Les femmes photographes de guerre produisent-elles des images différentes de leurs collègues masculins ? Eléments de réponses avec Sylvie Zaidman, historienne et directrice du musée de la Libération.
En cette journée internationale des droits des femmes 2022, il est bon de rappeler que les femmes aussi se rendent au front, que ce soit pour faire la guerre ou la couvrir médiatiquement : la photographie de guerre n’est pas qu’un métier masculin. Bien au contraire, de nombreuses femmes photographes ont travaillé dans des zones de guerre et documenté les crises mondiales de manière parfois plus intimes, notamment en consacrant plus de visibilité aux familles impactées par les conflits.
A l’épreuve du feu
Sylvie Zaidman, historienne et directrice du Musée de la Libération Général Leclerc Jean-Moulin à Paris, décrit à Marie Sorbier l’exposition dédiée aux femmes photographes de guerre qui vient de s’ouvrir dans son établissement. Cette exposition retrace l’implication de femmes dans les conflits internationaux entre 1936 et 2011 à travers l’exemple de huit photographes mises en exergue : Gerda Taro, Lee Miller, Catherine Leroy, Christine Spengler, Françoise Demulder, Susan Meiselas, Carolyn Cole et Anja Niedringhaus.
« Ces femmes aux sensibilités très différentes étaient toutes reconnues par leurs pairs. Gerda Taro a couvert la Guerre Civile espagnole, Lee Miler la Seconde Guerre Mondiale, Catherine Leroy et Christine Spengler la guerre au Vietnam, au Cambodge et en Irlande, Françoise Demulder les conflits au Cambodge, en Angola, au Liban, en Irak, Susan Meiselas au Nicaragua et au Salvador dans les années 80, et enfin Carolyn Cole et Anja Niedringhaus ont toutes deux couvert l’Irak et l’Afghanistan. » Sylvie Zaidman
Mémoire de nos mères
Alors, les femmes photographes de guerre ont-elles un regard différent de leurs collègues masculin pour autant ? Sylvie Zaidman nous répond que non, car peut importe le sexe, la profession implique de prendre des photos en zone de guerre de la même manière. Néanmoins, elle précise également que leur statut de femme leur permet un contact plus facile avec certains milieux :
« Elles sont plus facilement au contact des populations civiles, des autres femmes, des enfants et donc elles ont un regard particulier par ce biais uniquement. Elles nous montrent que les femmes sont des actrices des conflits, elles sont des témoins, certes, mais aussi actrices ou parfois des combattantes, et pas seulement des victimes. » Sylvie Zaidman
Par ce biais-là, grâce à ces photographies plus intimes et la levée de certaines barrières auxquelles font face les hommes, les femmes photographes de guerre ont pu révéler une nouvelle définition, plus globale, de ce qu’est une guerre.
« En effet c’est une définition qui englobe les réfugiés, les victimes civiles mais aussi, la souffrance des soldats eux-mêmes. Cela permet de voir la guerre de manière plus globale mais surtout sur la longue durée, de dépeindre l’évolution des conflits et des regards portés dessus. » Sylvie Zaidman
Valse avec Bechir
S’il fallait qu’elle n’en choisisse qu’une parmi les 80 photographies de l’exposition, toutes contextualisées dans les journaux où elles furent publiées, le choix de Sylvie Zaidman se porterait un cliché réalisé par Françoise Demulder lors d’un massacre sur la colline Tel al-Zaatar à Beyrouth en 1976 orchestré par les chrétiens phalangistes dirigés par Bechir Gemayel :
« C’est une photo d’une scène de guerre où l’on peut voir, dans des ruines, une femme palestinienne habillée en blanc implorer un grand guerrier de la milice chrétienne de dos, la surplombant, habillé en noir en train de perpétrer un massacre. Cette photo représente la quintessence de l’image de la souffrance. » Sylvie Zaidman
- L’exposition Femmes photographes de guerre est à retrouver au Musée de la Libération à Paris jusqu’au 31 décembre 2022.
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