L'intelligence artificielle peut-elle remplacer les artistes ?

Les recherches avancent à l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique Musique.
Les recherches avancent à l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique Musique. - IRCAM
Les recherches avancent à l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique Musique. - IRCAM
Les recherches avancent à l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique Musique. - IRCAM
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L'intelligence artificielle est-elle une artiste comme une autre ? Philippe Esling chercheur à l'IRCAM nous explique le rôle et les capacités nouvelles des machines dans les créations musicales contemporaines.

Les progrès dans le domaine de l’apprentissage des machines et de l’intelligence artificielle ont fourni ces dernières années des résultats surprenants, notamment dans des domaines artistiques autrefois considérés comme chasse-gardée des humains. Pour en savoir plus Marie Sorbier s’est renseignée auprès de Philippe Esling, chercheur à l’Institut de recherche et coordination acoustique musique et professeur à la Sorbonne.

Assister n’est pas remplacer

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Beaucoup de chemin a été parcouru depuis les premières découvertes d’Alan Turing, au point que certaines machines « intelligentes » se retrouvent désormais sur scène ou sur les plateaux de tournage, au même titre qu’un acteur ou qu’un musicien. Cela fait-il pour autant des intelligences artificielles des artistes comme les autres ?

« Non, c’est une mauvaise conception qu’ont les gens vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Il n’y a pas de remplacement, en réalité, ce n’est qu’un outil au service des créateurs, des artistes. Au même titre que la photo en est un, qui n’a, par ailleurs, jamais remplacé la peinture. Il en va de même pour Photoshop qui n’est pas synonyme de la mort de la photo, c’est seulement son évolution technique qui permet de briser des codes. » Philippe Esling

En musique par exemple, les intelligences artificielles ne remplacent pas (encore) les musiciens, elles ne sont qu’outils permettant à ces derniers de mieux travailler, plus facilement et surtout plus rapidement.

« Il y a des intelligences artificielles qui servent vraiment purement à la composition, permettant d’explorer des idées en servant d’assistant aux créateurs. D’autres IA servent à obtenir de nouvelles couleurs sonores, ou à simplifier l’utilisation de celles déjà connues des artistes. Les IA servent ainsi deux projets : découvrir de nouveaux sons impossibles à créer physiquement dans le monde réel et simplifier l’utilisation d’instruments. Par exemple, l’une d’entre elles permet dans transformer sa voix en violon, piano ou violoncelle. » Philippe Esling

Le Tour du monde des idées

Apprentissage profond, intelligence forte et faible

Dans ses publications, comme dans celles de ses confrères chercheurs, il est fréquent qu’apparaisse le terme, presque ontologique, « d’apprentissage profond ». Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi retrouve-t-on cette notion « d’apprentissage profond » dans l’histoire des révolutions de l’IA ?

« L’apprentissage profond ce n’est rien d’autre qu’un réseau de neurones, de plusieurs couches, qui communiquent entre eux. La "profondeur" se réfère au nombre d’opérations successives capables d’être produites par ce réseau neuronal. La grande révolution de l’IA s’est produite en 2009/2010 lorsque Yann LeCun, Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio ont trouvé des manières d’augmenter massivement le nombre d’opérations successives à l’intérieur d’un réseau de neurones artificiel. » Philippe Esling

Si parmi ces IA au système neuronal surdéveloppé, capables d’apprentissage profond, certaines sont en mesure de créer des œuvres d’art, qu’en est-il de la propriété intellectuelle de leurs créations ? A qui appartiennent-elles ?

« Pour les chercheurs de l’IRCAM la machine reste un outil, comme le sont les synthétiseurs, car ils sont aussi des outils utilisés pour s’aider à la composition, des outils de synthèse qui permettent des sons facilement. Pour ceux-là on ne se pose pas la question car le terme « intelligence » n’est pas en jeu, c’est cela qui brouille la perception lorsqu’on parle des IA. Il faudra se poser ces questions le jour où on atteindra la véritable intelligence artificielle générique, une "intelligence forte" et non une "intelligence faible"Philippe Esling

D’ici là, il vous est possible d’en apprendre davantage au sujet des intelligences artificielles et du travail de l’IRCAM dans le cadre de l’exposition ManiFeste qui se tiendra du 8 juin au 2 juillet 2022 au Centre Pompidou.

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