôle des cinéastes, qui doivent savoir se faire discrets pour laisser la musique et ses interprètes passer au premier plan. Mais ce n'est pas toujours le cas, se remémore Bertrand Burgalat :
Je me souviens d'un inévitable making-off pendant un enregistrement, un jour où il y avait des violonistes dans le studio. Au lieu de les filmer, l'équipe de télévision filmait les hauts-parleurs dont émanait le son des violons... C'est vraiment le doigt qui montre la lune.
Bertrand Burgalat
Bien filmer la musique, ce serait être capable de la faire entendre au public par les yeux ? Pour Bertrand Burgalat, le succès des émissions culinaires à la télévision suffit à prouver que filmer des activités sans qu'elles soient accessibles aux sens qu'elles sollicitent peut toutefois être intéressant.
On nous explique que filmer la musique n'intéresse pas. Mais c'est parce qu'on a tendance à voir le film musical comme moyen de promotion, et c'est la faute des maisons de disque. Ces émissions de promotion où l'on retrouve toujours les mêmes poncifs ont fini par nous persuader que filmer la musique n'avait pas d'intérêt. Alors qu'il y a tant de façons passionnantes de la filmer.
Bertrand Burgalat
Un dialogue entre cinéaste et compositeur
Filmer ceux qui font la musique demande au cinéaste un difficile effacement. En revanche, dans un film plus typique, dont le sujet est autre que la création musicale, c'est la musique qui doit être au service de l'image. C'est un enjeu fondamental du travail de réalisation : avoir une vision globale des éléments qui font un film et savoir la partager avec les différents collaborateurs, y compris ceux en charge de la musique. Reste que certains cinéastes (de renom) refusent de s'encombrer de telles délibérations.
Kubrick a utilisé de manière géniale la musique existante parce qu'il ne voulait pas être contrôlé par le musicien. Il était trop paranoïaque pour ça. De même, Sergio Leone demandait à Enio Morriconne de composer la musique avant que le film soit tourné, afin d'être certain d'avoir exactement ce qu'il voulait.
Bertrand Burgalat
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Si utiliser la musique existante est une option valable, un écueil fréquent est celui d'en faire un usage systématique, qui rend, selon Bertrand Burgalat, les films trop prévisibles.
La musique doit être au service du film, et c'est ce qui en fait l'intérêt par rapport à la fabrication d'un album. Certains compositeurs de musique de film n'avaient pas seulement une grande sensibilité et de la maîtrise technique, mais une intelligence du film, une capacité à dialoguer avec les réalisateurs. Et il en va de même pour les réalisateurs : s'ils ne savent pas dialoguer avec leurs musiciens, il ne sait probablement pas dialoguer avec ses acteurs.
Bertrand Burgalat
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