Suite à la menace de fermeture prochaine du musée Hoguet, seul et dernier musée de l’éventail, l'historienne de l'art et spécialiste de l'éventail Georgina Letourmy revient au micro de Marie Sorbier sur l'artisanat et la symbolique de cet objet classé depuis peu au patrimoine immatériel de l’Unesco.
- Georgina Letourmy-Bordier Docteur en histoire de l'art, expert en éventail
L'unique atelier-musée français de l'éventail, l'un des plus petits musées parisiens, est sous la menace d'une expulsion. La propriétaire des lieux, l'éventailliste et maître d'art Anne Hoguet a lancé une collecte pour tenter de sauver ce lieu de patrimoine et éviter la dispersion des quelque 2 500 éventails de sa collection. Au micro de Marie Sorbier, la spécialiste de l'éventail et docteur en histoire de l'art Georgina Letourmy revient sur les origines, usages et symboliques de l'éventail.
L'éventail est apparu avec l'origine du monde. Les premiers éventails étaient des feuilles dont on se servait pour entretenir le feu et éloigner les insectes. Cette simple feuille a été progressivement transformée pour donner l'objet tel qu'on le connaît aujourd'hui.
Georgina LetourmyPublicité
Généralement attribuée au Japon ou à la Chine, l'origine de l'éventail est en tout cas asiatique. Si son utilisation en Europe évoque souvent la culture espagnole, les principaux fabricants du Vieux Continent étaient en fait la France, l'Angleterre, l'Italie et les Pays-Bas, dès le 17ème siècle. Plus qu'un simple objet de parure, l'éventail a eu de multiples usages :
En Europe, on imagine difficilement l'éventail servir à se rafraichir quand on voit la préciosité de ces objets. Ce sont plutôt des attributs de séduction et des marqueurs sociaux. Grâce à l'éventail, on peut tout de suite se distinguer dans la société.
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Objet remarqué par son déploiement, l'éventail met en valeur un aspect physique de son propriétaire révélateur de son statut social : l'inactivité des mains. Des mains dont on n'a pas besoin de servir pour autre chose que tenir cet objet délicat sont bien le marqueur, surtout au 18ème siècle, de l'appartenance à une classe éloignée du travail manuel et ouvrier.
L'éventail a été, début 2020, déclaré au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. Véritable savoir-faire, c'est un objet particulièrement complexe dans sa fabrication, autour duquel existent différents métiers. Il requière des artisans maîtrisant la fabrication de la monture et de la feuille (pour le modèle plié, le plus commun), mais aussi des artisans maîtrisant à la perfection la préparation des matériaux bruts (os, bois, nacre, ivoire) afin de l'amincir pour exécuter des brins. Viennent alors s'ajouter de nouveaux spécialistes : sculpteurs, reperceurs, et d'autres qui se chargent d'enjoliver la matière avec des strass ou des dorures qui donnent à la monture finale. Préalablement à la mise en peinture de la feuille, les papiers ou peaux doivent également être préparés respectivement par des papetiers ou des peautiers. A noter qu'au 18ème siècle, les tâches liées au montage final, précédent la vente, étaient principalement exécutées par des femmes.
Le musée Hoguet, petit musée-atelier situé à Paris, fait face à des difficultés et est menacé de fermeture définitive.
C'est un lieu atypique et probablement un des seuls dans le monde à proposer une telle ambiance. L'actuelle salle d'exposition était la salle de vente d'un éventailliste de la fin du XIXe siècle. Il y a donc encore les tables qui permettaient de présenter les objets, mais aussi les tiroirs remplis de milliers de montures, ainsi que des vitrines où l'on voit des éventails anciens et contemporains. Ce musée est un joyau exceptionnel pour la France et pour l'histoire de l'éventail en Europe.
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L'atelier Hoguet reçoit des commandes venant principalement du monde de la mode, mais aussi de particuliers et parfois même à destination de projets plus atypiques. Par exemple, une exposition d'éventails en collaboration avec des street artists, pour laquelle ces derniers ont exécuté des feuilles d'éventail.
La vente d'éventail dépend tout à fait des modes et suit le marché. Certains sont très recherchés par leurs qualités stylistiques ou les matériaux qui sont employés. Il y a aussi des modes. Actuellement, il y a un regain sur les éventails des années 1850, avec des montures en nacre, alors qu'ils étaient auparavant peu considérés par les collectionneurs. Ceux du 18ème siècle plaisent aussi énormément, mais ce qui suscite beaucoup l'engouement, ce sont les éventails Art nouveau du début du 20ème siècle. Ils sont moins commun, ont un charme particulier par leur graphisme, leurs paillettes, et les quelques artistes remarquables qui ont travaillé dessus.
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De nos jours, il existe un très grand nombre de fabricants d'éventail dans le monde. Les réseaux sociaux, notamment Instagram, permettent de rendre compte de cette production internationale et foisonnante. La France est un foyer de production dynamique, mené entre autres par le maître d'art Sylvain Le Guen, Frédérick Gay, éventailliste de la maison Duvelleroy, Martine Hacquart, Olivia Oberlin.
Les artistes contemporains expriment leur talent par l'usage de matières innovantes (titane, métal). Sylvain Le Guen parvient à créer des matériaux et motifs nouveaux grâce à des procédés techniques qui relèvent de sa seule créativité. Il crée des formes et mouvements nouveaux, comme des effets pop-up ou des déploiements assez étonnants.
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Tant de créateurs contemporains à garder à l'oeil pour ceux qui souhaiteraient devenir ékraventuphiles, c'est-à-dire collectionneur d'éventails.
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