Jack Ralite, un poète en politique

Jack Ralite
Jack Ralite ©Corbis - Crédits : Antoine Gyori
Jack Ralite ©Corbis - Crédits : Antoine Gyori
Jack Ralite ©Corbis - Crédits : Antoine Gyori
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Les éditions Le Clos Jouve ont publié un ensemble de témoignages sur l’héritage de Jack Ralite, infatigable défenseur de la culture. Laurent Fleury, professeur des universités, sociologue de l’art et de la culture, revient sur cette personnalité éprise des artistes et engagée au cœur de la création.

Avec
  • Marie Sorbier Rédactrice en chef de I/O et productrice de la chronique "Le Grand Tour" sur France Culture
  • Laurent Fleury Professeur des universités en sociologie à l'Université de Paris 7 - Denis Diderot

Jack Ralite, infatigable spectateur

Jack Ralite est une personnalité hors norme, de très haute envergure, un poète en politique selon Laurent Fleury. C’est une alliance entre l’homme politique et l’homme de culture.  C'est aussi un homme politique puisqu’il a été maire d’Aubervilliers, député, rapporteur sur le budget du cinéma durant sept ans, ministre de la santé, ministre de l’emploi, sénateur. Il a eu plus de cinquante ans de vie politique puisqu’il est entré en politique en 1959.

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D’autre part, Jack Ralite est un homme de culture, infatigable spectateur qui était sans relâche au théâtre tous les soirs. C’est un ami des artistes et dans tous les domaines. Il a créé avec Gabriel Garran, le Théâtre de la Commune à Aubervilliers ; il a consacré le livre « Complicité » à Jean Vilar, fondateur du Festival d'Avignon, puis directeur du Théâtre National Populaire, et à Antoine Vitez, qui prolongeait le projet de théâtre populaire de Vilar, un théâtre élitaire pour tous. Parmi ses amis écrivains, il y a également Louis Aragon, Elsa Triolet, Julien Gracq, qu'il qualifiait d’écrivains des hauteurs. Par ailleurs, Jack Ralite a été très impliqué politiquement par sa présence et son écoute absolu tant au niveau local, national et international. D'un point de vue local, Jack Ralite était très présent et faisait ses permanences Place de la Mairie d'Aubervilliers de six heures à huit heures du matin pour recevoir les habitants d’Aubervilliers. Au niveau national en tant que Ministre de la Santé, Pierre Mauroy le qualifiait de Premier ministre de la France dans le cœur des français parce qu’il avait fait un tour de France pour interviewer les lainières de Roubaix, les ouvriers de la sidérurgie, pour essayer de comprendre la question de la santé au travail. 

François Mitterrand, dans l'avion qui le ramenait du Festival d'Avignon en juillet 81, avait dit à Jack Ralite, le voyant lire Saint-John Perse et ayant vu combien les artistes du théâtre public et du théâtre privé l’acclamaient et l’embrassaient, "J'aurais pu vous nommer Ministre de la Culture ". Jack Lang, qui était le ministre de la Culture de François Mitterrand, avait dit sur les antennes de Radio France, le lendemain du décès de Jack Ralite, qu’il aurait été un immense Ministre de la Culture.

Une transformation du paysage culturel français

Les Etats généraux ont modifié le paysage culturel français : une portée politique, symbolique et philosophique. Le contexte est celui des années 1980, du tournant néolibéral en Europe et dans le monde avec des figures emblématiques de l'époque telles que Margaret Thatcher, avec le fameux TINA "There is no alternative" ; mais il y a aussi la cohabitation et l'État RPR en 1986-88. De plus, en 1986-87 le ministre de la Culture et de la Communication, François Léotard, engage toute une série de réformes de l'audiovisuel avec la privatisation TF1, l'arrivée de la 5 de Berlusconi, M6. Il y a donc une insurrection, un sursaut éthique de scénaristes, de réalisateurs, de tout l'audiovisuel public par rapport aux menaces que cela va avoir comme l'introduction de la publicité qui interrompt les films. En outre, la question du coût se pose avec la spécificité et la fragilité de la création artistique.  

Jack Ralite évoquait l'idée que depuis le Zénith en 1987, qui avait réuni plus de six mille artistes autour de lui, que "la conviction qu'un peuple qui abandonne son imaginaire à l'affairisme se condamne à des libertés précaires. C'est un sursaut éthique contre la marchandisation de la culture et de l'art et contre l'étatisme. C'est une force qui veut construire en mettant à jour une responsabilité publique, sociale, nationale et internationale en matière de culture. " La révolte a été plurielle : il y a eu un mouvement d'artistes et de citoyens au plan international, puisqu’il y a eu après cet évènement au Zénith, des États généraux de la culture à Santiago du Chili, mais aussi à Moscou, à Prague, à Berlin, à Berlin-Est, à Bologne, à Barcelone, à Bogota, à Lausanne, à Brazzaville, à Yaoundé un rayonnement mondial. 

Il existe des textes qui, par leur nature, sont une forme d'action. À travers la Déclaration des droits de la culture, cette idée qui affirmait l'audace de la création, l'obligation de production, l'élan du pluralisme, la maîtrise nationale de la distribution pour le cinéma et l'audiovisuel, et la nécessité de la coopération internationale. D'une certaine manière, les États généraux de la culture ont permis d'ouvrir une brèche, de renouer avec l'idée de la pensée politique antique qui est l'art du possible. De ce point de vue, selon Laurent Fleury, la portée des États généraux de la culture va au-delà de l'exception culturelle, de la résurgence d'une poétique révolutionnaire et républicaine ; et enfin, de montrer la possibilité créatrice. C’est ici que le politique et le poétique se rejoignent. 

Actualité : "Jack Ralite, nous l’avons tant aimé", ouvrage collectif publié le 2 septembre 2021 aux éditions Le Clos Jouve

Le Billet culturel
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