A l'occasion de la journée spéciale "Avoir 20 ans en 2021" sur les antennes de Radio France, Affaire en cours donne la parole à la romancière Fatima Daas, qui exprime son ressenti en tant que jeune autrice issue d'une génération plongée dans l'incertitude.
- Fatima Daas Romancière
Avoir 20 ans en 2021 : tel est le thème de la journée de soutien à la jeunesse sur les différentes antennes de Radio France. Pour cette occasion, l'autrice de 26 ans Fatima Daas, dont le premier roman La petite dernière a paru en septembre 2020 aux éditions Noir sur Blanc, exprime au micro de Marie Sorbier sa vision de la création comme une manière d'aborder un présent et un avenir incertains.
S'il est indéniable pour Fatima Daas qu'écrire lui fait du bien, il n'en suit pas nécessairement que la création est facile d'accès. Notamment car un jeune artiste en devenir fait souvent face à un sentiment d'illégitimité.
Il ne suffit pas de vouloir. Mais dans mon expérience, l'écriture m'a libérée. J'ai senti que ma parole pouvait avoir de l'impact, de l'importance, et qu'on écoutait ce que j'avais à dire.
Fatima Daas
Ce sentiment d'illégitimité n'a pas particulièrement à voir avec le fait même d'écrire, car pour Fatima Daas, cet acte d'expression et de création s'est imposé comme une évidence dès l'adolescence. Il s'agit plutôt d'un ressenti qui suit la publication de son premier roman, dont la parution fait de son autrice la représentante de communautés différentes sans que cela ait été son intention.
Publier mon premier roman à 25 ans et devenir tout à coup un porte-parole, ça a été très difficile pour moi. Le sentiment de devoir représenter plusieurs communautés, de devoir à chaque fois m'expliquer, me justifier, et donc d'avoir une responsabilité qui parfois me dépasse. En étant jeune, on a l'impression de ne pas avoir suffisamment d'outils pour faire face à tout cela.
Fatima Daas
A un certain moment, on a besoin de se définir. C'est ce que raconte mon roman : l'envie de dire qui l'on est, de trouver sa place, de crier ses multiples identités. Fatima Daas
Publier ce roman et pouvoir me dire autrice sont des choses qui me font du bien, non seulement car c'est un rêve d'enfance, mais surtout pour le fait d'avoir terminé cette histoire, en ayant joué à travers l'écriture avec la fiction et l'autobiographie. Le fait de pouvoir me dire qu'à 25 ans, j'ai réalisé un rêve. Fatima Daas
Suite à sa publication, le roman La petite dernière a rencontré un public hétéroclite, formés de communautés de tout âge. L'autrice a rencontré plusieurs lecteurs et lectrices, aussi bien des adolescentes que des femmes plus âgées, et dit avoir reçu leurs témoignages personnels comme de véritables cadeaux.
C'est comme si en ayant écrit cette histoire, d'autres histoires étaient en train de s'écrire par la suite. Comme si cela avait libéré certaines personnes, alors que je n'avais pas la prétention de pouvoir libérer des paroles. Beaucoup de gens venaient me livrer leur propre histoire. C'est aussi ça, écrire : un partage.
Fatima Daas
Au sein de sa propre génération, Fatima Daas perçoit la sensibilité accrue des uns et des autres à des problématiques telles que les questions de genre ou la défense des droits des femmes. Une génération qu'elle dit dans l'urgence de crier ses revendications, et de faire comprendre à leurs aînés le sens de ce qui leur est cher. Une génération dont la sensibilité, tout autant qu'elle est vectrice d'enseignements importants pour les "adultes", peut aussi être la source de grandes souffrances.
Il y a énormément de souffrance, et c'est d'elle dont vient l'urgence de sortir du silence. La jeunesse n'a plus le temps de contenir. Sur les réseaux sociaux, on voit par exemple des textes incroyables de revendications adressées au président. C'est porteur d'espoir, c'est très émouvant, et ce n'est que le début du mouvement.
Fatima Daas
La parole de la jeunesse, bien qu'elle souhaite se faire entendre avec urgence, fait souvent face à des difficultés pour être exprimée. Fatima Daas se remémore à ce titre ses années de lycéenne à Clichy-sous-Bois, à l'époque où différents médias venaient interroger les élèves de manière récurrente.
Les questions qu'on nous posait ne permettaient pas une parole libre, elles constituaient déjà une manière de nous amener quelque part. On nous donnait la parole pour nous la reprendre. On grandit avec l'idée que notre parole est étouffée, avec ce sentiment d'être piégé, et donc on ne croit plus à ce système qui dit nous donner la parole. C'est très important d'avoir un espace et un temps de parole véritablement sincère.
Fatima Daas
Cet espace et ce temps libres ne sont autres que l'écriture pour Fatima Daas. Donnant naissance dans son roman à un personnage complexe, paradoxal, né en France, ayant grandi en banlieue parisienne, d'origine algérienne, petite dernière de sa famille, lesbienne et musulmane pratiquante, l'autrice a pu faire exister ces contradictions.
C'est par la création qu'on fait exister des possibles, qu'on casse les portes, qu'on ouvre les fenêtres, qu'on prend l'air, qu'on respire à nouveau, qu'on reprend espoir. C'est peut-être une vision naïve, mais dans mon cas, rencontrer des oeuvres qui m'ont touchée et m'ont donné envie d'écrire m'a particulièrement aidée.
Fatima Daas
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