La vie sociale de la céramique

Takuro Kuwata - Bowl, 2014 Porcelaine, émail H. 13 cm x L. 13,5 cm x l. 14,5 cm Courtesy de l’artiste et de Pierre Marie Giraud, Bruxelles, Belgique
Takuro Kuwata - Bowl, 2014 Porcelaine, émail H. 13 cm x L. 13,5 cm x l. 14,5 cm Courtesy de l’artiste et de Pierre Marie Giraud, Bruxelles, Belgique - Tadayuri Minamoto
Takuro Kuwata - Bowl, 2014 Porcelaine, émail H. 13 cm x L. 13,5 cm x l. 14,5 cm Courtesy de l’artiste et de Pierre Marie Giraud, Bruxelles, Belgique - Tadayuri Minamoto
Takuro Kuwata - Bowl, 2014 Porcelaine, émail H. 13 cm x L. 13,5 cm x l. 14,5 cm Courtesy de l’artiste et de Pierre Marie Giraud, Bruxelles, Belgique - Tadayuri Minamoto
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Le café n'a pas le même goût dans une tasse ou dans un gobelet en plastique. Thomas Golsenne, maître de conférences en histoire de l’art à l’Université de Lille, nous explique pourquoi la céramique peut être analysée comme un objet sociologique.

Avec
  • Thomas Golsenne

Comme le rappelait dans les années 80, le sociologue Arjun Appadurai - "nous fabriquons des objets mais les objets eux, modifient nos perceptions." Thomas Golsenne, maître de conférences en histoire de l’art et culture visuelle modernes à l’Université de Lille, a signé l’un des textes qui accompagne le catalogue de l’exposition Les Flammes, L’Âge de la céramique ; texte dans lequel il rappelle que le contenant tel que le bol par exemple, peut altérer notre perception du goût de ce qu’il contient.

La céramique, un art sociologique ? 

Selon Thomas Golsenne, il est tout à fait possible de faire de la céramique un objet sociologique. En effet, beaucoup de sociologues ont étudié les usages de la céramique dans la société contemporaine ; mais aussi les historiens dans diverses sociétés du passé ; ainsi que les archéologues, avec la découverte de sociétés, à la période du Néolithique, qui, grâce au développement de l'art de la céramique, avaient développé certaines pratiques d'alimentation. 

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Par exemple, le fait de faire bouillir la nourriture. Dans d'autres sociétés où la céramique était moins développée au Néolithique, l'usage était plutôt de brûler ou griller les viandes. Il est né aussi des différences assez importantes en termes de rites funéraires. C’est particulièrement  intéressant de voir comment, à partir de restes de céramique ou de la présence ou absence du développement de la céramique, il y a tout un univers social, culturel, qui se déploie grâce à de simples fragments. Boire du café dans une tasse n’a pas le même goût que dans un autre récipient à cause de la qualité du contenant. Boire dans un gobelet ou boire dans une tasse en faïence ou dans un verre donne un goût différent. On peut voir dans la qualité du matériau, la qualité de la technique, un choix culturel qui trouve un écho avec d’autres choix culturels de différentes sociétés.

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La céramique nous permet-elle de dépasser l’opposition occidentale entre art et artisanat ?

La céramique est une pratique universelle qui existe dans les traditions japonaises et chinoises et qui peut être comparée à celles développées en Europe. La céramique est un des arts où se cristallise cette opposition en Occident ; ou au contraire une absence de distinction, comme au Japon ou en Chine. 

C'est intéressant de voir à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème siècle, avec la mode du japonisme en Europe et dans le monde occidental, comment la découverte de la céramique japonaise a permis à celles et ceux, en Europe, qui étaient intéressés par une revalorisation de l'artisanat, de comprendre qu'ailleurs, il n'y a pas ce découpage hiérarchique entre les beaux-arts et l'artisanat. Au Japon ou en Chine, ce découpage n'existe pas. Ainsi on a découvert la céramique, notamment japonaise avec la technique du raku, et cela a eu un succès incroyable et a permis de remettre en cause cette séparation très occidentale dans beaucoup de pratiques d'avant-gardes. 

Selon Thomas Golsenne, aujourd’hui dans les pratiques artistiques contemporaines, il y a un retour à la céramique et une remise en cause des frontières entre art et artisanat. Dans le monde occidental, la céramique sert en partie à remettre en cause cette distinction.

L’exposition Les Flammes, L’Âge de la céramique permet de montrer des objets, des œuvres provenant de champs originairement séparés. Il y a des objets utilitaires qui côtoient des objets artistiques ; des objets très anciens avec des objets récents. Cette exposition traverse des domaines, des disciplines artistiques où des objets sont étudiés pour leur fonction utilitaire, à travers le prisme de la céramique, à travers une interrogation sur les techniques et sur les usages. L'exposition révèle également que les catégories : art, artisanat, fonctionnel, esthétique, sont remis en cause en observant les objets qui dialoguent entre eux.

mActualité : L’exposition Les Flammes, L'Âge de la céramique est toujours visible au Musée d'Art moderne de Paris jusqu'au 6 février.