Hommage à Jean-Pierre Vincent

Jean-Pierre Vincent, lors des répétitions de sa création "Iphigénie en Tauride" au Théâtre National de Strasbourg, en 2016.
Jean-Pierre Vincent, lors des répétitions de sa création "Iphigénie en Tauride" au Théâtre National de Strasbourg, en 2016. - JL Fernandez
Jean-Pierre Vincent, lors des répétitions de sa création "Iphigénie en Tauride" au Théâtre National de Strasbourg, en 2016. - JL Fernandez
Jean-Pierre Vincent, lors des répétitions de sa création "Iphigénie en Tauride" au Théâtre National de Strasbourg, en 2016. - JL Fernandez
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Suite au décès du metteur en scène et directeur de théâtre Jean-Pierre Vincent jeudi 5 novembre, nous lui rendons hommage avec Stanislas Nordey, metteur en scène et actuel directeur du Théâtre National de Strasbourg.

Avec
  • Stanislas Nordey Comédien et metteur en scène français, directeur du Théâtre National de Strasbourg (TNS)

Le  metteur en scène de théâtre Jean-Pierre Vincent est mort dans la nuit du 4 au 5 novembre 2020 à l’âge de 78 ans, a annoncé son entourage. Il aura, entre autres, été le compagnon de route de Patrice Chéreau au début de sa carrière, mais aussi dirigé le Théâtre National de Strasbourg et la Comédie-Française.

Pour lui rendre hommage, l'actuel directeur du Théâtre National de Strasbourg et metteur en scène Stanislas Nordey est au micro de Marie Sorbier. 

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Le théâtre de Jean-Pierre Vincent est un théâtre profond et joyeux, ou plutôt, d'une joie profonde. C'est une foi absolue dans la littérature, dans le théâtre, dans les acteurs, dans le théâtre public particulièrement. Parmi tous les metteurs en scène de sa génération, il n'a jamais travaillé dans le privé. Le concept du théâtre public était une chose très importante pour lui.        
Stanislas Nordey

Ce qui résume le mieux pour moi Jean-Pierre Vincent, c'est l'art de la transmission. C'était un grand pédagogue qui a passé sa vie à transmettre.        
Stanislas Nordey

"Il a fait du TNS un lieu d'expérimentation incroyable"

Jean-Pierre Vincent a dirigé le Théâtre National de Strasbourg de 1975 à 1983, et Stanislas Nordey en est l'actuel directeur. Quel héritage y a-t-il laissé ?

Il a atomisé et dynamisé quelque chose quand il est venu ici. Avec des philosophes, des peintres, des acteurs, des metteurs en scène, il aimait avoir des gens qui lui portaient la contradiction. Il avait besoin d'être sans cesse dans un partage actif de l'idée. Il ne voulait pas le confort, mais la recherche et la curiosité. Il a fait du Théâtre National de Strasbourg un lieu d'expérimentation incroyable quand il l'a dirigé. Il ne s'arrêtait jamais de chercher, d'inventer. Stanislas Nordey

"Un amour inconsidéré des acteurs" et des textes

Il était notamment très à la pointe sur les auteurs contemporains. La première chose qu'il a fait en entrant à la Comédie-Française était de monter Félicité de Jean Audureau, un geste très fort qui ne lui a pas valu que des amis. Stanislas Nordey

Il avait un amour inconsidéré des acteurs. Il était ce qu'on appelle un vrai directeur d'acteurs : quelqu'un qui s'occupe d'abord de l'intelligibilité de la fable, de la présence des acteurs, avant de s'occuper de l'esthétique du spectacle. Contrairement à d'autres metteurs en scène de sa génération, il n'a jamais cherché à imposer une esthétique. Il était là aussi en recherche constante. Un spectacle de Chéreau ou de Mychkine, on le reconnaît tout de suite. Un spectacle de Jean-Pierre Vincent, on reconnaît peut-être en écoutant la clarté de la langue et de l'énonciation. Stanislas Nordey

Les Nuits de France Culture
8 min

Aux yeux du metteur en scène Stanislas Nordey, "un des plus grands spectacles" de Jean-Pierre Vincent était On ne badine pas avec l'amour, texte d'Alfred de Musset interprété sur scène par Emmanuelle Béart et Pascal Rambert, au Théâtre des Amandiers, à Nanterre en 1993. 

C'était un spectacle flamboyant, magnifique de jeunesse, de précision, de beauté. Jean-Pierre Vincent avait la force de faire à la fois des mise en scène extrêmement pointues de textes contemporains et de magnifier les classiques.      
Stanislas Nordey

Les Matins

Jean-Pierre Vincent est autant salué par l'ancienne génération, ceux avec qui il commença sa carrière, que par de très jeunes acteurs. 

Il n'a jamais arrêté de transmettre, ni d'aller au théâtre pour voir ses anciens élèves. Il allait énormément au théâtre, et avec beaucoup de bienveillance. On savait qu'il allait avoir les quelques mots pour faire progresser, c'est la marque des grands pédagogues. Une des choses qu'il préférait était de voir tous les spectacles à Avignon. Il a vécu et mangé théâtre, avec une ligne de carrière parfaite.      
Stanislas Nordey

Il ne s'est jamais désintéressé de quoi que ce sit. Il était une conscience du théâtre pour toute le monde. Quand il y avait des problèmes avec le ministère, il était toujours là, juste, jamais dans l'outrance, mais en même temps, avec une fermeté. Il va nous manquer. Stanislas Nordey

Peut-on dire de Jean-Pierre Vincent qu'il était un artiste engagé ?

Engagé, oui, mais partout. Politiquement, bien sûr, il a fait les premiers spectacles qui parlaient de l'époque de Vichy. Il a aussi monté la pièce de Fatima Galey à l'époque où personne n'aurait monté la pièce d'une jeune femme algérienne. Il était engagé jusqu'au fond de l'âme, à tous les endroits de sa vie publique et privée. Stanislas Nordey