Faut-il exposer l'art brut ? Alors que les institutions s'intéressent de plus en plus à ces artistes qui ne se revendiquent pas comme tels, nous demandons à Gustavo Giacosa, commissaire d'exposition et collectionneur d'art brut, ce qui fait la spécificité de cet art.
- Gustavo Giacosa Acteur, metteur en scène, collectionneur d’art brut et commissaire d’exposition
L’art brut ou "l’art des fous" : à la recherche du geste authentique
Né en Argentine, l’acteur et metteur en scène, Gustavo Giacosa est collectionneur d’art brut et commissaire d’exposition. Il vit entre la France et l’Italie et a longtemps travaillé avec le metteur en scène Pippo Delbono. Tout son travail, sur scène ou dans les espaces d’expositions, repose sur les liens entre art et folie.
Ce sont d’abord les artistes qui s’intéressent à l’art brut. Cela se traduit par une sorte d’empathie ou familiarité qu’ils ne savent très bien exprimer vis-à-vis de ces œuvres conçues dans une dimension de solitude, de mystères, de secrets et qui ne cherchent pas de reconnaissance.
Publicité
Les artistes d’art brut sont sensibles à des gestes qui ne sont pas considérés au premier abord comme de l’art. Même s'ils sont affranchis de toute culture artistique et qu'ils ne sont pas considérés comme des artistes, Jean Dubuffet et André Breton se sont intéressés à cette forme artistique. La quête des avant-gardistes du XXème siècle est la recherche du geste authentique et pur, la recherche des origines du geste artistique. Pour Gustavo Giacosa, le défi d’aujourd’hui est de faire connaître l’art brut tel qu’il a été nommé par Jean Dubuffet en Italie.
La notion de Jean Dubuffet sur l’art brut est-elle toujours d’actualité ?
La notion du mot "brut" est intéressante car c’est une définition de la matière et c’est une manière peut être enfantine d’expliquer un art qui n’est pas édulcoré. Les autres formes de définition ne conviennent pas parce que ce sont des distinctions binaires et les notions d’ "insider" d’ "outsider" de "régulier", d’ "irrégulier" sont des catégories sociologiques qui changent avec le temps. Ce qui a été "outsider" et irrégulier au début du siècle, est aujourd'hui complétement dans la norme.
La notion de l'art brut de Jean Dubuffet, selon Gustavo Giacosa, est toujours d’actualité et peut être utilisée dans des contextes, des lieux, des pays différents. Ces artistes n'ont pas besoin de reconnaissance, ils se créent eux-mêmes leurs propre fêtes et en sont les destinataires.
Je pense que la notion de Jean Dubuffet est toujours d'actualité. Mon travail ces dernières années était d'être comme un passeur entre l'Italie et la France. Tout a commencé avec l'exposition Banditi Dell’Arte à la Halle Saint-Pierre de Paris en 2012. Cette exposition a eu beaucoup de succès et a duré neuf mois, ce qui a permis pour la première fois de constituer un corpus des œuvres en exil dans une sorte de musée en exil.
L'art brut et les arts de la scène
Gustavo Giacosa a travaillé pendant vingt ans en tant que comédien dans la compagnie de Pippo Delbono. Il a eu l’occasion d’expérimenter un rapport direct à la création, notamment avec des personnes, dit-il, provenant du monde de l’altérité et de la folie. C’est avec ce contact direct, sans avoir fait des études de théâtre, qu’il s’est formé et qu’il a nourri sa sensibilité sur scène mais aussi en dehors de la scène.
En devenant moi-même metteur en scène, mon intérêt pour l'art brut et pour les artistes de l'art brut a grandi et j'ai pu creuser la recherche physique avec une recherche plus intellectuelle.
Selon Gustavo Giacosa, il y a aujourd'hui un grand intérêt des artistes de théâtre pour l’art brut car ce sont des histoires de vies saisissantes. Pour lui, il est nécessaire de se laisser traverser par ces histoires et d'interroger nos propres folies.
Actualité : L’exposition À deux se poursuit à Rome jusqu'au 30 janvier et le spectacle Giovanni ! …en attendant la bombe de Gustavo Giacosa, se joue le 30 novembre prochain à Marseille.
L'équipe
- Production
- Réalisation