Retour sur la double BD "Citéville" et "Citéruine" de Jérôme Dubois avec le philosophe de l'urbanité Thierry Paquot pour réévaluer la capacité des villes à faire vivre les ambitions de ses habitants.
- Thierry Paquot Philosophe et essayiste
Dans les deux bandes-dessinées de Jérôme Dubois qui sont chacune le miroir de l'autre, le cadre est celui d'une ville imaginaire où la violence quotidienne semble se révéler par l'absurdité des situations. C'est Citéville et sa modernité glaçante, la déshumanisation ambiante et le renversement des liens familiaux, jusqu'à la disparition définitive de toute présence vivante dans Citéruine. Avec Thierry Paquot, philosophe et professeur émérite à l'Institut d'urbanisme de Paris, nous avons lu les deux BD de Jérôme Dubois, et nous nous demandons si elles forment un reflet des angoisses que génère la ville d'aujourd'hui.
Il y a la crainte d'une ville qui nous échapperait et deviendrait une ville fantôme. La géométrie excessive des dessins de Jérôme Dubois, qui fait mal aux corps, participe à rendre la ville désincarnée. C'est tout une tendance qu'on retrouve dans la science-fiction depuis longtemps déjà. De plus, difficile de ne pas penser à la pandémie actuelle et aux images des villes totalement dépeuplées. Elles n'étaient alors plus des villes, car ce qui fait une ville, selon moi, ce n'est ni son architecture ni son organisation, mais tout simplement ses habitants. Thierry Paquot
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L'utopie, c'est l'urbaphobie ?
La ville est-elle toujours le lieu de l'utopie, ou, comme le disait le philosophe Georges Bataille, est-elle encore l'espace des possibilités inaccessibles ?
La plupart des récits utopiques sont des récits urbaphobes. Les utopies sont plutôt des petites communautés agro-pastorales peu nombreuses qui parviennent à réinventer une collectivité différente en changeant le rapport au travail, à la nature et entre l'homme et la femme, entre les parents et les enfants. L'utopie n'est donc pas urbaine, au sens des mégalopoles. Ce sont toujours les dystopies qui prennent place dans le cadre dense et bétonné des grandes villes. Dans la science-fiction, la ville est presque toujours néfaste. Thierry Paquot
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