A l’occasion du bicentenaire de l’Ecole nationale des chartes, le professeur d’histoire du livre et des médias contemporains Christophe Gauthier explique au micro de Marie Sorbier comment l’école travaille pour archiver les nouveaux supports comme le cinéma.
- Christophe Gauthier Conservateur de la Cinémathèque de Toulouse.
A l'occasion du bicentenaire de l'Ecole nationale des chartes, le professeur d'histoire du livre et des médias contemporains Christophe Gauthier revient au micro de Marie Sorbier sur les enjeux du travail d'archive à l'ère numérique, notamment quant aux oeuvres cinématographiques. C'est près de 90 ans après la naissance du cinéma qu'une thèse sur l'histoire du 7ème art a été soutenue à l'Ecole nationale des chartes. Archiver les films est-il une préoccupation récente ?
Les premiers travaux scientifiques sur l'histoire du cinéma à l'Ecole nationale des chartes remontent à 1983. Il s'agit d'une thèse d'Emmanuelle Toulet sur l'apparition du spectacle cinématographique à Paris dans les années 1900-1910. Néanmoins, précise Christophe Gauthier, la question de la conservation des films est presque aussi ancienne que le cinéma lui-même. Les premiers textes portant sur cette question datent de 1898, avec notamment un écrit d'un photographe polonais sur la nécessité de conserver des images à des fins de renseignement historique. Pour le photographe polonais, l'enjeu était de constituer des archives qui donneraient à voir ce qu'il considérait comme la vérité de l'Histoire se déroulant sous nos yeux.
L'archivage du cinéma a été pris en charge par plusieurs bibliothécaires, notamment par Marcel Poëte, ancien directeur de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Au cours des années 1910, il s'est interrogé sur la possibilité de conserver des images animées afin de renseigner l'histoire de Paris. Débattue à plusieurs reprises au sein du conseil municipal de Paris, cette initiative a été provisoirement abandonnée car les films, à l'époque, étaient sur un support fait en nitrate. Il était considéré trop risqué de conserver cette matière hautement inflammable à proximité des livres.
En 1962, la Cinémathèque de la Ville de Paris a été créée, avec pour mission de fournir des films aux écoles pour leurs activités pédagogiques et de rassembler des films sur l'histoire de Paris. La Cinémathèque de la Ville de Paris a en ce sens précédé ce qu'est aujourd'hui le Forum des images.
Cette dimension d'archivage et de documentation par les films a été prise en charge par des bibliothécaires, dont certains étaient chartistes. Elle a fini par voir le jour relativement tôt, au début des années 1920.
Christophe Gauthier
A l'heure du numérique, les cinémathèques continuent de remplir des missions importantes. Un des enjeux principaux est celui de la conservation d'images qui, produites par des structures économiques privées, n'ont pas une durée de vie pérenne. Conserver des images au sein d'une structure publique, c'est ce que font entre autres les Archives françaises du film du Centre national du cinéma (CNC). Etabli en 1969, ce service a cependant été imaginé dès 1928, lorsque le premier ministre Edouard Herriot envisage la création d'un office du cinéma incluant un service d'archives dirigé par un chartiste. Si le projet d'Herriot n'a pas vu le jour, il a été repris par la Cinémathèque française, association créée au cours des années 1930, qui maintiendra un monopole sur la conservation des films en France jusqu'aux années 1960.
La question de la conservation des films se pose autant aujourd'hui qu'à l'heure de l'argentique. La seule migration qui a eu lieu est une migration de support : le passage du photochimique au numérique. L'enjeu de conservation pérenne reste néanmoins le même. Il s'inscrit dans le cadre de la loi et du Code du patrimoine.
Christophe Gauthier
En 1925, une loi sur le dépôt légal des images animées est proposée. De nombreux bibliothécaires, parmi lesquels Eugène Morel, militent pour cette loi qui imagine un dépôt légal des enregistrements sonores et des films. Elle a été réellement mise en place au cours des années 1970. Aujourd'hui, elle attribue au CNC les films sortis en salles avec un visa d'exploitation, et les films sortis sur d'autres supports (DVDs et diffusions non commerciales) à la Bibliothèque nationale de France.
Cette conservation est non seulement nécessaire pour la mémoire et la mise à disposition des publics futurs, mais elle est aussi inscrite dans le Code du patrimoine. Aujourd'hui, le cinéma participe pleinement du paysage patrimonial français.
Christophe Gauthier
Récemment, le cinéaste Amos Gitaï a travaillé étroitement avec l'Ecole nationale des chartes et la BnF. Il a fait un don à la BnF d'un riche ensemble documentaire autour de l'assassinat d'Yitzhak Rabin, constitué d'archives papier, de photographies et de nombreux fichiers d'images animées. Un traitement massif a été nécessaire pour archiver ces données ainsi que les états successifs de montage des films faisant partie du projet d'Amos Gitaï. Avec l'Ecole nationale des chartes et la BnF, le cinéaste a réfléchi à la meilleure manière d'inventorier et de conserver ce fonds très hétérogène d'un point de vue technique. Une étudiante du master "Technologies numériques appliquées à l'histoire" en stage à la BnF a proposé une méthodologie de traitement et un premier inventaire afin que ce fonds soit accessible aux chercheurs en surmontant les difficultés techniques qu'il présentait. Selon Christophe Gauthier, le traitement de ce fonds d'archive, qui a donné lieu à une exposition toujours disponible à la BnF, laisse présager que d'autres fonds du même type pourront être conservés et mis à disposition par la BnF dans les années à venir.
Retrouvez la visioconférence de Christophe Gauthier "Quand les chartistes vont au cinéma. La constitution d’une nouvelle expertise" le mardi 18 mai à 18h sur le site de l'Ecole nationale des chartes.
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