Le fameux retable "l'Agneau mystique" peint au XVe siècle par les frères Van Eyck vient d'être restauré. Maximiliaan Martens, professeur d'histoire de l'art à Gand, nous explique toutes les découvertes liées à cette restauration historique.
- Maximiliaan P. J. Martens
Jan Van Eyck est un peintre flamand né autour des années 1390, notamment reconnu pour son polyptyque, peint avec son frère, l'Agneau mystique. Le tableau se trouve actuellement à Gand, en Belgique.
"L’Agneau mystique", un chef d’œuvre qui appartient à tous
Le fameux retable de l’Agneau mystique, peint au XVe siècle, vient d’être restauré en public, à la vue de tous. De grandes restaurations ont pu choquer le public comme la Chapelle Sixtine à Rome et c’est ce que voulait éviter ici les restaurateurs selon l’historien de l’art Maximiliaan Martens. En effet, la restauration à vue permet d’éduquer le public aux différentes phases de traitement pour qu’ils aient connaissance des méthodes de restauration et qu'ils sachent comment les décisions sont prises.
Il faut dire que le public est extrêmement intéressé et pose tout le temps des questions. Il y a des rencontres avec les restaurateurs et le public chaque semaine, ainsi que des débats et des conférences.
Cette campagne de restauration a modifié notre regard sur l’œuvre car dans la première phase du traitement, sur les volets extérieurs de l’œuvre, 70% du "sur peint" appliqué depuis le XVIe siècle a été retiré. Le tableau était couvert de différentes couches de vernis oxydées brunâtres et depuis 1986, le retable était montré à travers un verre teint en vert.
Quand on a enlevé tout ça, le résultat était magnifique ! On voyait pour la première fois, depuis son origine, l'état vrai du retable.
Dans la deuxième phase de restauration, le retrait du sur peint signifiait un changement théologique : l'agneau avait à l’origine un aspect anthropomorphe avec des yeux regardant l’observateur, il avait été recouvert par un agneau ordinaire.
C'est sans doute pendant les débats au XVIe siècle, sur le décorum de la représentation des figures de saintes et de Dieu, qu’a été prise cette décision importante. Maintenant, pour la première fois, on voit en effet l'agneau qui a été peint par Jan van Eyck, à l'origine et qui se trouve aujourd'hui à Gand, en Belgique.
"Van Eyck une révolution optique"
Selon Maximiliaan Martens, Jan Van Eyck a fondamentalement amélioré la technique de la peinture à l’huile mais ne l’a pas inventé comme pensait Georgio Vasari. Il a amélioré les techniques en expérimentant, ce qui lui a permis d’avoir accès à tous les matériaux, les textures qu’il observait dans la nature. Par ailleurs, cette observation qui peut être qualifiée de proto scientifique, lui confère une grande précision dans ses représentations artistiques.
On peut le considérer, au même titre que Léonard de Vinci ou Albrecht Dürer, comme un peintre avec une connaissance large des sciences et de son temps. Dans ses textes, il explique la géométrie à partir de la vision humaine et pas seulement à partir de la vision directe comme celle des Italiens de cette époque avec la perspective. Il amène une réflexion sur les surfaces de miroirs plats, convexes, concaves, ce qu'on voit d'ailleurs dans son tableau très connu Les époux Arnolfini ; un miroir convexe avec sa déformation de la réalité.
Par ailleurs, ses textes ont aussi été interprétés métaphysiquement. Pierre de Limoges, professeur à la Sorbonne, traite les lois physiques d'une façon métaphysique et donne une solution à un problème théologique très ancien, déjà posé par Saint Augustin au Ve siècle. Ainsi Jan Van Eyck introduit dans sa peinture cette théorie avec ses aspects physique et métaphysique.
Actualité : Le catalogue Van Eyck, une révolution optique est disponible aux éditions Flammarion en français.
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