Garder trace des musiques du monde avant qu’elles ne disparaissent

Nathalie Natiembe interprète la Maloya sur la scène du festival de musique Rio Loco, le 18 juin 2011 à Toulouse, dans le sud de la France.
Nathalie Natiembe interprète la Maloya sur la scène du festival de musique Rio Loco, le 18 juin 2011 à Toulouse, dans le sud de la France. ©AFP - REMY GABALDA
Nathalie Natiembe interprète la Maloya sur la scène du festival de musique Rio Loco, le 18 juin 2011 à Toulouse, dans le sud de la France. ©AFP - REMY GABALDA
Nathalie Natiembe interprète la Maloya sur la scène du festival de musique Rio Loco, le 18 juin 2011 à Toulouse, dans le sud de la France. ©AFP - REMY GABALDA
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Les ethnomusicologues collectent les musiques du monde dans les endroits les plus reculés de la planète. Alain Courbis, ancien directeur du Pôle Régional des Musiques Actuelles de l'Océan Indien nous raconte l'importance de ces enregistrements.

Avec
  • Alain Courbis Ancien directeur du Pôle Régional des Musiques Actuelles de l'Océan Indien

Pourquoi collecter les musiques du monde ?

Alain Courbis, ancien directeur du Pôle Régional des Musiques Actuelles de l'Océan Indien, mène depuis des années un travail de collectage de musiques de l’océan Indien. Une mission sur le patrimoine musical de cet océan qui repose sur un travail de rééditions de vieux enregistrements vinyles, disparus ou tombés dans l’oubli au profit des CD ou des cassettes. Selon Alain Courbis, il y a une véritable urgence à rééditer les œuvres d’artistes oubliés et qui ont néanmoins, marqué l’Histoire de l’océan Indien. D’autre part, c’est aussi un travail de terrain puisqu'il s’agit d’enregistrer de la musique avec des personnes qui ne sont pas forcément musiciennes et dont l’activité principale peut être l’agriculture ou la pêche ; des pratiques traditionnelles qui risquent d’être menacées avec le développement des sociétés aux prises avec la mondialisation et la consommation.

On a entrepris ce travail pour garder des traces, des objets de mémoire avec les rares ethnomusicologues que l'on connaît dans cette région, dans les îles du Sud-Ouest comme la Réunion, l’Île Maurice, Madagascar, les Seychelles, les Comores et Mayotte ; ainsi que Rodrigues, une petite île aux traditions spécifiques, qui appartient à l'Île Maurice. 

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Le rayonnement des musiques de l'Océan Indien

Ce travail de collectage de musiques de l’Océan Indien repose non seulement sur la publication d'ouvrages, mais sur l’ambition de faire connaître ces musiques au plus grand nombre. Surpris de constater l’engouement du public, Alain Courbis et son équipe sont passés par des distributeurs locaux puis nationaux. Les disques ont été distribués, par la suite, dans d’autres pays francophones.

On a été surpris de l'accueil de la presse nationale et internationale qui a beaucoup parlé de ces travaux. Surpris car ces musiques de l'Océan Indien étaient, en tout cas à l'époque, très mal connues. Elles le sont peut-être un petit  plus maintenant, mais pas beaucoup. 

Ce collectage a permis de faire découvrir tout un volet de culture musicale à des amateurs de musique du monde. Alain Peters est l’un des artistes qu’Alain Courbis a fait redécouvrir en 1998. Ainsi l’œuvre d'Alain Peters continue à vivre ; depuis sa sortie, 1000 disques ont été vendus par an et il est source d'inspiration pour les artistes actuels et émergents. 

Je ne l'avais pas mesuré au départ en sortant cet album mais tous les gens qui découvraient Alain Peters, le faisaient découvrir à d'autres, à tel point que c'est devenu une grande source d'inspiration pour beaucoup d'artistes actuels, y compris des jeunes qui ne l'ont jamais connu. Aujourd’hui ils se revendiquent de cette influence, y compris des artistes dans le monde entier, comme une chanteuse brésilienne qui a repris Alain Peters, mais aussi des musiciens africains, ou encore des musiciens de l'Orchestre national de jazz.

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Que veut dire "musique du monde" ?

"Musique du monde" est un terme souvent employé dans le jargon musical mais que signifie-t-il réellement ? Selon Alain Courbis, il renvoie à l’ethnomusicologie. À partir du XXIe siècle, de grands ethnomusicologues ont travaillé sur cette pratique du collectage. Ce terme s’est démocratisé à partir des années 80 en France avec l’apport important de musiques africaines telles que le groupe Touré Kunda et les artistes comme Mory Kanté et Salif Keita qui ont influencé la France et d'autres pays. 

La France a été une plaque tournante de ces musiques et je pense que c'est à partir de ce moment qu'on a cherché un terme pour les qualifier car elles ne pouvaient pas se classer dans le rock, ni dans le jazz, le blues, ni dans la chanson. Par ailleurs, le terme "musique du monde" a été galvaudé, cela peut aller de la tradition la plus "roots" à des choses complètement métissées. Aujourd'hui, on parle de world jazz, world rock, voire de world rap ; même les musiques occidentales ont été gangrénées par ces musiques du monde.  

La mission du label Takamba – RFI Musique - label d'Alain Courbis